Jeudi 3 octobre, un employé de la Préfecture de Police de Paris a assassiné quatre personnes dans les locaux de son administration, 3 policiers et un agent administratif. Ce qui au début a été présenté tant par les médias de grand chemin que par le Ministre de l’intérieur comme un acte isolé est en passe de devenir un scandale d’État. Retour sur une nouvelle couverture médiatique bien laborieuse.
Un sourd aux « motivations mystérieuses »
Dès l’annonce du quadruple assassinat de 4 fonctionnaires, le Ministre de l’intérieur donne des explications embarrassées au geste criminel de l’agent de la Préfecture de Police de Paris.
BFMTV relaie le 3 octobre les propos du Ministre : « Cet homme n’a jamais présenté de difficultés comportementales ».
Le Huffington Post parle le même jour (15h20) de « motifs indéterminés ». L’assaillant « souffrait d’un handicap de surdité » et « s’était converti à l’islam il y a 18 mois ». Le site reprend les propos du Ministre de l’intérieur « Cet homme n’a jamais connu le moindre signe d’alerte » affirme-t-il dans l’après-midi de l’attentat. Le Télégramme évoque le 3 octobre (20h55) des « motivations mystérieuses ».
Premières ruptures du consensus politiquement correct
Si les conclusions d’une enquête ne peuvent être tirées avant sa fin, un faisceau d’indices concordants a pourtant amené, dès le 3 octobre, le Daily Mail à évoquer le contexte islamique de l’attentat : l’assaillant est un converti à l’islam, il refusait le contact avec les femmes. Le journal anglais est bien seul à cette heure à faire le lien entre le mode opératoire utilisé, l’usage d’un couteau, avec celui fréquemment utilisé par « les terroristes affiliés à l’État islamique et Al Qaida ».
Le soir du 3 octobre, sur son fil Twitter, l’Incorrect annonce avoir eu accès au compte Facebook du tueur de la Préfecture. Le tweet reprend une vidéo mise en ligne sur le compte de l’assassin au cours de laquelle un prédicateur insiste sur l’importance de mourir en musulman. Le journal commente : « La première phrase (qui y fait allusion NDLR) est lourde de sens ». Toujours le 3 octobre, Valeurs actuelles sous la signature de Louis de Raguenel, souligne encore sur Twitter que le converti à l’islam a eu accès à des documents tels que enquêtes et notes confidentielles du service de renseignement.
Un employé modèle et sans histoires
En dépit de ces informations essentielles dès le jour de l’attentat, les médias de grand chemin continuent d’occulter les informations essentielles : le contexte des meurtres, le mode opératoire et les enjeux en matière de sécurité intérieure liés au poste occupé par cet « employé modèle », pour reprendre un terme utilisé par un syndicaliste policier repris sans réserve par C News avec l’AFP.
Pour France Info le 4 octobre (13h06), le tueur a des « motivations troubles ». « Certaines sources évoquent même une crise de démence ». « De nombreuses zones d’ombre subsistent » selon la radio publique. Dans la presse écrite, on fait assaut de précautions le lendemain de l’attentat :
Selon Sud-Ouest, « la thèse de l’attentat, que certains au Rassemblement national ont aussitôt répandue, a, dans un premier temps été évacuée ». Sous-entendu, venant du RN, ça ne peut être que faux.
Les fins limiers de l’AFP ont interrogé une voisine du meurtrier, « quelqu’un de très calme qui allait à la mosquée mais avait une pratique normale ». Mauvaise pioche, selon d’autres sources, un voisin aurait entendu l’agent administratif la veille de l’attentat crier à son domicile « Allah Akbar »….
Corse matin titre sur une « attaque inédite » à la Préfecture de Police de Paris. « Les enquêteurs évoquent toutes les pistes, dont celle du conflit personnel, évoquent des sources concordantes ». Parler de la piste terroriste serait-il incongru ?
Employé modèle ou islamiste infiltré ?
On l’aura compris, à ce stade des informations accessibles, entre des « sources concordantes » qui visent à mettre en avant un coup de folie et un faisceau d’indices (mode opératoire, religion, comportement) accréditant la thèse de l’attentat terroriste, de nombreux médias ont écarté d’emblée cette deuxième possibilité.
Dans l’après-midi du 4 octobre, plusieurs révélations viendront accréditer la motivation islamiste du quadruple meurtrier. La saisine du Parquet national antiterroriste donne le signal aux médias de grand chemin pour mentionner la « piste terroriste ». Ils se sentiront désormais autorisés à creuser cette piste.
Libération parle le soir du 4 octobre de « la piste terroriste ». L’enjeu d’avoir employé au sein d’un service de sécurité un islamiste est enfin évoqué.
Pratiquement en même temps, Le Parisien évoque « de nombreux indices de radicalisation ». « Un djihadiste en puissance était donc employé dans l’un des principaux services de renseignement français, en pointe dans la lutte contre l’islam radical ». Ça va mieux en le disant enfin. « Il disposait d’une habilitation secret défense ». « Le comportement de cet agent administratif avait attiré plusieurs fois l’attention ». Notamment quand il avait affirmé après l’attentat de Charlie hebdo : « c’est bien fait ».
D’autres informations essentielles au sujet de l’agresseur émergent enfin :
Il aurait proféré « Allah Akbar » à son domicile la nuit précédant son geste. France Info avait préféré parler des « propos incohérents », pour reprendre les termes employés par l’épouse du meurtrier…
Il fréquenterait selon l’Observatoire de l’islamisation une mosquée salafiste à Gonesse.
Conspiration du silence cédant sous le réel
Que nous révèle cette affaire ? Les médias français de grand chemin ont été particulièrement longs à tirer les conclusions d’un faisceau d’indices concordant vers une motivation islamiste de l’assaillant. Sans céder aux théories complotistes, ces retards à l’allumage, sans doute motivés par la peur de tirer des conclusions hâtives, le refus de stigmatiser et la peur des associations communautaristes, s’ajoutent à une autre conspiration du silence. Reprenant des informations du Parisien, Actu17 nous informe en effet que « plusieurs fonctionnaires affectés à la DRPP (Direction du renseignement de la Préfecture de Paris) affirment avoir reçu des pressions afin qu’ils ne révèlent rien des alertes passées sur le comportement de Mickael (l’auteur de l’attentat NDLR ).
Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre
Une conspiration du silence qui a peut-être permis à un islamiste d’accéder aux informations les plus sensibles en matière de sécurité intérieure. Si comme l’affirmait le Ministre de l’intérieur après l’attentat, « cet homme n’a jamais connu le moindre signe d’alerte », ce ne serait donc pas parce que ces alertes n’ont pas été faites, mais parce qu’on n’a pas voulu les entendre et parce que l’on les a (sciemment ?) écartées. Quatre morts, des informations confidentielles affectant la sécurité du pays qui ont peut-être fuité, les médias imposeront ils – enfin — un débat à ce sujet à la hauteur des enjeux ? A suivre….