Le 4 avril 2020, un « réfugié » soudanais du nom d’Abdallah Ahmed-Osman tuait deux personnes au couteau et en blessait cinq autres à Romans-sur-Isère, dans la Drôme (au motif que ces dernières n’étaient pas musulmanes) le tout en pleine période de confinement.
Message privé musclé
Le soir même, un avocat du barreau de Valence s’émouvait de cette situation sur le groupe Facebook « Avocats Valence », groupe de discussion privé et comptant 137 membres, en postant un message disant « À tous les connards qui veulent défendre les sous-merde du type de celui qui a tué deux personnes à Romans ce matin, continuez à vouloir mettre en avant les droits de l’homme et à déshonorer la profession. Je pèse et j’assume mes propos ». Le bâtonnier de la Drôme, Maître Thierry Chauvin, avait ajouté en commentaire à ce message « Il peut crever où il veut, rien à … et, moi aussi je pèse mes mots ».
Ces propos à l’origine tenus dans un cadre privé n’ont pas tardé a être repris dans la presse. Le journal Le Parisien a été le premier à s’en faire l’écho dès le 10 avril, en titrant de manière ambigüe : « terroriste présumé de Romans : les messages injurieux qui sèment l’émoi au barreau de Valence ».
« Abdallah ‑Ahmed-Osman est l’un des nôtres »
Peu après ces révélations, neuf avocats du barreau de Valence (dont deux anciens bâtonniers) ont rédigé une tribune sur le site juridique Dalloz actualité en « réaction aux propos tenus par le bâtonnier de Valence ».
Dans ce texte à charge, les signataires s’indignent des propos incriminés, balayent d’un revers de main le caractère privé des échanges et évoquent l’aspect selon eux choquant des opinions exprimées, précisant que « (…) de tels propos n’ont pas besoin d’être publics pour être indécents et heurter les quelques-uns qui les entendent ou les lisent ».
S’ils insistent sur le droit de chacun à disposer d’une défense (un droit fondamental, garanti par la CEDH), les avocats à l’origine de la tribune ont néanmoins pris une position surprenante allant au-delà de simples considérations juridiques, en tenant des propos qui posent de réelles questions quant à l’idéologie qu’ils sous-tendent, déclarant notamment : « Cet homme-là, Abdallah Ahmed-Osman, est l’un des nôtres. Il nous ressemble. Nous sommes faits de la même chair, des mêmes os et le même sang que le vôtre coule dans ses veines. C’est notre frère ».
À la suite de cette tribune, Maître Thierry Chauvin a annoncé sa démission et s’en est expliqué auprès de France 3 le 25 avril : « Cette décision est naturellement le fruit d’une longue réflexion (…) Mes raisons les plus intimes, je les ai réservées à mes collègues. Ce qui a motivé ma décision, c’est la tribune écrite par mes confrères dans un torchon le 13 avril dernier ». Il a également ajouté : « Ce qui me choque, c’est que ces gens qui s’érigent en grands moralisateurs sur les réseaux sociaux, ne se rendent pas compte des conneries qu’ils disent. Essayer de remplacer le nom du terroriste par Staline ou Hitler, appelez-les « mon frère », et dites-moi ce que vous en pensez ? Jolie famille, c’est la leur, pas la mienne. Je considère qu’en écrivant de tels propos, on crache sur les familles et les victimes. Notre profession se discrédite, je ne pouvais plus en être l’un de ses représentants ».
Des médias discrets
Les causes de cette démission, qui prendra effet le 31 mai 2020, n’ont pas suscité un émoi particulier dans les médias de grand chemin. La plupart se sont contentés de reprendre l’information sans approfondir d’avantage un sujet qui aurait pourtant mérité une réflexion plus large, tant sur le sujet de la liberté d’expression dans un cadre privé que sur l’étrange vision du monde qui anime certains professionnels de justice. Seuls Causeur par Céline Pina et Atlantico par Benoît Rayski ont pour le moment réagi en dénonçant le caractère inquiétant d’une prise de position qui consiste à exalter le sentiment de fraternité avec un terroriste. On voit là une véritable volonté de minimiser tout ce qui touche au terrorisme en cette période de confinement, et ce, alors même que les attaques n’ont pas cessé, l’attentat qui a frappé des policiers à Colombes en étant l’exemple le plus récent.