Deux ans après qu’il ait pu obtenir de nouvelles prérogatives en matière de blocages de sites miroirs, l’ARCOM, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, dresse un premier bilan de son action.
166 noms de domaine bloqués en 7 mois
Ce sont les nouvelles prérogatives de l’ARCOM, ancien CSA, qui lui ont permis d’initier de tels blocages : depuis le mois d’octobre 2022, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique a engendré le blocage de 166 noms de domaine abritant des contenus illégaux, conséquence de la quarantaine de saisines dont il a fait l’objet entre octobre 2022 et avril 2023. Dans le viseur de l’ARCOM et de ses partenaires, les titulaires de droits : des plate-formes de téléchargements illicites. Le gendarme de l’audiovisuel peut, dans le cas où elles ont déjà été condamnées par le système judiciaire, bloquer les « sites miroirs » sans plus de jugement. Sur la même fourchette d’octobre 2022 à mai 2023, l’audience de ces plateformes aurait ainsi baissé de 23 %.
Une action limitée
Les plateformes de streaming ne sont pas les seules visées mais les plus facilement atteignables : les sites proposant le téléchargement direct de films sont moins facilement blocables en ce qu’elles sont détenues par des internautes initiés, les déménageant et les répliquant aisément. L’ARCOM souligne d’ailleurs les limites de leurs pouvoirs, constatant que ces « mesures de blocage restent insuffisantes […] sur des services de téléchargement direct ». L’intervention de cet agent reste par ailleurs largement contournable puisque, selon une enquête de Médiamétrie, 41 % des personnes ayant été confrontés au blocage d’un service illicite culturel se sont reportés vers d’autres services illicites quand 6 % ont tenté de contourner le blocage.
Le blocage jusqu’où ?
Les prérogatives de cet agent en matière de blocage vont-elles s’étendre à d’autres types de sites ? Le gouvernement, qui présentait le 10 mai dernier son plan pour sécuriser Internet, l’a proposé : le ministre de la Transition numérique et des télécommunications a ainsi soufflé l’idée que l’ARCOM puisse faire bloquer les sites pornographiques ne vérifiant pas l’âge de ses visiteurs. Une proposition qui a soulevé l’interrogation de l’avocate et spécialiste du droit numérique, Sophie Guicherd, qui remarque « qu’étendre les pouvoirs de ce type d’autorités, c’est accepter qu’il y ait des sanctions infligées sans que le système judiciaire ne soit actionné » (ce qui soulève l’inquiétude des juristes) et que « la première chose [à faire serait] de renforcer le système judiciaire [et de] former davantage le judiciaire au numérique. » On peut s’interroger également sur des extensions politiques possibles. Le pire n’est jamais certain, mais il est souvent probable…