Cela s’appelle un dossier à charge contre une collègue. Libération défend les femmes… mais pas celles qui travaillent pour des hommes supposés de droite et même si celles-ci sont de gauche. Dans un papier publié le 16 septembre 2021, le journal libéral libertaire s’est livré à un exercice de critique assez bas de plafond à l’encontre de Laurence Ferrari, à qui il est essentiellement reproché de travailler dans un média appartenant à Vincent Bolloré, CNews.
Biographie malveillante
« Laurence Ferrari, bien au show chez Bolloré » : c’est le titre de la dernière diatribe anti-Bolloré de Libération. Au menu : un portrait au vitriol en forme de biographie malveillante à l’égard de Laurence Ferrari. De-ci de-là, s’ajoutent quelques mesquineries lancées en direction du « méchant milliardaire » Bolloré. Du côté de Libé, on était moins hostiles aux hommes d’affaires quand il s’agissait de se faire sauver la mise par Patrick Drahi en juin 2016 et la pseudo fondation qui contrôle le journal est à son tour contrôlée par le même Drahi (voir notre encadré). CNews se voit aussi reproché la mise en place de plages horaires de co-diffusion avec la fréquence radio d’Europe 1, récemment entrée dans le giron de Vincent Bolloré ; une rationalisation qui ne plait pas du côté du quotidien qui préfèrerait que cela reste comme avant, la douce époque où Europe 1 parlait comme Libé… et était en train de couler.
Voir aussi : La pseudo-indépendance de Libération
Un jugement moral
Laurence Ferrari, elle, se voit décrite comme une journaliste faisant recette dans le « plus pur style populiste de CNews ». En somme : les sujets abordés lors de son émission Punchline, sont des faits d’actualité « majoritairement axés immigration et insécurité ».
Populiste, un peu, mais opportuniste beaucoup : le papier sous-entend clairement que Laurence Ferrari, bien que de gauche, a « d’abord servi ses intérêts » à l’occasion de la crise qui frappa iTélé. Une affirmation due à un ancien collègue choisi, comme toutes les personnes interrogées pour les besoins du papier, pour le peu d‘affection qu’il témoigne à la journaliste.
La présentatrice de 55 ans, présentée comme une fille de notable provincial et qui « détestait le Front National » est ainsi taxée de faire preuve d’une certaine « ambiguïté politique », ambivalence qu’elle n’aurait apparemment pu lever qu’en renonçant à sa place à CNews. L’intertitre, sans ambages, dénonce encore plus clairement une personnalité dotée de « plus d’ambition que de moral ». Plus généralement, le rappel systématique des départs de journaliste d’iTélé et d’Europe 1 laisse entendre une petite musique selon laquelle les puristes seraient partis quand les salauds, eux, seraient restés.
Une égérie médiatique lepenisée par un confrère
La critique est donc placée sur le terrain politique et moral mais permet aussi à son auteur, Adrien Franque, d’égratigner une présentatrice qu’il déconsidère vis-à-vis de ses collègues de CNews. Si Ferrari est décrite comme une femme travaillant avec zèle, on la considère « moins à l’aise dans l’exercice que certains collègues, tels l’histrion Pascal Praud ou l’opiniâtre Sonia Mabrouk ». Pas amateur du style Ferrari, le journaliste de Libé se prend même les pieds dans le tapis féministe en réduisant la présentatrice télé à sa chevelure : « La blondeur autrefois estampillée TF1 évoque aujourd’hui les têtes d’affiches conservatrices de FOX News ». Comme ailleurs le rédacteur épingle les « femmes journalistes de plus de 50 ans », Laurence Ferrari devient une sorte de « vieille blonde », même si le terme n’est pas employé.
Papier peu aimable en direction d’une consœur, l’article de Libé s’attache surtout à mener une nouvelle offensive contre « l’empire de plus en plus populiste du milliardaire breton ». Longtemps peu enclins à s’invectiver entre confrères, les journalistes « mainstream » semblent à la croisée des chemins alors que la montée en puissance des médias appartenant au groupe de Vincent Bolloré insuffle un peu – un peu seulement — de pluralisme dans une profession très marquée à la gauche libérale libertaire.
Voir aussi : Libération, infographie