Certains lecteurs ont sans doute vu le remarquable film La Vie des autres (réalisé par Florian Henckel von Donnersmarck), sur les activités quotidiennes de la Stasi du temps de la défunte Allemagne de l’est, la RDA à l’époque. Parmi les centaines de milliers d’informateurs, bénévoles ou rétribués, volontaires ou forcés se retrouve un infortuné propriétaire d’un quotidien berlinois hérité de l’Allemagne côté est.
Des sous dans la haute technologie
Holger et Sigrid son épouse, la cinquantaine allègre, ont fait fortune autour d’activités dans le secteur digital, essentiellement dans le monde anglo-saxon. Ayant quelques disponibilités financières, ils décident d’investir dans un secteur plutôt lié par bien des aspects à la basse technologie, la presse quotidienne. À l’automne 2019 ils rachètent l’éditeur de la Berliner Zeitung, un quotidien lu des deux côtés de la ville, ouest comme est.
Ich bin ein Berliner (de l’est)
Ich bin ein Berliner (je suis berlinois) s’était exclamé en pleine guerre froide le 26 juin 1963 le président Kennedy, dans un message de soutien aux berlinois de l’ouest. Holger Friedrich pouvait reprendre le mot quand il rachète le quotidien qui demeure très lu dans la partie ex-est de Berlin (mais également un peu dans la partie ouest), avec une diffusion coquette de 85.000 exemplaires.
Comme ses confrères, le Berliner Zeitung a célébré en 2019 le trentenaire de la réunification de l’Allemagne en novembre 1989. De manière maladroite les nouveaux propriétaires en ont profité pour rendre hommage à Egon Krenz (qui a succédé à Erich Honecker à la tête de la RDA en octobre 1989). Le rôle de Krenz lors des évènements de l’été et de l’automne 1989 est, disons, controversé : oscillant entre tentative de négociation avec les manifestants et tentation de répression. L’hommage a donc suscité un certain émoi politique.
Coucou, c’est la Stasi !
Une manière d’attirer l’attention sur soi, au point qu’un aimable confrère de la presse allemande révélait que le jeune Holger avait été un informateur de la Stasi (essentiellement au sein de l’armée) dans les années 1987/1989, pendant un peu plus de quinze mois. Il avait alors 21 ans et se défend en indiquant qu’il y avait été obligé à la suite de l’échec d’une tentative de fuite à l’ouest. Un passé qui n’en finit pas de ne pas passer.