22 novembre 1963, Kennedy est assassiné à Dallas. Depuis cette date des milliers d’articles, des dizaines de livres ont été consacrés à l’affaire. En-dehors de Lee Oswald, ont été incriminés la mafia, Fidel Castro, la CIA, les anti-castristes, le vice-président en fonction Lyndon Johnson et bien d’autres. François Carlier a consacré sa vie à élucider les circonstances de son assassinat entre légendes et fake news. Nous nous sommes entretenus avec l’auteur autour de son dernier livre, « L’assassinat de Kennedy expliqué, bilan définitif, après 60 ans » (Le Lys bleu).
Pourquoi vous êtes-vous passionné par l’assassinat de JFK ?
Tout a commencé par hasard, lorsque j’avais seulement 7 ans. Mes parents regardaient la télévision. J’étais dans la pièce. Le programme était un documentaire sur l’assassinat de Kennedy. J’ai été intrigué, puis fasciné, donc marqué par ce documentaire. Je me souviens surtout du fait que cela semblait être une énigme, un mystère avec des questions sans réponses. Plus tard, j’ai voulu étudier cette affaire simplement pour savoir la vérité. Il y a de nombreuses versions. Or, Kennedy n’est mort qu’une fois, et d’une seule manière. Il fallait donc réussir à séparer les faits de la fiction pour aboutir à la solution. Ce parcours fut passionnant et a nécessité des années.
Comment avez-vous mené votre enquête et sur combien de temps ?
La première chose à faire est de se documenter, et cela passait d’abord par les livres, surtout à une époque avant l’arrivée d’Internet. Les premières années, mes recherches se limitaient à accumuler des documents, lire des livres, échanger des courriers avec des chercheurs américains, regarder des vidéos (achat de cassettes), enregistrer des documentaires télévisés, interroger des témoins de l’époque (quand j’avais leur adresse), visiter les lieux ayant rapport à l’assassinat, rencontrer des auteurs et participer à des symposiums à Dallas. Puis mon travail a gagné en qualité. J’ai entamé un travail de réflexion critique. Après avoir tout lu, j’ai cherché à faire une synthèse, et surtout à vérifier objectivement les affirmations. J’ai confronté les thèses et auteurs : confrontation des idées, échanges épistolaires avec chercheurs et témoins, mise au pied du mur de ceux qui parlent sans prouver, lecture attentionnée et réfléchie des arguments de part et d’autre. Vérification, sélection, élimination. Utilisation des faits, de la logique et de la science. Jusqu’à aboutir à la vérité. Tout cela a pris une quinzaine d’années.
Il existe de nombreuses théories autour d’un possible complot, quelles sont les principales ?
- La piste des castristes
C’est-à-dire, ni plus ni moins, celle de Fidel Castro, instigateur d’un complot pour se venger des manœuvres secrètes de la CIA pour l’éliminer, qui n’étaient pas ignorées de Kennedy. - La piste des anticastristes
Adversaires idéologiques de la révolution cubaine, les anticastristes veulent renverser Castro et veulent assassiner le président Kennedy pour lui faire payer ce qu’ils voient comme sa trahison à refuser un soutien aérien lors de l’opération de la Baie des Cochons, qui a tourné au fiasco. - La piste de la CIA
La CIA craignait de voir sa puissance diminuer par l’action du président (qui avait une vision politique opposée) et aurait donc voulu prendre les devants. - La piste des Russes/du KGB
En pleine guerre froide, après le recul lors de la crise des missiles de Cuba, l’année précédente, les Russes ont pu vouloir se venger et sauver leur honneur. - La piste de la mafia
Le ministre de la Justice Robert Kennedy, avec l’appui de son frère John, président, menait une lutte sévère contre le crime organisé. La mafia a peut-être voulu éliminer cet adversaire. Assassiner le président enlevait de facto le pouvoir au ministre de la Justice. - La piste du vice-président Lyndon Johnson
Cherche à qui profite le crime… Si le président meurt, alors le vice-président, par le jeu des institutions américaines, lui succède. Un tel poste nourrit les ambitions les plus folles ! Johnson n’avait que la famille Kennedy sur sa route pour accéder au poste de président. Éliminer JFK lui permettait d’accéder au poste tant convoité ! - La piste du complexe militaro-industriel
Toute l’industrie de l’armement et ses entreprises ont besoin d’une guerre pour relancer son activité et engranger des milliards de dollars. Sans compter leurs opinions expansionnistes. Ils veulent faire la guerre au Vietnam, mais craignent que Kennedy y renonce. Eliminer Kennedy permettrait de faire la guerre. - Il existe d’autres théories encore. Mais aucune n’a fait ses preuves. S’il est légitime d’émettre des hypothèses, et si on ne peut nier que des individus ou groupes constitués aient pu désirer la mort de Kennedy avec la défense de leurs intérêts en tête, il est aujourd’hui incontestable que malgré les recherches, jamais aucune de ces hypothèses n’a pu être établie un tant soit peu. Nulle trace n’a jamais été trouvée. Qui plus est, il existe quantité d’arguments qui vont à l’encontre de chacune de ces hypothèses. Les témoins de l’époque et proches de la victime sont catégoriques dans leur rejet de ces théories.
Vous concluez à l’acte d’un tireur isolé, pourquoi ?
Parce que les faits bruts mènent à cette conclusion imparable ! La logique + les faits observés + les vérifications scientifiques menées indépendamment durant ces soixante dernières années, tout amène à cette conclusion, avec un niveau de certitude élevé ! Toutes les traces relevées sur place pointent vers un seul tireur, Lee Oswald, à partir du 5e étage du bâtiment où il travaillait. Rien n’a jamais été trouvé qui puisse envisager autre chose, ailleurs. Pourtant, depuis 60 ans, des dizaines de chercheurs acharnés ont consacré leur temps à découvrir d’autres pistes. Mais personne n’a jamais rien trouvé. Je me rends à l’évidence.
Quelles ont été les motivations d’Oswald ?
Autant je peux être catégorique lorsqu’il s’agit de présenter des faits avérés ou les résultats d’une expérience scientifique, autant je reste humble et réservé lorsqu’il s’agit de donner un avis sur les pensées d’un homme qui est mort sans laisser le moindre testament. Lee Oswald n’a jamais parlé de son projet (pas même à son épouse) et n’a même pas voulu reconnaitre son geste devant la police. Personne, jamais, ne pourra prétendre être son porte-parole. Néanmoins, on peut dire, à la lecture de son journal intime et en étudiant son parcours et ses déclarations de son vivant, qu’il a voulu tuer le représentant du monde occidental capitaliste, système qu’il détestait politiquement, lui qui se voulait un révolutionnaire communiste. Il voulait avoir un impact en faveur de sa cause.
François Carlier, L’assassinat de Kennedy expliqué, bilan définitif après 60 ans, Le Lys bleu, 2023, 27€.