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Celsa, dans le temple parfois libéral (et parfois libéral libertaire aussi) de l’information

17 août 2023

Temps de lecture : 5 minutes
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Celsa, dans le temple parfois libéral (et parfois libéral libertaire aussi) de l’information

Temps de lecture : 5 minutes

Pre­mière dif­fu­sion le 8 juin 2023

Établissement renommé internationalement, reconnu par la Conférence des Grandes Écoles (CGE), le Celsa est « l’École des hautes études en sciences de l’information et de la communication ». Créée en 1957 à l’initiative d’universitaires et de chefs d’entreprises, elle est aujourd’hui intégrée à Sorbonne Université.

S’adres­sant aux étu­di­ants (for­ma­tion ini­tiale et appren­tis­sage) comme aux pro­fes­sion­nels (for­ma­tion con­tin­ue), elle dis­pense des for­ma­tions en jour­nal­isme, com­mu­ni­ca­tion, mar­ket­ing, pub­lic­ité, médias, ressources humaines, et délivre les diplômes de Licence, Mas­ter, Doc­tor­at, Mag­istère et MBA. En son sein, l’école de jour­nal­isme a été fondée en 1979 et recon­nue par la pro­fes­sion dès 1981.

Un projet « libéral et humaniste »

Se voulant en adéqua­tion étroite avec le monde pro­fes­sion­nel et à la pointe des nou­velles tech­nolo­gies, le Cel­sa souhaite être une « passerelle » et un « lieu de ren­con­tres » entre les dif­férents acteurs du monde de l’information et de la com­mu­ni­ca­tion. Se félic­i­tant d’accueillir un pub­lic diver­si­fié (ce qui ne saute toute­fois pas aux yeux si l’on en croit le témoignage d’anciens élèves) et de favoris­er l’ouverture et la mobil­ité inter­na­tionale, l’école affirme être por­teuse d’un pro­jet « libéral et humaniste ».

Un human­isme qui n’exclut pas l’élitisme, le con­cours d’entrée étant con­sid­éré comme très sélec­tif (env­i­ron une trentaine d’admission pour près de 1000 can­di­dats). Par­mi les heureux élus ayant fréquen­té l’établissement, on peut citer Christophe Beau­grand, Frédéric Beigbed­er, Sidonie Bon­nec, Pas­cale Clark, Bernard de La Vil­lardière, Anne-Élis­a­beth Lemoine, ou Del­phine Horvilleur… Un car­net d’adresses qui est l’une des richess­es et des forces de l’école, le « réseau » étant fon­da­men­tal pour la car­rière des futurs jour­nal­istes (l’association des « anciens et amis du Cel­sa » — Cel­sa Alu­mi­ni — compte plus de 10 000 adhérents).

Le témoignage de Stéphanie (le prénom a été changé)

L’aspect libéral quant à lui, selon l’ancienne élève Stéphanie B., se con­cré­tise par une rel­a­tive « neu­tral­ité » des enseignements.

« Je n’ai jamais vrai­ment ressen­ti, au cours de mon cur­sus, de pres­sion idéologique ou poli­tique. Bien sûr il y a une sorte de doxa dom­i­nante, mais elle est plutôt libérale. On baigne dans l’air du temps et il ne faut pas dépass­er les lim­ites de la « bien­séance » poli­tique­ment cor­recte mais le gauchisme et le wok­isme sont sen­si­ble­ment moins omniprésents qu’à la fac de let­tres que j’ai égale­ment fréquen­tée… Au Cel­sa, on peut lire le Figaro sans recevoir des cail­loux… Bon, il ne faut pas non plus aller beau­coup plus à droite… Mais tant que l’on ne remet pas en cause les dogmes du libéral­isme, tout va bien…» explique-t-elle.

Une option « libérale » que con­firme le pro­fil des enseignants asso­ciés en charge actuelle­ment de la for­ma­tion en jour­nal­isme : Arnaud Le Gal, rédac­teur en chef des Échos, Alain Guille­moles, chef de rubrique La Croix et Ivan Vale­rio, rédac­teur en chef de BFMTV.com. Mais d’autres pro­fils de pro­fesseurs sont plus con­formes à ce qui se fait dans la plu­part des écoles de jour­nal­isme, comme le note un autre témoignage.

Et celui d’Étienne (le prénom a été changé)

Celui-ci fait part d’une neu­tral­ité toute rel­a­tive. Sur une trentaine d’élèves de sa pro­mo­tion, deux peu­vent être classés à droite, un au cen­tre, tous les autres sont de gauche et d’extrême gauche, ce qui révèle un tro­pisme cer­tain dans le recrute­ment. Le pro­fesseur de pho­togra­phie offi­cie à Libéra­tion, un autre pro­fesseur qui écrit dans Le Monde fait preuve d’une déon­tolo­gie curieuse, soulig­nant, nous citons, « être jour­nal­iste c’est pas dire ce qu’on voit, c’est dire ce qu’on veut », on a du mal à recon­naître la charte de Munich. Si le pro­fil idéologique des pro­fesseurs est mixte, mais plutôt quand même du côté libéral lib­er­taire, la ges­tion des ressources humaines est du style néo-libéral le plus clas­sique si l’on en croit la crise des vacataires qui a sec­oué l’établissement en 2019.

En 2019, la crise des vacataires

En effet, à cette date, les vacataires du Cel­sa ont men­acé de ne pas com­mu­ni­quer les notes des épreuves de con­cours d’entrée qu’ils avaient cor­rigées, récla­mant un engage­ment écrit et ferme de la direc­tion sur le paiement réguli­er des vaca­tions. Ce mou­ve­ment de grogne révélait alors la grande pré­car­ité des con­di­tions de paiement des vacataires qui devaient par­fois atten­dre plus d’un an avant de touch­er leur rémunération.

Selon Corinne Lel­louche, vacataire au Cel­sa depuis 2006, cer­tains vacataires étaient à cette époque au RSA et tra­vail­laient sans bul­letin de salaire pen­dant des mois. Le pro­fil des vacataires a en effet pro­fondé­ment évolué au cours des années. « À l’origine, les vacataires étaient de gens avec de bonnes sit­u­a­tions qui fai­saient cela en plus de leur activ­ité prin­ci­pale. Ce n’est plus le cas. Les nou­veaux vacataires du Cel­sa ne sont plus des jour­nal­istes ou des com­mu­ni­cants en poste. Ce sont des jeunes pré­caires qui mul­ti­plient les activ­ités et ont besoin d’attestation d’emploi et de bul­letins de salaire pour pou­voir faire val­oir leur droits au chô­mage auprès de Pôle emploi. » explique Madame Lel­louche. Au moment de la crise, le Cel­sa comp­tait 600 vacataires pour 120 tit­u­laires, dont les per­son­nels admin­is­trat­ifs, révélant un dévoiement d’un statut sen­sé servir à combler des besoins ponctuels. À la suite de leur protes­ta­tion, les vacataires ont finale­ment obtenu d’être payés tous les deux mois.

Jouis­sant d’une répu­ta­tion nationale et inter­na­tionale (plus 400 accords avec des uni­ver­sités et des écoles étrangères), l’école de Jour­nal­isme du Cel­sa s’est imposée comme une des références dans son secteur. En 2022, 88 % de ses étu­di­ants ont trou­vé un poste moins de 2 mois après la fin de leur for­ma­tion. Sa qua­si-gra­tu­ité (le coût de sco­lar­ité est lim­ité aux frais d’inscriptions uni­ver­si­taires) lui donne une image un peu moins sociale­ment corsetée que celle de ses con­sœurs. Pour l’enseignement, suiv­ant les cours on retrou­vera un peu plus de neu­tral­ité qu’ailleurs ou le clas­sique mélange libéral lib­er­taire à la sauce progressiste.

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