À la veille des élections européennes du 26 mai 2019, une bombe éclatait au centre de Lyon faisant une quinzaine de blessés, sans revendication. Une rapide enquête menée grâce aux caméras de vidéo-surveillance aboutissait à l’arrestation de Mohamed Hichem M., 24 ans, dont les prénoms seuls étaient connus et dont le patronyme restait inconnu au jeudi 30 mai, et même dans nombre de cas connu seulement sous les dénominations euphémisantes de « suspect » ou « d’étudiant ». Revue de presse.
Un anonymat parfait
Pour Le Figaro du 28 mai, on signale « un étudiant algérien de 24 ans, ancien étudiant en informatique. » Le terme « suspect » est employé six fois, on parle de « jeune homme » mais on n’en saura pas plus ce jour là. Pour Le Point édition digitale du 27 mai et du 28 mai, on en restera à « l’étudiant algérien », tout en assurant qu’ « aucun élément ne le relie à la mouvance islamiste radicale ». Toujours dans le même hebdomadaire et toujours sous la signature d’Aziz Zemouri le 29 mai « le principal suspect est passé aux aveux » mais « l’étudiant » demeurera complètement anonyme. Même pudeur charmante pour Ouest-France édition papier du 29 mai qui ne consacre que quelques lignes à un « suspect peu loquace » dont on ne saura que fort peu de choses sinon qu’il s’agit d’un « algérien de 24 ans » alors que ses deux prénoms sont connus depuis plus de 48h.
Un demi-anonymat et un gamin sympathique
Libération du 27 mai titre « fin de traque pour le suspect, qui reste muet ». L’article parle ensuite d’un étudiant de 24 ans, Mohamed Hichem M. arrivé en France au second semestre 2017. Le Progrès de Lyon du 30 mai à beau se demander « qui est Mohamed Hichem M ? », nul ne connaîtra son patronyme, mais on apprendra que ses parents et son frère, tous en situation irrégulière, ont été entendus. Le Parisien du 28 mai a retrouvé Islaam, un camarade d’Oran de Mohamed Hichem. Sans surprise ce dernier est un garçon adorable : « Hichem est comme mon frère. Il n’a jamais été violent, tout le monde l’adore ici. Il est musulman, fait la prière et le ramadan, mais n’est pas du tout un extrémiste… il ne ferait jamais de mal à quelqu’un ». On apprendra toutefois qu’il est en situation irrégulière et vit de cours d’informatique donnés sur internet.
Pour La Croix édition digitale du 30 mai, on en restera à Mohamed Hichem M. un algérien de 24 ans mais on peut apprendre que l’enquête « a mis en évidence des recherches sur internet relatives au djihad et à la fabrication d’engins explosifs ». Le Monde digital du 29 mai à 10h41 ne parle que « d’un homme de 24 ans » et il faudra attendre le 30 mai à 8h39 pour connaître ses deux prénoms et l’initiale de son nom de famille, un garçon « plutôt agréable, serviable, qui faisait du sport ». L’article précise qu’il n’a jamais fréquenté d’école informatique en France, sans visa étudiant et profitant de visas de court séjour.
Les principaux médias analysés n’emploient que les prénoms alors que le nom de famille M. devrait être facile à identifier avec une enquête rapide. Mieux (ou pire), certains préfèrent éviter un traumatisme à leurs lecteurs en ne parlant très vaguement que d’un étudiant ou bien d’un jeune homme. De mauvais esprits verraient là une volonté de cacher certaines informations pour de bonnes raisons (ou de mauvaises) demeurées cachées, un peu trop soigneusement.