Rediffusion estivale. Première diffusion le 17 mai 2021
L’affiche présentant les candidats en tête de la liste LREM aux élections départementales dans l’Hérault avait été savamment préparée. Elle était censée plaire à chacun des segments électoraux que le parti présidentiel convoite, en particulier l’électorat musulman. Mais la présence sur celle-ci d’une candidate voilée a rapidement suscité une polémique dont plusieurs médias de grand chemin ont minimisé les enjeux. Nous revenons sur cet épisode assez édifiant.
L’élément déclencheur
Les élections départementales approchant, le parti présidentiel LREM a présenté courant mai 2021 ses candidats dans l’Hérault. Ses responsables départementaux ont pour l’occasion fait imprimer des affiches sur lesquelles figurent les candidats têtes de liste. Parmi ceux-ci, une certaine Sara Zemmahi pose voilée pour la photo aux côtés de ses colistiers. « Différents, mais unis pour vous ! » est le slogan de la liste LREM censé illustrer la cohésion de ses candidats et plus largement celle des habitants du département de l’Hérault.
Une polémique autour du voile
Le journal canadien La Presse présente les origines de la polémique à ce sujet :
« Le numéro deux du Rassemblement national, Jordan Bardella, a allumé la mèche dès lundi en tweetant la photo de l’affiche où l’on voit Sara Zemmahi, candidate suppléante aux côtés de trois colistiers dans un canton de Montpellier. « C’est cela la lutte contre le séparatisme ? » demandait-il à la ministre déléguée à la Citoyenneté Marlène Schiappa.
Mardi soir, il a enfoncé le clou en accusant la candidate d’être « une militante islamiste », à l’occasion d’une interview sur BFMTV ».
On apprend à la lecture de l’article que la réponse faite par le délégué général de LREM, Stanislas Guerini, à Jordan Bardella a fait tanguer le parti présidentiel. Mais au-delà de l’aspect politique, c’est le traitement par de nombreux médias de grand chemin de cet événement qui interpelle.
Aujourd’hui en France ignore l’islamisme
Le quotidien Aujourd’hui en France et Le Parisien ont consacré quelques articles à cette polémique.
Le 11 mai, c’est la réponse du « patron LREM Stanislas Guerini » à Jordan Bardella qui est le sujet central de l’article consacré à « l’affaire ». Le journal titre l’article sur les excuses de Stanislas Guerini : « C’était une erreur de répondre à Bardella ». L’article expose différents points de vue à gauche et au sein du parti présidentiel sur le bien-fondé de la présence d’une femme voilée parmi des candidats à une élection en France. Il en ressort de profondes dissensions au sein du parti présidentiel sur la question.
Le lendemain, le 12 mai, on apprend dans le même journal que « LREM s’écharpe (encore) sur le voile » et que « le délégué général, Stanislas Guerini, annonce que (la candidate voilée) ne sera pas soutenue par En Marche ».
L’article fait de nouveau état de la « belle foire d’empoigne (à laquelle) on a assisté hier entre membres du gouvernement et députés LREM, incapables de s’accorder sur la même ligne ». Le voile islamique n’est de nouveau abordé que comme un morceau de tissu autour duquel le parti présidentiel s’écharpe.
RTL circonscrit le voile à une question juridique
La radio RTL a également publié sur son site plusieurs articles sur le sujet. Le 11 mai, c’est la division du parti LREM qui est en titre d’un article : « Le voile d’une candidate divise le parti ». Les points de vue opposés, avec d’un côté les tenants de la laïcité, et de l’autre, ceux du droit, y sont exposés.
Le droit toujours, avec un article paru le 12 mai : « que dit la loi ? » au sujet du port du voile parmi les candidats et élus de la République. Le même jour, la radio publie sur son site un nouvel article en donnant la parole à l’une des colistières de la candidate voilée. Cette dernière est catégorique au sujet de sa collègue de liste : « Elle représente la République ».
L’Express s’intéresse à LREM, moins à la candidate voilée
Un vague espoir d’en savoir plus à ce sujet nous étreint quand notre attention est attirée par le titre d’un article de L’Express : « Candidate voilée, l’histoire secrète de l’affaire qui plonge LREM dans la crise ». En fait d’histoire secrète, c’est la polémique interne au parti présidentiel qui est décrite en détail.
Après la lecture de ces quelques articles, on imagine déjà les journalistes du New York times faire des gorges chaudes sur l’islamophobie en France et les querelles franco-françaises autour d’un bout de tissu qui reflètent le refus du droit à la différence dans le pays des droits de l’homme.
D’autres médias font un véritable travail d’investigation
Les articles cités d’Aujourd’hui en France, de RTL et de L’Express ont présenté cette affaire sous un angle essentiellement politique et juridique. On pourrait presque à leur lecture se dire qu’il s’agit d’une nouvelle occasion manquée de promouvoir des candidats de différentes confessions engagés dans le processus démocratique.
Pourtant, à côté de la présentation superficielle de cette affaire, quelques médias et internautes ont mené un travail d’investigation qui nous en apprend plus que nombre de médias de grand chemin.
Sur Twitter, le réseau 1905 a consacré un « thread » (fil de messages) à la polémique autour de la candidate voilée. On y apprend notamment que la candidate « a fondé et dirigé une association ouvertement prosélyte et qui diffuse la pensée des Frères musulmans. (…) Tabassam et sa fondatrice aujourd’hui candidate LREM partagent régulièrement les interventions de prédicateurs et islamiques comme Tariq Ramadan (…) Cette association, 《 Tabassam》, fait la promotion du voilement des femmes et reprend pour ce faire mot à mot le discours islamiste ».
Damien Rieu souligne également sur Twitter en s’appuyant sur des captures d’écran que « son association est anti-police nationale » et qu’en tout cas, l’association évoque les « violences policières et le racisme d’Etat ».
Le Midi libre nous informe que « l’association (à laquelle appartient la candidate voilée LREM NDLR) est hébergée à la Caf, là où est venu Emmanuel Macron lors de son dernier déplacement à Montpellier ». Le quotidien régional s’empresse de souligner que, « à ce moment de la communication présidentielle, discuter avec une femme voilée n’avait pas posé de soucis ». La question de la mise à disposition de locaux de la Caisse d’allocation Familiale à une association qui visiblement fait du prosélytisme islamiste n’est pas un sujet pour Le Midi libre.
Sur LCI, Hala Oukili expose les différentes révélations faites dans un article paru le 11 mai dans Causeur sur la « suppléante voilée LREM aux élections départementales à Montpellier ».
L’auteur de l’article paru dans Causeur y décrit la promotion faite par l’association du niqab et du hijab. Sa stratégie d’influence islamiste au travers du soutien scolaire et de la « valorisation de parcours d’excellence » est également évoquée.
Des différents articles consacrés à cette affaire, ressort une vision du voile qui diffère totalement selon les médias. Pour certains, il s’agit d’un attribut vestimentaire presque banal. Pour d’autres, quand le voile n’est pas porté par simple conformisme communautariste, cela peut être un véritable outil publicitaire de l’islamisme et un instrument de conquête comme le souligne une ancienne journaliste de l’Obs qui y a consacré un livre paru récemment intitulé « Un voile sur le monde ». Après l’avoir lu, on ne regarde plus ce morceau de tissu de façon anodine…Il y avait bien une affaire dans l’affaire. Merci à certains médias de nous avoir aidés à ne pas passer à côté.