Jean-Pierre Pernault est décédé le 2 mars 2022, après un double cancer, de la prostate puis des poumons. Peu se rappellent que celui qui était « la voix de la province et des villages » avait fait l’objet d’un avertissement par le CSA au printemps 2017 pour des propos politiquement incorrects datant de novembre 2016. Nous rediffusons notre article du 24 mars 2017 sur le sujet en même temps que le portrait de celui que beaucoup appelaient familièrement : Jean-Pierre.
Avertissement du CSA à Jean-Pierre Pernaut : faut-il taire le réel ?
Première diffusion le 24 mars 2017
Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel a exprimé dans une décision mise en ligne mardi 21 mars sur son site des « regrets » concernant des propos tenus par le journaliste Jean Pierre Pernaut pendant le Journal de 13 heures de TF1 le 10 novembre 2016. Il a par ailleurs demandé à la chaine de télévision de veiller à respecter ses engagements vis-à-vis du CSA.
Voici les éléments principaux de la décision :
« Le journaliste a indiqué, à la suite d’un reportage sur les sans-abris et en transition avec le sujet suivant sur les migrants : “Voilà, plus de places pour les sans-abris mais en même temps les centres pour migrants continuent à ouvrir partout en France” ».
Le CSA rappelle que « l’article 9 de la convention conclue entre le Conseil et TF1 prévoit que “La société veille dans son programme (…) à respecter les différentes sensibilités politiques, culturelles et religieuses du public : à ne pas encourager des comportements discriminatoires en raison de la race, du sexe, de la religion ou de la nationalité : à promouvoir les valeurs d’intégration et de solidarité qui sont celles de la République (…)” ».
« Après examen de la séquence, le Conseil a regretté la formulation choisie par le journaliste, estimant que celle-ci était de nature à sous-entendre que les migrants seraient privilégiés par les autorités publiques par rapport aux personnes sans domicile fixe. Il a donc considéré que ces propos pouvaient encourager un comportement discriminatoire.
Le CSA a dès lors demandé aux responsables de TF1 de veiller, à l’avenir, à pleinement respecter les dispositions précitées de l’article 9 de sa convention ».
Pour mémoire, le CSA a dans ses missions celles « de garantir la liberté de communication audiovisuelle en France (…) le respect de l’expression pluraliste des courants d’opinion (…) la rigueur dans le traitement de l’information ». Il peut dans ce cadre adopter des « décisions » ou formuler des rappels aux obligations des « éditeurs ou distributeurs ».
Au regard de ces missions et du cahier des charges conclu avec TF1, le commentaire de J. P. Pernaut est-il répréhensible ? La phrase de J.-P. Pernaut est-elle une opinion ou un élément factuel ?
Suite au démantèlement de la jungle de Calais, l’ouverture en 2016 de centres d’accueils et d’orientation (CAO), estimés à 400, exclusivement dédiés aux migrants est un fait relaté tant par les pouvoirs publics que par la presse. La fréquente saturation des centres d’hébergement pour les Sans Domicile Fixe est également un élément factuel, comme le relatait Le Parisien en octobre dernier.
Si le journaliste a relevé une différence de traitement dans l’accès à l’hébergement d’urgence, ses propos ne contiennent pas de souhait de voir les SDF traités de façon plus favorable que les migrants.
Les dispositifs mis en place, qui segmentent les populations précaires et ne permettent pas aux SDF l’accès aux centres d’accueil et d’orientation, sont par contre « discriminatoires », dans le sens où l’accueil n’y est pas indifférencié, contrairement à celui dans l’hébergement d’urgence de droit commun.
Avant que la polémique ne prenne de l’ampleur, L’Obs estimait en septembre 2015 au sujet du « piège de la concurrence » entre « réfugiés ou SDF » que « ce genre d’opposition entre “nouveaux réfugiés” et précaires “déjà sur place” n’est pas totalement sans fondement ». Deux témoignages viennent appuyer cette interrogation : « Toujours est-il que l’incompréhension gagne certains personnels du Samu social de Paris, “qui chaque jour doivent refuser 150 personnes”, indique son président Eric Pliez au magazine “TSA”. “La pénurie crée un effet de tri et de concurrence”, admet Christophe Robert, de la Fondation Abbé-Pierre, auprès de Rue 89. »
Le Canard enchainé du 16 septembre 2015 évoquait « les migrations du discours officiel ». Le journal indiquait que « O miracle ! Depuis que Hollande trottine derrière Merkel en annonçant l’accueil de 24 000 réfugiés en deux ans, les places d’hébergement se multiplient. Les associations découvrent des gisements cachés de centaines de lits vacants, des maisons de retraite à demi vides, des centres de formations inoccupés ». « Au total, en ile de France, la préfecture annonce avoir identifié « 26 lieux d’accueil possibles ». Interrogé, le directeur de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale affirme « ça fait des années qu’on nous explique qu’il n’y a pas de places. La moitié des gens qui appellent le 115 restent à la rue, et, là, on découvre que des bâtiments publics ou parapublics sont sous utilisés ».
Thierry Velu, président du Groupement Secours Catastrophe Français, « pointant du doigt un manque de volonté politique » s’interrogeait dans un article de 20 Minutes publié en novembre 2016 intitulé « Nord: Les migrants ont-ils été logés au détriment des SDF ? » : « « Comment se fait-il que l’on ait trouvé 7 000 places pour les migrants en si peu de temps alors que des personnes dorment toute l’année dehors ? ».
La phrase de transition de J.P. Pernaut n’était donc pas une opinion ni un encouragement à une quelconque « discrimination » mais un élément factuel, constaté par des professionnels de l’insertion. Un constat sans doute trop politiquement incorrect pour le CSA qui montre une fois de plus son parti-pris idéologique.
Voir aussi : Jean-Pierre Pernaut, portrait