Jordan Bardella outre son physique de gendre (blanc) idéal et son aplomb dans les médias demeure encore un OPNI (objet politique non identifié) ; d’où l’appétit des médias pour son autobiographie avec un (très gros) brin de mauvaise foi.
Marianne ouvre le feu
Pour Marianne, c’est certain : ce livre dont le titre « reprend une vieille tournure de phrase » des rayons politique et « ne donne absolument pas envie au lecteur de lever le supposé mystère du livre » n’est probablement « pas parti pour être en rupture de stock ». Avant même d’être publié, le président du Rassemblement national est criblé des tirs qui visent aussi pêle-mêle son parti, sa maison d’édition et même Vincent Bolloré. Touchés, mais pas coulés car l’ouvrage est commenté.
D’emblée, l’ouvrage fait parler. « Dans ces confessions, il revient sur son parcours, ses origines, son amour de la France » annonce la maison d’édition sur la plateforme Amazon où le livre est en précommande. Bien que l’on puisse émettre des réserves sur la qualification du parcours de Jordan Bardella qui, « entré en politique à l’âge de 16 ans », a « gravi un à un les échelons de la méritocratie », il semble difficile d’émettre d’ores et déjà des critiques avisées.
Libération, la main trop visible de Bolloré
Telle n’est pas l’opinion de Libération, qui voit symboliquement dans cette publication une « bollorisation à marche forcée d’un pilier de l’édition ». Racheté il y a un an par Vivendi, le groupe Hachette Livre publie via sa maison phare Fayard l’ouvrage de l’eurodéputé RN. Selon le média, lors de la réunion interne « les salariés présents au point étaient atterrés, confesse l’un d’eux. Quand on nous dit “toutes les opinions”, on comprend que cela signifie pour la direction surtout des opinions très très à droite. » En somme, Libération estime que le livre n’aurait jamais été publié avant la « la reprise en main idéologique de la maison par Vincent Bolloré » ; « Fayard connaît en ce moment un gros turn-over ».
Le Monde renchérit
Le Monde révèle que la publication du livre de Jordan Bardella « suscite l’ire de certains salariés et des départs en cascade ». La publication fait d’autant plus réagir qu’il s’agit d’un projet d’ampleur, au centre des préoccupations actuelles : « Vincent Bolloré met tous les médias de sa galaxie au service de son poulain : couverture du magazine le JD News, le nouvel hebdomadaire du groupe lancé en septembre, campagne nationale radio sur Europe 1 ».
Regrets sur l’hallali médiatique
Lise Boëll, éditrice « d’Éric Zemmour », de Philippe de Villiers et « des personnalités d’extrême droite » selon l’hebdomadaire est également pointée du doigt. Après avoir récemment remplacé Isabelle Saporta — qui « aurait dû travailler avec […] l’éditrice d’Éric Zemmour, réputée plus à droite. Une collaboration refusée par Saporta » comme avait couvert l’OJIM — au poste de directeur général, l’éditrice a changé l’ambiance de la maison en un « décorum bolloréen » : « des télévisions ont été installées, branchées sur CNews ». « Lise Boëll est clairement là pour le grand projet de propagande. » À l’époque du rachat, l’OJIM avait rappelé que l’édition « est un secteur qui a longtemps été une chasse gardée et qui doit s’ouvrir au pluralisme à droite. »
De son côté, Boulevard Voltaire regrette « l’hallali médiatique » et « l’indignation à géométrie variable » : « au lieu de souligner l’intolérance de ces salariés qui refusent de publier un texte sur lequel ils sont en désaccord politique, Libération préfère incriminer leur direction […], une ennemie du camp du Bien. »
Demande de boycott à la SNCF
La controverse s’est étendue à la SNCF, après la découverte d’une campagne de communication de grande ampleur dans les gares. La fédération syndicale SUD-Rail a demandé « à la direction de la SNCF de refuser le plan de communication pour cet ouvrage qui promeut un parti d’extrême droite, et promet de recouvrir toutes les affiches » d’après Le Monde. L’Humanité, irrité, va même jusqu’à parler de « propagande » du Rassemblement national et se demande si, quand il s’agit de Jordan Bardella, c’est « deux poids, deux mesures » pour la SNCF.
Il ne reste plus qu’à attendre la publication pour découvrir le contenu du livre, qui s’est modifié au fil du temps selon les informations du Figaro. « Au lendemain de la défaite du parti aux élections législatives […] ce qui devait initialement être un manifeste politique s’est transformé en une réflexion plus personnelle et introspective sur l’avenir du mouvement et son propre parcours. »