Ojim.fr
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
<span class="dquo">«</span> Bonnes pratiques » journalistiques (2) : la liste des guides s’allonge

30 octobre 2022

Temps de lecture : 4 minutes
Accueil | Veille médias | « Bonnes pratiques » journalistiques (2) : la liste des guides s’allonge

« Bonnes pratiques » journalistiques (2) : la liste des guides s’allonge

Temps de lecture : 4 minutes

Parfois financées par le contribuable, les « kits » de préconisations visant à influencer les journalistes ne manquent pas. Après avoir fait un petit tour d’horizon, arrêtons-nous sur l’une des dernières initiatives en date de guides des « bonnes pratiques » journalistiques : le « projet européen inclusif contre l’islamophobie genrée », dénommé « MAGIC », qui mérite d’être présenté.

Financé à hau­teur de 257 486 euros par l’Union européenne, sa présen­ta­tion sur le site inter­net dédié est la suivante :

« En l’espace de deux ans, MAGIC tra­vaillera à car­togra­phi­er l’islamophobie de genre dans les jour­naux belges et espag­nols avec un dou­ble objec­tif : fournir aux dirigeants des com­mu­nautés musul­manes, aux femmes musul­manes et aux OSC tra­vail­lant sur la diver­sité des com­pé­tences et des out­ils pour recon­naître et com­bat­tre les stéréo­types con­tre les femmes musul­manes dans les réc­its publics et pro­mou­voir l’inclusion des voix musul­manes dans les médias.
MAGIC le fera non seule­ment par la for­ma­tion des jour­nal­istes et le ren­force­ment des capac­ités et la pro­mo­tion de cam­pagnes de sen­si­bil­i­sa­tion, mais aus­si en favorisant la con­nais­sance, le dia­logue et la coopéra­tion mutuelle entre les représen­tants des com­mu­nautés musul­manes, les femmes musul­manes, les OSC et les pro­fes­sion­nels des médias ».

On apprend égale­ment sur le site inter­net dédié que « le pro­jet MAGIC a été pro­duit par un groupe de tra­vail piloté par le jour­nal­iste Aidan White (ancien jour­nal­iste du Finan­cial Times et du jour­nal The Guardian, prési­dent hon­o­raire du réseau Eth­i­cal Jour­nal­ism Net­work) et a pu compter sur la col­lab­o­ra­tion de Mari­am Marakeshy (cinéaste et reporter mul­ti­mé­dia) et de Sha­da Islam (direc­trice du mag­a­zine EUOb­serv­er Magazine) ».

On trou­ve dans les « direc­tives pour la for­ma­tion des médias à l’inclusion et à la préven­tion de l’islamophobie de genre » un long développe­ment sur « le hijab et les prob­lèmes de la super­po­si­tion des préjugés à l’égard des femmes ».

Morceaux choi­sis :

« Les médias doivent veiller à ne pas repro­duire un stéréo­type de femmes musul­manes sans libre arbi­tre ou sans lib­erté de choisir lorsqu’ils rap­por­tent des his­toires, par exem­ple, liées à l’interdiction du foulard ou de la tenue religieuse. Les jour­nal­istes doivent avoir une bonne com­préhen­sion du rôle du hijab, du niqab, de la bur­ka dans la cul­ture musul­mane (les femmes musul­manes utilisent de nom­breux types de voiles et de façons de se cou­vrir la tête). De nom­breuses per­son­nes, y com­pris les fémin­istes occi­den­tales tra­di­tion­nelles, ont une per­cep­tion dépassée du hijab et se mon­trent sou­vent peu préoc­cupées par la dis­crim­i­na­tion à laque­lle sont con­fron­tées leurs « sœurs musul­manes (…) Il faut, notam­ment, qu’ils recon­nais­sent qu’il n’est ni sûr ni fiable de se pencher sur les expéri­ences d’individus ou de groupes de femmes musul­manes en n’insistant que sur un seul aspect de la dis­crim­i­na­tion à laque­lle elles sont con­fron­tées. Lors de l’élaboration de réc­its et d’histoires con­cer­nant la lutte con­tre la dis­crim­i­na­tion, y com­pris la lutte con­tre les préjugés musul­mans, les jour­nal­istes et les rédac­teurs doivent tenir compte de l’impact des iden­tités multiples ».

Des réactions vives

L’enseignante et essay­iste, Fati­ha Agag Boud­jahlat, a analysé pour Fild­mé­dia cette ini­tia­tive. Elle ne mâche pas ses mots : « [Le terme “islam­o­pho­bie de genre” est le] nou­veau cheval de Troie séman­tique util­isé par les islamistes. Ces derniers s’approprient désor­mais l’image de la femme pour leur soft­pow­er – en plus de l’influence économique ».

L’anthropologue belge Flo­rence Bergeaud-Black­ler esti­mait pour sa part récem­ment sur Twit­ter que « ce pro­jet est des­tiné à for­mer les jour­nal­istes à mieux com­mu­ni­quer la ver­sion fon­da­men­tal­iste de l’is­lam, notam­ment le voile. Le réseau frériste européen, y est forte­ment impliqué ». Un avis pour le moins tranché.

Publiques ou privées, les ini­tia­tives visant à faire adopter par les jour­nal­istes des bonnes pra­tiques ont un point com­mun : elles reposent sur le pré­sup­posé qu’il y a une impérieuse néces­sité de cor­riger cer­tains prismes dans le traite­ment de l’information, dans une pro­fes­sion pour­tant déjà large­ment mar­quée à gauche. Par ric­o­chet, les influ­enceurs souhait­ent mod­i­fi­er la per­cep­tion par la pop­u­la­tion de cer­tains sujets, comme l’immigration, la ques­tion cli­ma­tique, la con­struc­tion européenne, etc.

Et si, dans le grand bazar des médias, on con­sid­érait que le pub­lic est suff­isam­ment mature pour se forg­er son opin­ion par lui-même, sans ten­ter d’orienter ceux qui dis­pensent l’information, les journalistes ?

Voir aussi

Vidéos à la une

Derniers portraits ajoutés