[Première diffusion le 24 mai 2020]
Le 13 mai 2020, le délibéré du jugement concernant un militant no border Cédric Herrou, accusé d’« aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irrégulier d’étrangers en France », était rendu. Les médias ont largement communiqué à ce sujet, avec une satisfaction non cachée. Une satisfaction qui tranche avec d’autres faits très sévèrement réprimés.
Les faits
Certains consacrent leur temps libre à leur jardin, d’autres font passer des clandestins en France. On peut s’en étonner, voire être choqué vis-à-vis d’actes qui foulent au pied le principe de nationalité et de régularité du séjour en France. Cela n’est visiblement pas le cas des médias de grand chemin.
En janvier 2017, un passeur compulsif de migrants et agriculteur à ses moments perdus nommé Cédric Herrou se confiait à Le Monde :
« En 2015, j’ai commencé à prendre des migrants en stop à Vintimille pour les conduire chez moi. (…) Les arrivées ont continué et l’on s’est retrouvé avec 58 personnes à la maison. Mon jardin s’est transformé en camping avec des caravanes, un cabanon, et j’avais casé plein d’autres personnes dans les maisons aux alentours. Un peu perdus et pris au dépourvu, nous avons décidé d’ouvrir un squat désaffecté qui ne dérangeait personne ».
L’héroïsme du jeune agriculteur n’allait pas s’arrêter en si bon chemin. Les passages clandestins se multiplient. Le Monde nous indiquait fin 2016 que « Cédric Herrou a transporté plus de 200 migrants depuis six mois ».
La justice s’en est mêlé. Heureusement serait-on tenté de dire ? Si n’importe quel quidam prend délibérément en stop en Italie des clandestins pour les faire passer illégalement en France, c’est non seulement le principe de la régularité du séjour en France qui est bafoué (pourquoi demander un titre de séjour préalablement à l’entrée en France dans ce cas), mais aussi un encouragement au trafic juteux des passeurs qui exploitent la misère humaine à partir des côtes de Libye.
Cédric Herrou a logiquement été inculpé en 2016 pour « aide à l’entrée, à la circulation et au séjour de personnes en situation irrégulière, et occupation illicite de propriété privée ».
Après un jugement en première instance, en appel, la saisine du Conseil constitutionnel, qui a pour l’occasion posé le principe du « principe de fraternité », puis de la Cour de cassation, son affaire a été jugée de nouveau par la Cour d’appel de Lyon. Le jugement est limpide : « Renvoyé de toutes les poursuites » selon Euro news.
Une bonne nouvelle pour les médias de grand chemin
Les médias de grand chemin ont accueilli ce jugement comme une bonne nouvelle.
Euro news donne en titre de son article la parole au « défenseur de migrants » : « la solidarité n’est pas un délit ». L’article ne contient aucune réserve sur les faits commis par Cédric Herrou. Les seuls arguments présentés sont ceux de la justice et du passeur. On en déduit fort logiquement que ce sont des actes de bravoure qui sont enfin reconnus, des actes commis par un homme désintéressé et altruiste. France info est sur la même ligne éditoriale : les premiers mots de l’article consacré au jugement sont ceux de l’avocat du passeur : « C’est le triomphe de la raison et du droit ». C’est encore l’avocat qui conclue l’article qui ne comporte aucune réserve vis-à-vis d’un jugement qui est un encouragement aux passeurs de tous poils : « Pourquoi s’acharner sur quelqu’un qui n’a fait qu’aider ? Comment considérer ce qu’il a fait autrement qu’une action humanitaire ? ».
Le Point n’habille pas de beaucoup de réserves l’information militante dispensée par l’AFP. Tout au plus apprend-on que la passeur a été « dispensé de peine pour des faits d’« installation en réunion sur un terrain appartenant à autrui sans autorisation ». À aucun moment le journaliste n’indique explicitement que le militant no border a été reconnu coupable d’occupation illégale de terrain et condamné pour cela. Tout juste est-on informé qu’il a été dispensé de peine, comme si les termes de « coupable » et de « condamnation » pouvaient venir ternir ce jugement. Une nouvelle fois et comme dans de nombreux articles, la conclusion est laissée à l’avocat du militant d’extrême gauche :
« Un acharnement consternant » aux yeux de la défense, qui accueille la décision de la cour comme « un vrai soulagement ».
Après avoir été relaxé pour avoir insulté un Préfet, le militant no border est donc relaxé pour les très nombreux passages de clandestins à la frontière franco-italienne. Un jugement qui une nouvelle fois accorde au passeur une impunité totale et n’emporte aucune réserve dans les médias de grand chemin.
Le militant d’extrême gauche, héros de la presse de grand chemin
Nous l’avions déjà souligné en novembre 2017, les médias de grand chemin ont dessiné au fil des démêlés judiciaires du passeur une figure du héros, gommant tous ses aspects rugueux, ses injures contre un Préfet, sa rancœur contre une France coupable de tous les maux, sa haine des frontières, ce que nous appelions le côté face du militant d’extrême gauche.
Désigner les frontières passoires : des agissements lourdement condamnés
Si faire passer illégalement des migrants d’Italie en France bénéficie d’un sauf conduit donné par la justice française, il n’en est pas de même pour les militants qui attirent l’attention de l’opinion publique sur les très nombreux passages de clandestins à la frontière franco-italienne.
En 2018, des militants de Génération identitaire menaient une action symbolique au Col de l’échelle dans les Alpes pour mettre sous les projecteurs les frontières passoires. Le choix des mots, les qualificatifs dont ont été affublés les jeunes militants, les techniques rhétoriques utilisées dans la couverture de cette action : tout a concouru à présenter négativement une manifestation en faveur du respect des frontières, et qui être à ce titre pouvait être louée. La frontière de la légitimité médiatique était déjà bien tracée pour les médias de grand chemin.
Après le jugement du tribunal médiatique, c’est en août 2019 le tribunal correctionnel de Gap qui a très lourdement condamné les militants identitaires pour cette opération de promotion des frontières. Qu’importe puisque pour L’Obs et de nombreux autres médias à sa suite, les condamnés font partie d’une « association d’extrême droite ».
L’actualité judiciaire continue. France bleu nous informe que le procès en appel d’autres militants identitaires pour une manifestation sur le toit d’une mosquée à Poitiers, appelée très symboliquement par le nom arabe de la bataille de Poitiers a lieu le 21 mai 2020, une affaire à suivre.
Par contre, on cherche vainement dans les médias des informations sur un éventuel procès des 80 clandestins qui ont envahi la basilique de Saint Denis le 17 mars 2018 accompagnés par des militants d’extrême gauche. Si comparaison n’est pas raison, quelques mises en perspective se passent de tout commentaire, tant elles sont éloquentes…