« D’un côté, on nous demande de serrer la ceinture ; de l’autre, on nous tacle ». Telle est, en des termes très diplomatiques, la réaction « d’une source proche de la direction » de France Télévisions, citée par L’Express, aux déclarations d’Aurélie Filippetti sur la stratégie du groupe.
Le 12 décembre dernier, la ministre de la culture s’en est, en effet, prise, sur RTL, aux annonces de Rémy Pflimlin, PDG du groupe, au sujet des changements des grilles des programmes de France 2 et de France 3. Aurélie Filippetti a clairement fait part de ses « interrogations sur la stratégie » du groupe. « Par exemple l’élargissement du journal de France 3, le « Soir 3 ». En soi, faire passer à une heure ce journal n’est pas un problème […]. Simplement, ça a des conséquences sur la case des documentaires et des fictions et ça n’a visiblement pas été anticipé », a déclaré la ministre, et de regretter la suppression de « C’est pas sorcier », « une émission du service public qui a fait ses preuves », selon elle.
Rémy Pflimlin, dont le principal tort, selon la ministre, semble être d’avoir été nommé par Nicolas Sarkozy, est clairement dans le viseur. Il est d’ailleurs convoqué prochainement, pour présenter le « plan stratégique avec des missions de service public qui soient claires en matière de soutien à la création, d’augmentation des programmes en direction des enfants et notamment les programmes éducatifs, d’information, de qualité de l’information » souhaité par le ministre.
Les réactions de soutien au patron de l’audiovisuel public n’ont pas tardé. Michel Boyon, président du CSA a estimé que Rémy Pflimlin était « un bon président » ; Jean-Louis Borloo s’insurge dans un communiqué « contre l’ingérence de la ministre dans la vie et les programmes de France Télévisions ». De même, le patron du groupe a reçu le soutien inattendu des syndicats, pourtant en guerre contre lui : « Aurélie Filippetti se pose en directrice des programmes des chaînes publiques. Nous pensions que cette pratique appartenait au passé », a déclaré au Figaro Véronique Marchand, secrétaire générale du SNJ-CGT de France Télévisions et par ailleurs journaliste à France 3 Lille.
Le journaliste Hervé Gattegno souligne au contraire sur RMC que « les statuts de France TV disent noir sur blanc que c’est une entreprise publique soumise à la tutelle du gouvernement – donc Aurélie Filippetti est chargée, par fonction, de veiller à sa bonne gestion et au respect de son cahier des charges ». Lors de son point presse à l’issue du conseil des ministres, Najat Vallaud-Belkacem n’a d’ailleurs pas dit autre chose aux journalistes présents : « N’oubliez pas que les opérateurs de service public ont une tutelle qui est celle de l’Etat ».
Quoiqu’il en soit, la rencontre entre le patron Pflimlin et la ministre Filippetti s’annonce explosive. Comme le dit Emmanuel Berretta, le spécialiste média du Point : « La placidité légendaire de Rémy Pflimlin sur qui tous les reproches glissent suffira-t-elle à traverser cette tempête force 12 sur l’échelle de Beaufort » ?
Source : Le Monde