Le 12 novembre 2018, RTL en son Journal matinal de 8 heures a sorti la grosse artillerie. Un état d’esprit type des périodes qui précèdent les élections. Écoutons.
8 heures, c’est le Journal du jeune journaliste Jérôme Florin, dans la Matinale d’Yves Calvi. Nous ne le connaissons pas, ce jeune journaliste, mais à entendre la tournure de son Journal, il est douteux qu’il soit originaire de la France périphérique. Le principal sujet traité, la question des « gilets jaunes », est parfaitement éclairant. Nous publions notre article ce 17 novembre, jour de la manifestation des gilets en colère.
La chasse aux populistes est ouverte
« Enquête sur la colère de ces gilets jaunes qui officiellement (le journaliste appuie très fort sur le mot) ne font pas de politique », avec d’emblée un témoignage anonyme : « Si un jour, dans un mois, deux mois, il faut casser, je casserai ». Les casseurs, ce serait ainsi le populo ulcéré d’être pris pour une vache à lait fiscale (dont les impôts sont réorientés, par exemple, vers les écoles primaires de banlieues mono-ethniques, quant à elles massivement productrices de casseurs véritables et réguliers). Ce sont donc les gilets jaunes, les casseurs pour RTL matin. Yves Calvi : « Réunion de la dernière chance ce matin à Matignon pour tenter de désamorcer la mobilisation des gilets jaunes ». D’après Florin, « l’opposition se frotte les mains en observant cette Jacquerie qui gagne du terrain. Nicolas Dupond-Aignan et Laurent Wauquiez manifesteront mais pas Marine Le Pen qui préfère souffler sur les braises depuis les coulisses ». Précisons qu’il ne s’agit pas d’un chroniqueur ou d’un invité mais du journaliste chargé d’informer les auditeurs à 8 heures. Du coup, RTL enquête et interroge : « Qui sont ces gilets jaunes, officiellement sans couleur politique ».
RTL mène l’enquête orientée sur le terrain
Un reporter a été envoyé à Senlis dans l’Oise. Elle rencontre « 15 personnes qui ne se connaissent pas, venus se mettre en ordre de bataille » sur le parking d’une grande surface, « près des caddies ». Elle enregistre et diffuse les échanges, les voix sont principalement féminines, personne sur le plateau ne relevant combien est beau cet engagement citoyen des femmes etc, rien à voir avec la médiatisation de l’engagement des femmes pour #metoo ; ces mêmes voix sont sans accent issu de l’immigration. C’est le peuple de souche qui parle. On discute de se battre jusqu’à Noël, de bloquer des ronds-points « stratégiques » ; une voix dit que « c’est sa première manif ».
En réalité, cela ne parle « pas ou peu du carburant » mais du « président Macron », sous-entendu le mouvement n’est pas un mouvement social mais un mouvement politique visant Macron. Un mouvement politiquement téléguidé en somme. Témoignage : « c’est presque de la haine que j’ai contre lui ». Nous sommes à 4’40 du Journal et dans le studio, puisque les matinales peuvent maintenant aussi être regardées, une journaliste qui attend son tour lève les yeux au ciel, tant l’insupportent les propos de cette dame qui témoigne. Elle pouffe de rire même, au moment où la dame, qui vient de dire « nous les petites gens », affirme que « l’écologie, je m’en fous ».
Il y a tout, dans cette scène matinale, du hiatus qui frappe maintenant la société française entre des « élites » parisiennes bien intégrées économiquement et le reste des gens, le peuple. Témoin suivant : Charlie, 26 ans, qui explique qu’il « survit » et mange des pâtes. Vient Marc qui parcourt 200 km par jour et ne voit jamais ses enfants, levé à 5 heures chaque matin.
Retour des classes dangereuses
Évidemment, ce qui devait arriver (dans le Journal de 8 heures) arriva : « Dans ce noyau dur de gilets jaunes à Senlis, la majorité a voté Marine Le Pen aux présidentielles mais aujourd’hui personne ne croit encore aux urnes, leur dernier espoir disent-ils c’est la rue ». Le discours porté par le Journal de RTL rejoint ceux tenus par le président Macron au long de ses pérégrinations dites mémorielles, simple hasard. Les Européennes approchent, le temps semble venu de relancer la machine à voter dans le bon sens.