Aude Lancelin, aux commandes d’un Média en perdition, a balancé lors du lancement de la saison 2 de la web-télé de gauche que Médiapart disposait de 3 millions d’euros d’apports extérieurs, avant même d’avoir eu son premier abonné. Qu’en est-il vraiment ?
Actionnaires de départ
D’après Libé, les six fondateurs Godefroy Beauvallet, François Bonnet, Gérard Desportes (parti en 2010), Laurent Mauduit, Edwy Plenel et Marie-Hélène Smiéjan ont mis 1.325.000 € d’apports propres, dont 550.000 pour Marie-Hélène Smiéjan qui avait vendu pour cela un tableau de Jules Dupré ; Edwy Plenel emprunte 360.000 € sur dix ans, Laurent Mauduit apporte 100.000 €, François Bonnet 80.000. Deux autres actionnaires, Jean-Louis Bouchard (Ecofinance) et Thierry Wilhelm (Doxa) ont ajouté 1,1 million d’euros.
Fondateur de la société de services numériques aux entreprises Econocom (ex-ECS), Jean-Louis Bouchard est aussi l’ex-employeur de Marie-Hélène Smiéjan. Même s’il claque la porte du conseil d’administration après l’affaire Woerth, il ne revendra pas ses parts alors que les révélations s’enchaînent et que l’audience du site grimpe.
Le banquier Christian Ciganer, frère de Cécilia ex-Sarkozy, conseille les fondateurs. Benoît Thieullin, qui venait de participer à la campagne numérique de Ségolène Royal, et qui avait fondé son propre site fondé sur la démocratie participative, avec Maurice Lévy, Stéphane Hessel, Agnès B ou encore Luc Dardenne comme actionnaires, arrive dans les bagages de Godefroy Beauvallet.
Pour Jean-Louis Bouchard et Thierry Wilhelm – qui soutient la presse très largement, de Causeur à Terra Eco, et a été actionnaire de Politis par le passé, « ce qui les intéresse dans notre aventure, c’est à la fois l’enjeu démocratique – la liberté et le pluralisme de l’information – et le laboratoire économique – l’invention d’un nouveau modèle sur le Net », expliquait Médiapart en 2008.
De bons amis aussi
La société des Amis de Médiapart apporte 504.000 €. Leurs 88 noms n’ont jamais été rendus publics, mais on y trouve Maurice Lévy, PDG de Publicis, ou encore Xavier Niel (2 fois 100.000 €), ainsi que des ex-partenaires de Thieullin comme Stéphane Hessel, Luc Dardenne ou Sarah Moon. Sans oublier Stéphane Fouks (Euro RSCG), plus tard mis en cause par le site, ou encore Nicolas Bordas, vice-président Europe de l’agence TBWA, qui donne à Médiapart son slogan : l’info part de là. Le capital total était donc de 2.939.000 euros.
Et un fonds d’investissement
En mars 2008, alors que les 10.000 abonnés nécessaires au lancement ne sont pas au rendez-vous, la journaliste Martine Orange amène le fonds Odyssée Venture, destiné aux personnes redevables de l’ISF. Ce dernier injecte discrètement 1 million d’euros en échange de 22% du capital. Il récupère largement sa mise en 2014 – 2.5 millions d’euros, que Médiapart paie en prenant dans la TVA impayée et grâce à Jean-Louis Bouchard.
Le site s’est en effet auto-appliqué une TVA de 2.1% comme celle de la presse imprimée au lieu de 19.6%, tout en provisionnant une grande partie des sommes, et a fini par en bénéficier comme le reste de la presse en 2014, tout en subissant un important redressement fiscal.
Capital, cher capital
Médiapart, au ton parfois rebelle et dont certains articles adoptent l’écriture inclusive, a été lancé avec l’aide du grand Capital et un investissement proche de 4M€. Contrairement au Média, « absolument seul » d’après Aude Lancelin, plus encore depuis le départ de Sophia Chikirou et le feuilleton de l’été.
Mais contrairement au Média qui cherche 90.000 € pour ne pas couler, Médiapart a de bons résultats. Voyons plutôt : au 31 décembre 2017, il y avait 140.000 abonnés, un résultat net de 2.2 millions d’euros après impôts (16% du CA), un CA de 13.7 millions d’euros en 2017 (+20% en un an), un bénéfice net depuis 2011 (sauf en 2015), performances exceptionnelles dans le secteur de la presse, quel que soit son support. Et avec 83 collaborateurs Médiapart soigne l’avenir : 690 établissements secondaires y sont abonnés gratuitement.
L’actionnariat a évolué : trois des fondateurs (François Bonnet, Laurent Mauduit, Edwy Plenel) en possèdent 42.08%, les salariés 1.46%. Les parts d’Ecofinance ont presque toutes été rachetées (reste 6.32%), Dowa est toujours présent (31.81%), la société des Amis a encore 16.79% et deux autres investisseurs, François Vitrani et Laurent Chemla 1.54% de plus. Les fondateurs rechercheraient une formule de passation en douceur du capital. A suivre