Interrogé par Daniel Schneidermann sur Arrêt sur images à propos de l’indépendance des journalistes, le rédacteur en chef adjoint de « Spécial Investigation » a vidé son sac sur les censures quotidiennes à Canal+.
Revenant sur l’affaire de la censure du reportage sur le Crédit Mutuel, où il avait échappé de peu à un licenciement, Jean-Baptise Rivoire explique : « Quand Vincent Bolloré initie cette censure grave, et il n’y a pas que le Crédit Mutuel, on avait aussi une enquête sur la BNP, autant vous dire qu’il n’y a plus aucun producteur qui nous a envoyé un projet d’enquête sur le monde bancaire. Il n’y aura plus d’enquêtes sur les banques à Canal. »
D’après ce délégué syndical SNJ-CGT, lui et sa rédaction sont « soumis à un comité d’investigation tous les deux mois. On doit aller avec nos petits projets voir la direction et demander l’autorisation de faire des enquêtes. En gros, sous l’ancienne direction, ça passait à 80 ou 90% des cas. Depuis que Vincent Bolloré est sorti des fougères et a manifesté son pouvoir dans l’entreprise, ça se passe beaucoup plus mal. On est retoqué régulièrement ».
Pour preuve : lors de la dernière réunion, 11 sujets ont été proposés et 7 refusés. Et M. Rivoire de lister ces enquêtes rejetées par la direction de Canal : « Volkswagen, entreprise de tous les scandales », « Le monde selon YouTube », « François Homeland » (une enquête sur le président et les guerres), « Attentats : les dysfonctionnements des services de renseignement », « Les placards dorés de la République » (sur les emplois fictifs dans la haute fonction publique), « La répression made in France » (comment la France exporte des outils de répression, à des régimes pas toujours recommandables), et « Nutella, les tartines de la discorde ».
Nul doute que ces aveux publics seront de nature à alimenter d’avantage la crise interne qui sévit au sein de Canal+, avec à la clé de nouvelles tensions.
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