Après Marie-Ève Malouines, biographe de Hollande, Bertrand Delais, biographe de Macron, est nommé à la tête de la Chaîne Parlementaire-AN. Comme le nouveau monde ressemble parfois au vieux ! Le documentariste, soutien d’Emmanuel Macron et auteur de deux documentaires sur sa campagne, était favori de la course, un peu décidée à l’avance. Néanmoins sa nomination fait des remous au sein de l’opposition et donne des sueurs froides à Delphine Ernotte nommée sous François Hollande qui sent de plus en plus le sol se dérober sous ses pieds.
Bien qu’attendue par la majeure partie des observateurs, la nomination de Betrand Delais a fait des remous au sein de l’opposition. Cependant, il a été élu par 12 voix pour, 7 contre, mais François de Rugy s’est abstenu. Le député Alexis Corbière (FI) s’est ému sur Twitter, qualifiant le choix de Bertrand Delais d’« erreur. Un hagiographe du PR, engagé de façon militante dans sa campagne, ne garantira pas l’indépendance du Parlement par rapport à l’Elysée. C’est une main mise du parti présidentiel sur un média ». A‑t-il peur que le nouveau nominé ne rappelle urbi et orbi ce qu’a révélé L’Obs, c’est à dire ses passages à la TV payés pendant la campagne de Mélenchon 2050 € par mois, divisé en dix « journées » de 205 € ?
Pour Clémentine Autain, député LFI aussi, la nomination de Bertrand Delais a, « 50 ans après 1968, un parfum d’ORTF ». Elle a aussi réagi sur Twitter : « Bertrand Delais nommé à la tête de @LCP, sur proposition @FdeRugy, contre avis de toutes les oppositions. Delais est auteur de 2 documentaires sur #Macron et de moult Tweets engagés LREM. Misère démocratique ».
Le socialiste Olivier Faure a lui aussi fait état de son opposition : « la nomination d’un hagiographe d’E Macron à la tête de #LCP en dit long sur ce pouvoir qui méthodiquement cherche à neutraliser tous les contre-pouvoirs : la presse, le Parlement, les syndicats, les élus locaux… Ce n’est plus la Republique en marche, c’est une marche consulaire ». Pour sa part, il feint d’oublier que François Hollande n’a pas hésité à placer ses proches à la tête des médias d’Etat – à commencer par Marie-Ève Malouines – comme ses prédécesseurs avant lui.
Bertrand Delais : « tout au long de la procédure, j’ai fait la course en tête »
À Télérama, Bertrand Delais a assuré : « j’ai gagné à la régulière ». Il précise : « Tout au long de la procédure de nomination, j’ai fait la course en tête. Quand les dossiers des candidats au poste étaient anonymes, j’ai reçu la meilleure note onze fois, sur treize votants. A ma connaissance, aucun des huit candidats recalés n’a protesté contre le processus qui a été observé… Ces bonnes notes ont été confirmées lors des oraux, dont je suis sorti largement en tête : j’ai reçu la meilleure note dix fois, sur quatorze votes [sept, selon le communiqué de l’Assemblée Nationale] Même des gens qu’on ne peut pas soupçonner d’être macronistes m’ont donné des bonnes notes ».
Telerama lui pose une question sur l’hostilité présumée de François de Rugy, autre proche de Macron, qui lui s’est abstenu, Bertrand Delais préfère botter en touche : « On m’a dit ça aussi, mais je n’en ai aucune preuve. J’ai toujours été très bien reçu par lui. Je pense qu’il avait plutôt à coeur de mettre en évidence le processus d’élection qu’il a lui-même mis en place ».
Il ajoute aussi que « connaître la totalité de la filière a sans doute constitué un atout pour moi » et annonce que Guilaine Chenu devrait diriger les programmes : « à Envoyé Spécial, elle a travaillé avec des producteurs privés et sa légitimité professionnelle est évidente. Outre la grande confiance que j’ai en elle et notre complicité professionnelle ancienne, je suis heureux qu’une figure féminine d’un tel professionnalisme, qui jouit d’une image positive de service public et de qualité, incarne cette chaîne ».
La fusion avec Public Sénat – dont l’actuel président, Emmanuel Kessler, opposé à la fusion, voit son mandat arriver à son terme le 31 mai – étant dans les tuyaux, Bertrand Delais affirme qu’une « mutualisation des deux grosses tranches d’information du matin soit à envisager, c’est une évidence » et plaide pour un « guichet unique » pour financer les documentaires. Les deux chaînes parlementaires, au fonctionnement dispendieux, aux nombreux doublons et à l’audience mystérieuse, sont en effet une des facettes coûteuses de la chère exception française, peut-être de moins en moins justifiée alors que la pression fiscale augmente sur les contribuables.