Valeurs Actuelles met-il le doigt là où ça fait mal ? Depuis sa nouvelle formule, qui a entrainé une forte progression de ses ventes, l’hebdomadaire de droite libérale n’en finit plus d’attirer à lui les attaques des médias comme de la classe politique.
Le cabinet noir de l’Élysée
Après ses Unes choc sur l’immigration et les Roms, qui ont fait un petit scandale, Valeurs Actuelles révèle cette semaine l’existence d’un « cabinet noir » à l’Élysée. Ce cabinet, piloté en sous-marin par la Présidence, serait chargé d’alimenter les poursuites judiciaires contre Nicolas Sarkozy en fouillant – illégalement selon VA – les archives de l’ancien président. Pour appuyer ses dires, le magazine dirigé par Yves de Kerdrel publie les déclarations exclusives de Bernard Muenkel, ancien chef du service transmissions et informatique de l’Élysée. Celui-ci explique comment il a été mis au placard après avoir refusé de délivrer illégalement des informations au commandant militaire de l’Élysée, Éric Bio-Farina.
Démenti de l’Élysée
Les affirmations de l’hebdomadaire sont aussitôt démenties par l’Élysée, qui affirme avoir agi « dans le strict respect du droit » par rapport à trois réquisitions judiciaires : l’une concernant l’affaire Tapie, l’autre au sujet de la fusion entre les Caisses d’Épargne et la Banque Populaire ; la dernière demande a été faite par le Conseil Constitutionnel à propos des comptes de campagne de Nicolas Sarkozy. « La présidence de la République n’a fait qu’exécuter les réquisitions adressées par les juges d’instruction », ajoute le Palais. Une information vite relayée par les médias, qui n’ont pas hésité à contester l’article de VA en ne faisant que reprendre le démenti de l’Élysée.
Les médias reprennent en cœur
C’est Emmanuel Berretta, journaliste au Point, qui a dégainé le premier. Dans son article, il qualifie les révélations de Valeurs Actuelles de « faux-scoop ». Pour lui, il n’y a aucun scandale car « ne pas déférer à une injonction de la justice est une faute ». Et celui-ci d’ajouter, en pure spéculation : « Pense-t-on sérieusement que Nicolas Sarkozy est assez bête pour laisser, dans ses propres archives informatiques — celles qu’il a lui-même confiées aux Archives nationales — des traces compromettantes de ces agissements supposés ? »
Aussi, Berretta ne voit pas de problème concernant la divulgation du « fichier des loges », registre des entrées et sorties de l’Élysée qui n’aurait pas dû être conservé. Si la Présidence se justifie en affirmant que ces fichiers n’ont jamais été détruits depuis 1981, leur possession et utilisation est bien illégale. Pour preuve : Éric Bio-Farina lui-même le reconnaît dans un courriel interne repris par VA. « Légalement, nous ne sommes pas dans la loi, même en ayant fait la déclaration à la CNIL », peut-on y lire.
Le Monde s’est également chargé de descendre l’hebdomadaire en affirmant que « la justice a légalement exigé de l’Élysée des archives de Nicolas Sarkozy ». Et le quotidien de rappeler, au sujet du fichier des loges, l’article 99–3 du code de procédure pénale qui dispose en effet qu’un juge « peut requérir ( …) de toute administration publique susceptible de détenir des documents intéressant l’instruction, y compris ceux issus d’un système informatique (… ), de lui remettre ces documents, sans que puisse lui être opposée, sans motif légitime, l’obligation au secret professionnel ». Mais lorsque ces mêmes archives sont censées être détruites, est-ce légal de les conserver et de les utiliser ? Le Monde, comme d’autres, ne se pose même pas la question, se contentant de reprendre le démenti officiel de l’Élysée. Est-ce par ce que le journal du soir a lui-même profité de ces fichiers lors de l’affaire Tapie ?
Arrêt sur Images revient aux faits
Seul Arrêt sur images a fait le travail. Dans un article publié le jour de la parution de l’hebdomadaire, le site de Daniel Schneidermann rappelle quelques sujets occultés par les autres médias : un disque dur qui n’a pas été remis aux archives, tout comme le fichier des loges, ou encore le blocage par Bio-Farina des cartons d’archives de Claude Guéant, ex secrétaire général de la Présidence de la République puis ministre de l’Intérieur. Des informations qui n’ont pas l’air d’intéresser Le Point. Pourquoi ? L’hebdomadaire avait publié en exclusivité, en juin dernier, un courriel interne qui « compromet Claude Guéant ». Un courriel qui, selon VA, serait mystérieusement sorti des cartons de Claude Guéant au profit du Point…
Malgré son travail plus approfondi, Arrêt sur Images garde ses distances. Si le site accuse les autres médias d’avoir pris l’information de Valeurs Actuelles « avec des pincettes », celui-ci n’a pas manqué de l’évoquer en se bouchant le nez (« hebdomadaire anti-Rom » par-ci, « ultra-droite » par-là…).
VA victime de son succès ?
Au regard de cet acharnement médiatique à l’égard de Valeurs Actuelles, il est intéressant de se demander si l’hebdomadaire ne ferait pas des jaloux. Si certains, comme Le Monde ou Mediapart, s’opposent à lui par pur conflit idéologique, d’autres comme Le Point auraient tout intérêt à freiner ce dangereux concurrent. D’où, peut-être, l’article dénigrant d’Emmanuel Berretta – qui s’est ensuite livré à une joute verbale avec Yves de Kerdrel sur Twitter. Contacté par l’Ojim, le journaliste qui a rédigé le dossier sur le « cabinet noir » maintient ses affirmations et nous informe de la parution prochaine d’un nouvel article sur le sujet.
Si cet exemple le démontre, les réactions que provoquent chacune des parutions de l’hebdomadaire sont également un indicateur plutôt parlant. Les ventes en kiosque ont en effet augmenté de 37 % et les abonnements de 8 % au début de l’année – par rapport à la même période l’année précédente. De quoi chambouler le paysage de la presse papier… En s’attaquant ainsi frontalement à la présidence socialiste et aux sujets qui préoccupent le pays réel, Valeurs Actuelles semble sur la voie du succès. Un chemin qui ne sera pas sans embuches…