Un moment important des annuelles Assises du journalisme organisées par Jérôme Bouvier est la présentation très professionnelle du Professeur Jean-Marie Charon du Baromètre social de la profession. Cette synthèse a été réalisée avec la collaboration de la Commission de la Carte des journalistes professionnels, la Correspondance de la Presse, du SNJ, de la CFDT,du SNJ-CGT, de l’Observatoire des Métiers de l’Audiovisuel et Audiens.
Un nombre moins élevé de journalistes, plus précaires
35047 cartes de presse ont été attribuées en 2017 contre 37307 en 2009 soit une diminution de 6%. Parallèlement la précarité augmente avec une proportion de pigistes (payés à la pièce) + chômeurs qui augmente de près de 4% en onze ans. Bien plus, de nombreuses entreprises contournent le statut de pigiste via la micro entreprise voire le métier d’intermittent du spectacle ou encore par les droits d’auteur. Si l’on élargit aux emplois tous confondus de la presse écrite (mise en pages, administration, impression, distribution etc) la presse écrite dans son ensemble a perdu 28% de ses effectifs entre 2006 et 2017. La féminisation de la profession se poursuit avec près de 47% des cartes de presse féminines.
En parallèle les CLP (correspondants locaux de presse), payés au lance pierres, ayant parfois mais pas toujours un deuxième métier, sont plus de 26.000. Combien peuvent être assimilés à des journalistes ? Sans compter les rédacteurs dépendant de la convention Syntec, qui sont plusieurs centaines.
Licenciements : moins chez les quotidiens, plus chez les magazines
Si La Voix du Nord va de restructuration en réorganisation (plus de cent postes supprimés au total) et si le quotidien communiste La Marseillaise semble très mal en point, en dehors de L’Équipe (25 départs de techniciens) il n’y a pas eu de grands plans de diminution des effectifs dans les quotidiens. Ce n’est pas le cas dans les magazines, tour à tour Causette, Les Inrocks, L’Obs (45 journalistes en moins), Marianne ont subi des baisses d’effectifs.
Dans les médias radio-télé Euronews a enregistré 80 « départs volontaires », Radio Orient s’est séparé de la moitié de ses effectifs, Radio France a vu des transferts importants vers France Info. La chaîne martiniquaise ATV (54 salariés) est en redressement judiciaire alors que Sport365 et Campagne TV ont cessé d’émettre.
Départ de trentenaires
Alors que les diminutions d’effectifs touchaient traditionnellement les plus âgés, une proportion croissante de jeunes journalistes font le choix de quitter leur entreprise soit pour créer leur média soit pour un autre secteur, illustrant le raccourcissement des carrières (15 ans en moyenne) et souvent une déception de la pratique de leur métier.
Synthèse
Carrières plus courtes, moins rémunérées, augmentation de la « zone grise » des statuts incertains (et ne subissant pas de charges sociales), concentration aux mains de milliardaires vivant paradoxalement des subventions publiques pour leurs activités médias, tous ces éléments n’incitent ni à l’indépendance d’esprit, ni à l’exercice serein de la profession. Un jeune journaliste sait qu’il peut être remplacé du jour au lendemain, un moins jeune tient à son poste et à son évolution de carrière, avec de brillantes exceptions certes, mais l’exception n’infirme pas la règle, elle la confirme.