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La vraie fausse arrestation de Greta Thunberg et les médias de grand chemin

22 janvier 2023

Temps de lecture : 4 minutes
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La vraie fausse arrestation de Greta Thunberg et les médias de grand chemin

Temps de lecture : 4 minutes

Depuis sa percée médiatique en 2018, Greta Thunberg s’est hissée en égérie de la lutte contre le réchauffement climatique. La jeune Suédoise, souvent considérée comme une marionnette d’intérêts qui la dépassent, s’est illustrée à de nombreuses reprises dont la plus récente remonte au 17 janvier 2023.

Sit-in et « arrestation »

En ce mar­di 17 jan­vi­er, l’ac­tiviste de 20 ans pre­nait part à un sit-in à l’ouest de l’Alle­magne pour s’op­pos­er à l’ex­ten­sion d’une mine à ciel ouvert de char­bon. Situé dans le vil­lage de Lützerath, le site a vu se con­stituer, depuis près de deux ans, une ZAD. Une équipe de Reuters cou­vre l’événe­ment. Soudain, voilà Thun­berg, prise par les pieds et les mains par deux policiers et con­duite un peu plus loin avec, sur son vis­age, une expres­sion à mi-chemin entre le sourire nar­quois et une pro­fonde sérénité.

Quelques sec­on­des plus tard, revoilà notre héroïne remise sur pied par ces mêmes policiers se prê­tant volon­tiers à une séance de pho­to. Tout sourire, elle sem­ble par­faite­ment au courant qu’elle ne risque rien en présence des caméras. Finale­ment, tout le petit groupe est arrêté en même temps, et elle sera remise en lib­erté suite à un con­trôle d’i­den­tité ayant pris quelques heures. Néan­moins, les sourires et la « douceur » de la maréchaussée lors de la manœu­vre ont très vite amené une ques­tion : est-ce que cette arresta­tion ne serait pas une mise en scène ?

Retour en arrière

Pour ten­ter de répon­dre à cette ques­tion, revenons quelques jours en arrière. Le same­di 14 jan­vi­er, la police alle­mande procède à une évac­u­a­tion mus­clée de la ZAD qui, depuis deux ans, donne du fil à retor­dre aux autorités locales. Le col­lec­tif Lützerath vit ! évoque des blessures pour des dizaines de ses mil­i­tants, dont une ving­taine a dû être hos­pi­tal­isée. Côté police, ce sont près de soix­ante-dix blessés, et cent-cinquante zadistes sont pour­suiv­is pour des motifs var­iés. Des chiffres élo­quents sur la vio­lence des affron­te­ments dont Gre­ta Thun­berg s’est d’ailleurs fait le relais sur sa page Twit­ter en dif­fu­sant des vidéos de la charge des policiers.

Notons le con­traste entre cette vio­lence, abon­dam­ment dénon­cée par les opposants à la mine de char­bon, et l’in­ter­pel­la­tion com­plaisante de Gre­ta Thun­berg. Sa notoriété, cou­plée à la présence des caméras, sont deux élé­ments qui expliquent la douceur de cette arresta­tion où la police peut mon­tr­er qu’elle agit avec tact et déli­catesse. C’est d’ailleurs ce qu’a expliqué la police locale, en pré­cisant avoir lais­sé les jour­nal­istes faire leur tra­vail en réponse aux cri­tiques reçues aupar­a­vant. Cette poten­tielle mise en scène aurait donc pu être l’oc­ca­sion pour la police alle­mande de redor­er son blason.

Ajou­tons qu’au moment où Gre­ta est venue sur les lieux, la sit­u­a­tion était pra­tique­ment paci­fiée. Le risque d’échauf­fourée était net­te­ment moin­dre que celui du same­di 14 jan­vi­er, et il s’agis­sait d’une prise de risque minime.

Mise en scène ?

Dans leurs déc­la­ra­tions divers­es, jour­nal­istes et policiers étaient tous formels, la présence de Gre­ta Thun­berg n’é­tait pas con­nue à l’a­vance. C’est l’un des élé­ments prin­ci­paux qui rendrait impos­si­ble la mise en scène.

Cepen­dant, celle-ci est loin d’être improb­a­ble puisque, comme le note Le Monde, Gre­ta Thun­berg fai­sait par­tie des organ­isa­teurs de la man­i­fes­ta­tion du 14 jan­vi­er. Il était donc pos­si­ble et même prob­a­ble qu’une organ­isatrice vienne par­ticiper à un moment ou à un autre à la manifestation.

Retour sur les écrans

Mais quel aurait été l’intérêt, pour Gre­ta, d’une telle mise en scène ? Tout d’abord, il s’a­gi­rait de remet­tre un coup de pro­jecteur sur une jeune fille que les tribu­la­tions n’ont pas per­mis de ren­dre vis­i­ble dans le paysage de manière solide. Depuis un an, le phénomène Gre­ta sem­ble s’essouffler et cette arresta­tion a remis la lumière sur cette jeune Sué­doise qui ferait trem­bler les grands. Ces grands, elle devait d’ailleurs les côtoy­er au prochain forum de Davos qui se tenait quelques jours après l’ar­resta­tion. En out­re, elle se drape d’une image de dis­si­dente et per­met à son com­bat d’être rangé dans la liste des com­bats qui vous font con­naître les cel­lules de garde à vue.

D’ailleurs, elle n’a pas man­qué de not­er dans un tweet suite à son inter­pel­la­tion que celle-ci mar­quait la « crim­i­nal­i­sa­tion » de la lutte con­tre le change­ment cli­ma­tique. Très vite, médias et poli­tiques ont loué le courage de cette petite, con­fron­tée à la police pour ses idées.

Pour finir, reposons la ques­tion : cette arresta­tion était-elle une mise en scène ? Des démen­tis ont été faits, par la police et par la presse. Dans tous les cas, il s’ag­it d’une opéra­tion de com ron­de­ment menée par celle qui, en quelques années, est dev­enue le vis­age de l’é­colo­gie mon­di­al­iste. Bien joué.

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