Ils sont trois candidats en lice pour accéder à la présidence de Radio France : l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique a annoncé le 26 octobre 2022 la liste des candidatures recevables pour le poste.
La première candidate en lice, comme l’OJIM l’évoquait en septembre 2022, n’est autre que Sibyle Veil, candidate au renouvellement de son mandat. Femme de réseaux, proche d’Emmanuel Macron, elle avait remporté la première campagne en misant sur la révolution numérique au sein de l’instance publique. Critiquée par les salariés, qui avaient interrompu ses vœux en janvier 2020, soupçonnée de ne pas être une grande amoureuse de la radio, sa reconduction serait vraisemblablement jugée comme un choix politique.
Seul candidat à ne pas – semble-t-il — bénéficier de réseaux politiques, Florent Chatain est le deuxième candidat en lice pour prendre la présidence de Radio France. Après avoir fait une carrière sur des antennes locales (Lyon, Grenoble), il rejoint France Inter dont il sera congédié par Philippe Val sans ménagement en 2010 après sept ans de collaboration. Il sera aussi le coordinateur de l’éphémère (elle n’exista qu’un an à peine) antenne Libéradio, qui devait « oraliser » la parole des journalistes de la rédaction du quotidien. Avec une carrière assez modeste, Florent Chatain semble difficilement promis à la tête de Radio France …
Une énarque « promotion Simone Veil » ?
Le troisième nom soufflé par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom, ex-CSA) demeure plus inattendu. Conseillère référendaire, Maïa Wirgin avait été nommée secrétaire générale par décret du président de la République le 28 mars 2022. Avec cette candidature, la Maison Ronde se doterait d’une énarque (promotion 2006 – « Simone Veil »), chevalier des Arts et des lettres et chevalier de l’Ordre national du mérite. Celle qui fut conseillère référendaire au sein de la 3ème Chambre à la Cour des Comptes a été responsable du secteur culture en 2010. Secrétaire générale de la chaîne parlementaire Public Sénat en 2011, elle est devenue, trois ans plus tard, directrice de cabinet du Président directeur général de Radio France. Elle en est ensuite la secrétaire générale et supervise les réformes du groupe pendant près de quatre ans. Personnalité proche de la sphère politique, elle est passée par le cabinet du Premier ministre Edouard Philippe, dont elle a été le « chef du pôle Culture, communication et régulation numérique ». Pierre Moscovici lui prête un « dynamisme, sens du dialogue et souci de l’éthique ».
Quels projets pour la Maison Ronde ?
Dans leurs propositions de projets, chaque candidat a dû justifier le bienfondé de sa nomination à la tête de l’institution.
Si le renforcement de la présence de Radio France sur les différents supports numériques apparaît comme un objectif du projet de Florent Chatain, la priorité du journaliste s’il venait à prendre la présidence de Radio France serait essentiellement tournée vers la gestion des ressources humaines. Déplorant une gestion non vertueuse des RH au sein des radios, notamment locales, Chatain veut faire table rase de méthodes qu’il qualifie d’un « autre âge ». Dans son programme, qui ne dresse pas un état des lieux transversal mais se concentre essentiellement sur cette notion de « remise à plat de cette gestion humaine », le journaliste revient aussi brièvement sur la « catastrophe industrielle EUROPE 1 », qui aurait selon lui permis la greffe de nombreux auditeurs de cette radio sur les antennes de France Inter et France Info.
Un projet aux accents mélenchonistes
Le projet de Maïa Wirgin, aux accents mélenchonistes, entend mettre « l’humain au cœur ». En somme, faire la paix avec les équipes et les partenaires sociaux. L’ancienne auditrice de la Cour des Comptes aspire à renouveler un jeune auditoire. « Car la jeunesse, explique-t-elle avec démagogie, qu’elle soit urbaine, péri-urbaine ou rurale, a besoin d’un espace pour exister, partager, se sentir entendue et libre de faire entendre sa voix. Et nous avons besoin d’elle, de sa radicalité́, de sa liberté́, de sa créativité́, de son esprit absolument moderne, pour avancer et grandir ». La création de contenus dits proches de la culture « urbaine » semble être la voie qu’elle destine à ce public. Face à la « fracturation de l’opinion publique » (entendre les « pauvres », avec les gilets jaunes qu’elle cite en exemple et les habitants des zones rurales), elle promet d’encourager l’avènement d’une plate-forme de « proximité ». En termes économiques, elle prévoit d’intégrer « la transition écologique dans ses objectifs stratégiques et sa trajectoire financière et en mesurant les effets de son action », mesure qui ne risque pas de rendre l’institution financièrement excédentaire, à l’inverse d’une politique favorisant des ressources publicitaires dont elle craint qu’elles créent un rapport de dépendance de l’audiovisuel public. Elle en appelle par ailleurs à une union des forces des différentes sociétés de l’audiovisuel public afin de « construire des offres nouvelles et relever l’immense défi démocratique et social de notre temps. »
Un « service public moderne et exemplaire »
Programme le plus professionnel parmi les trois propositions déposées auprès de l’ARCOM, les Soixante propositions pour le service public de la radio de Sybile Veil laissent transparaître une expérience des instances publiques ; semblable à un rapport d’information parlementaire, le projet de la présidente actuelle de Radio France décline en quatre points les différents objectifs de la Radio : stratégie éditoriale, mue digitale du média, créateur « de valeur pour notre écosystème de l’audio » et construction d’un « service public moderne et exemplaire » sont les grandes perspectives dressées par cette proche d’Emmanuel Macron. Lutte contre la désinformation et l’établissement d’un « Nutriscore de l’information », amélioration des objectifs énergétiques relatifs au secteur, modernisation de la gestion des ressources humaines, « attention accrue à la parité́ et à la diversité́ sur nos antennes »… : les nombreuses propositions apparaissent dans la stricte continuité de la mission entamée par Veil.
Audités par le collège de l’Arcom lundi 19 décembre prochain, le candidat élu accédera à sa fonction au plus tard le 16 janvier 2023. Son mandat, qui commencera à la mi-avril, doit durer cinq ans.