Parfois financées par le contribuable, les « kits » de préconisations visant à influencer les journalistes ne manquent pas. Après avoir fait un petit tour d’horizon, arrêtons-nous sur l’une des dernières initiatives en date de guides des « bonnes pratiques » journalistiques : le « projet européen inclusif contre l’islamophobie genrée », dénommé « MAGIC », qui mérite d’être présenté.
Financé à hauteur de 257 486 euros par l’Union européenne, sa présentation sur le site internet dédié est la suivante :
« En l’espace de deux ans, MAGIC travaillera à cartographier l’islamophobie de genre dans les journaux belges et espagnols avec un double objectif : fournir aux dirigeants des communautés musulmanes, aux femmes musulmanes et aux OSC travaillant sur la diversité des compétences et des outils pour reconnaître et combattre les stéréotypes contre les femmes musulmanes dans les récits publics et promouvoir l’inclusion des voix musulmanes dans les médias.
MAGIC le fera non seulement par la formation des journalistes et le renforcement des capacités et la promotion de campagnes de sensibilisation, mais aussi en favorisant la connaissance, le dialogue et la coopération mutuelle entre les représentants des communautés musulmanes, les femmes musulmanes, les OSC et les professionnels des médias ».
On apprend également sur le site internet dédié que « le projet MAGIC a été produit par un groupe de travail piloté par le journaliste Aidan White (ancien journaliste du Financial Times et du journal The Guardian, président honoraire du réseau Ethical Journalism Network) et a pu compter sur la collaboration de Mariam Marakeshy (cinéaste et reporter multimédia) et de Shada Islam (directrice du magazine EUObserver Magazine) ».
On trouve dans les « directives pour la formation des médias à l’inclusion et à la prévention de l’islamophobie de genre » un long développement sur « le hijab et les problèmes de la superposition des préjugés à l’égard des femmes ».
Morceaux choisis :
« Les médias doivent veiller à ne pas reproduire un stéréotype de femmes musulmanes sans libre arbitre ou sans liberté de choisir lorsqu’ils rapportent des histoires, par exemple, liées à l’interdiction du foulard ou de la tenue religieuse. Les journalistes doivent avoir une bonne compréhension du rôle du hijab, du niqab, de la burka dans la culture musulmane (les femmes musulmanes utilisent de nombreux types de voiles et de façons de se couvrir la tête). De nombreuses personnes, y compris les féministes occidentales traditionnelles, ont une perception dépassée du hijab et se montrent souvent peu préoccupées par la discrimination à laquelle sont confrontées leurs « sœurs musulmanes (…) Il faut, notamment, qu’ils reconnaissent qu’il n’est ni sûr ni fiable de se pencher sur les expériences d’individus ou de groupes de femmes musulmanes en n’insistant que sur un seul aspect de la discrimination à laquelle elles sont confrontées. Lors de l’élaboration de récits et d’histoires concernant la lutte contre la discrimination, y compris la lutte contre les préjugés musulmans, les journalistes et les rédacteurs doivent tenir compte de l’impact des identités multiples ».
Des réactions vives
L’enseignante et essayiste, Fatiha Agag Boudjahlat, a analysé pour Fildmédia cette initiative. Elle ne mâche pas ses mots : « [Le terme “islamophobie de genre” est le] nouveau cheval de Troie sémantique utilisé par les islamistes. Ces derniers s’approprient désormais l’image de la femme pour leur softpower – en plus de l’influence économique ».
L’anthropologue belge Florence Bergeaud-Blackler estimait pour sa part récemment sur Twitter que « ce projet est destiné à former les journalistes à mieux communiquer la version fondamentaliste de l’islam, notamment le voile. Le réseau frériste européen, y est fortement impliqué ». Un avis pour le moins tranché.
Publiques ou privées, les initiatives visant à faire adopter par les journalistes des bonnes pratiques ont un point commun : elles reposent sur le présupposé qu’il y a une impérieuse nécessité de corriger certains prismes dans le traitement de l’information, dans une profession pourtant déjà largement marquée à gauche. Par ricochet, les influenceurs souhaitent modifier la perception par la population de certains sujets, comme l’immigration, la question climatique, la construction européenne, etc.
Et si, dans le grand bazar des médias, on considérait que le public est suffisamment mature pour se forger son opinion par lui-même, sans tenter d’orienter ceux qui dispensent l’information, les journalistes ?