Après une incursion sur TF1 en cours de semaine, le président de la République était devant les caméras de BFMTV dimanche 15 avril 2018. Comment la presse papier a‑t-elle réagi le lendemain ?
Avant même de commencer, l’interview accordée par Emmanuel Macron, sur BFMTV, avait fait couler beaucoup d’encre. En particulier du fait du choix des deux interlocuteurs du président, Jean-Jacques Bourdin et Edwy Plenel, patron de Médiapart. Et surtout du fait du choix de ce dernier, ce qui a été analysé par l’OJIM. D’autres points n’ont cependant pas été assez relevés par les médias, avant le soir fatidique. Par exemple :
- Le président de la République française, ce dimanche soir, comme le 12 avril sur TF1, n’avait choisi que des médias télévisés privés. Le choix n’est pas anodin.
- Le président de la République a adoubé un média, Médiapart, et un journaliste, Edwy Plenel, qui sont souvent sujets à polémiques, par exemple au sujet de Ramadan. Plenel a été accusé de confondre le métier de journalisme et le militantisme, ce qui n’est pas nouveau : la confusion opérait déjà lorsqu’il dirigeait Le Monde.
- Étonnement, il n’a pas été relevé que le choix de BFMTV (laquelle a battu son record d’audience à l’occasion) a tout d’une forme de remerciements, eu égards au soutien accordé sans vergogne par la chaîne d’informations en continue au candidat Macron lors de la campagne des élections présidentielles. Sans BFMTV, Macron serait-il parvenu au 2e tour de ces élections ? Pas certain. La chaîne a martelé « l’affaire Fillon » au quotidien. Sans cette résonance, François Fillon ne serait-il pas passé devant lui ? Qui sait ?
D’une certaine façon, Macron s’est affirmé comme le président non pas « des riches » mais plus simplement du monde social libéral libertaire, ce que les sociologues américains nomment maintenant « la classe ambitieuse ». Là où certains préconisent l’union des droites, Macron réalise l’union du monde libéral libertaire. Reste que les remerciements du président, via le choix de BFM pour l’émission, valent plusieurs millions d’euros et plus encore xur le plan de la reconnaissance de la chaine dans le paysage audio-visuel français.
De quoi ont parlé les trois principaux quotidiens papier le lendemain ?
Emmanuel Macron adoubé
Que disent les quotidiens, le 16 avril 2018 ? Outre le fait de relever les principaux points et annonces du président, sur lesquels nous ne revenons pas ici :
- Le Figaro : le 16 avril, l’interview du président n’est qu’un titre de Une parmi d’autres, le titre principal étant consacré aux frappes en Syrie. Les deux événements sont cependant reliés en pages intérieures où Macron est annoncé comme « Un chef de guerre face aux critiques ». Cependant, l’article ayant été finalisé avant la fin de l’entretien, il faut se tourner vers l’édition du 17 avril. Le quotidien insiste sur la connaissance des dossiers du président, son sang-froid, son courage d’affronter des journalistes qui ne seraient pas inféodés, sa science des « uppercuts », l’aspect novateur et moderne du genre de cette interview… Le quotidien donne par ailleurs la parole aux critiques des adversaires du président, en particulier à Jean-Luc Mélenchon. Adoubement du Figaro.
- Libération : le 16 avril, Libération titre en Une, sur fond de photo de l’entretien : « Macron au combat ». Pour le quotidien, « le chef de l’État a justifié à la télévision les frappes des alliés ». Plus avant : « Il avait prévu de faire la pédagogie de ses réformes. Mais c’est en tant que chef de guerre qu’Emmanuel Macron a dû s’explique.. ». Deux pages plus loin, un édito insiste sur le côté tendu du début de l’entretien, au sujet des questions sociales, puis indique que la suite est moins « orageuse » et pourtant « d’une intensité rare ». L’édito évoque « le grand mérite des deux journalistes » pour « avoir su créer ce moment singulier », et la force du président. Adoubement de Libération.
- Le Monde : le quotidien du soir titre sur un enthousiaste : « Macron, combatif pour défendre ses choix », avec une belle et ample photographie. Autres mots mis en avant, la volonté affichée par le chef de l’État de « réconcilier le pays ». Le quotidien indique que le débat a parfois été « abrupt », et que le président a pu reprocher aux journalistes leurs questions « orientées » et leur « démagogie », ne faisant cependant pas remarquer que, au vu de l’évidente intelligence du chef de l’État et des communicants qui l’entourent, cette situation était sans doute à la fois voulue et sous contrôle. Du reste, Le Monde rapporte fidèlement l’image que Monsieur Macron a voulu donner, comme si son rôle n’était que de proposer un compte rendu de la volonté présidentielle à lire. Adoubement du Monde.
Il n’y a pas de vraie critique ou de réelle analyse des propos du chef de l’État dans les retours des principaux quotidiens, lesquels adoubent le choix fait en 2017, leur choix et celui de BFMTV finalement. Une volonté généralisée de créer de l’empathie, tant par les mots que par le ton. Que Plenel et Bourdin ne disent pas « Mr le Président » mais « Emmanuel Macron » est d’ailleurs dans le même ordre d’idées, un peu comme quand tous les médias libéraux libertaires disaient « Hillary » d’un côté et « Trump » de l’autre. La culture des start-up s’installe. On conseillera vivement de regarder le film Corporate, histoire d’avoir une idée de ce qui approche. Et l’on pourra peut-être balayer devant la porte France quant aux liens plutôt complaisants entre médias et chef de l’État, avant de vouloir faire le ménage ailleurs.
Crédit photo : Gouvernement français via Wikimedia (cc)