Marseille tremble ! L’arrivée de l’homme d’affaire aux commandes de Nice-Matin, Var-Matin, Corse Matin et surtout La Provence, ne semble pas plaire à tout le monde…
Ainsi, Libération du 20 décembre titre « Bernard Tapie : main basse sur la presse », avec en « une », la photo du nouveau patron de presse, l’œil sombre, sur fond noir. Dans son éditorial, Eric Decouty dénonce une « papinade », en souvenir des prouesses footballistiques de Jean-Pierre Papin, ancien joueur de l’Olympique de Marseille, de l’époque Tapie : « acheter un journal, pour conquérir la ville promise… Mais, passé le choc en imaginant Bernard Tapie en patron de presse — quand on se souvient qu’il pouvait boxer un journaliste coupable d’avoir écrit un papier déplaisant -, apparaît l’image du politicien du siècle dernier, traînant toujours son chapelet de casseroles et usant de méthodes d’un autre temps ». Le quotidien consacre trois pages à l’évènement, rappelant que « les relations entre le businessman et la presse marseillaise ont toujours été tendues ».
Plus mesuré, Serge Mercier, élu au comité d’entreprise de La Provence, se plaint dans L’Express. « Il y a de grandes interrogations et beaucoup d’inquiétudes chez les journalistes. Quels sont les réels projets pour notre groupe de Tapie et Hersant ? Quelles sont les intentions politiques de Bernard Tapie ? »
Le syndicat national des journalistes (SNJ-CGT) a, quant à lui, publié un communiqué, dénonçant « un scandale absolu » : « les journalistes ont toutes les raisons d’être inquiets de cette association, dont l’un des dirigeants a quand même connu la prison et n’est pas à l’abri de nouveaux démêlés avec la justice ». Et le syndicat de sonner les trompettes de l’insurrection : « l’information est en danger » !
Côté politique, on ne rigole pas plus que chez les journalistes. « On n’a pas besoin de Bernard Tapie », clame haut et fort Patrick Menucci, prétendant socialiste déclaré à la mairie de Marseille, se posant, sur France Info, lui aussi, en défenseur du quotidien provençal. « On connaît les pratiques de Bernard Tapie. On peut s’inquiéter aujourd’hui, quand on est marseillais ». Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille, interrogé par le site d’information local Marsactu, s’est quant à lui réjoui de voir un Français reprendre les titres, « plutôt qu’un émir du Qatar ou un Belge même si c’est à la mode », ajoutant tout de même « qu’en politique, quand on dit ” jamais”, ça veut dire “pas pour l’instant” ». En d’autres termes, chacun en est sûr : Bernard Tapie n’a pas renoncé à se présenter aux prochaines municipales à Marseille.
Ce dernier l’a cependant démenti devant la rédaction de La Provence : « il faut être con pour croire que parce que tu as tel journal, tu peux te présenter à la mairie et la gagner ». Durant cette rencontre avec les employés du journal, Bernard Tapie a également annoncé l’instauration d’une « charte d’attitude » pour les journalistes, les invitant à travailler sur les « faits, rien que les faits », souhaitant enfin que « l’identité du journal soit forte ».
Il y a quelques années, l’homme d’affaire répétait souvent : « A quoi ça sert d’acheter un journal, quand on peut acheter un journaliste ? » Visiblement, aujourd’hui, acheter un journal est beaucoup plus simple.
Source : Libération. Crédit photo : capture d’écran vidéo Europe1