Rediffusion. Première diffusion le 20 mars 2018
La Ministre de la Culture Françoise Nyssen, lors de sa visite aux Assises le jeudi 15 mars 2018, avait insisté sur la dimension « d’éducation aux médias » des jeunes générations pour les protéger des fausses nouvelles et autres rumeurs complotistes. De nombreux étudiants (en journalisme ou autre) et des collégiens fréquentaient le salon (entrée libre) et un « jeu éducatif » leur était proposé. Un jeu intéressant et révélateur du sens donné au mot « éducation » dans certains milieux journalistiques.
La règle du jeu
Chaque joueur représente un migrant syrien. Son avatar doit rejoindre Londres en partant de la carte « Départ de Damas ». Le premier joueur arrivé à Londres a gagné. Mais les difficultés sont nombreuses : choisir la voie de terre ou la voie de mer, avoir suffisamment de « points santé » ou de « points nourriture », parfois traverser la mer. Il doit aussi faire face à des mauvaises nouvelles (cartes News). Exemple : Paris et Londres sont touchés par les attentats et ces pays rétablissent les contrôles à leurs frontières. Les dangers dépendent aussi des cartes Zones. Sur la Zone 1 (Maghreb) les pays de la région rétablissent le contrôle d’identité aux frontières : vous avez de faux papiers, serez vous contrôlé ? Les cartes Danger compliquent la donne : arrivé à Gibraltar vous avez des difficultés à traverser.
Les avatars des joueurs
Chaque joueur doit s’identifier à un migrant doté de « points » : santé, nourriture, logement et même Humanité (avec une majuscule), ces points lui permettront d’achever son voyage. Prenons Amal, sympathique institutrice de 44 ans, qui veut rejoindre sa fille étudiante à Londres. Elle a le sens de l’humanité mais souffre de faibles défenses immunitaires. Ou bien le sentimental Birham, médecin de 33 ans, très amoureux de sa fiancée partie en France et qui a choisi de la retrouver. Il est déstabilisé par son absence et le manque de nouvelles.
L’arrivée à Londres
Vous avez eu de la chance ou bien vous aviez plus de points santé, nourriture et logement que les autres et vous touchez au port. Mais vos ennuis ne sont pas terminés : allez-vous trouver un emploi et un logement ? Votre demande d’asile sera t’elle acceptée ? Devrez vous vous cacher en cas de réponse négative ? Et puis au Royaume-Uni les suicides de migrants sont nombreux…
Éducation ou bourrage de crâne
Ce jeu est manifestement destiné à des enfants et des adolescents. Touchant de naïveté et de bons sentiments, il porte une vision compatissante sur les migrants, tous gentils (charmante Amal, touchant Birham), tous victimes, tous persécutés par les méchantes frontières des méchants États qui leur mettent des bâtons dans les roues. Une entreprise de culpabilisation des très jeunes joueurs, dans la ligne de manipulation des grands médias sur le conflit syrien. Recommandons le jeu au Centre pour l’Éducation aux Médias et à l’information, le CLEMI dont l’objectif est « d’apprendre aux élèves à lire, à décrypter l’information et l’image, à aiguiser leur esprit critique, à se forger une opinion, compétences essentielles pour exercer une citoyenneté éclairée et responsable en démocratie ». Lire : « apprendre aux élèves le conformisme, leur donner des œillères pour leur éviter de réfléchir, tout faire pour qu’ils ne puissent échapper aux médias dominants, pour suivre docilement les moutons de Panurge ». Amen.