Le Monde ne badine pas avec la déontologie. Mais c’est à ses risques et périls. En avril dernier, lors du conseil d’administration du journal, un dirigeant annonçait aux actionnaires — dont la société des rédacteurs — un manque à gagner prévisionnel de 7 millions d’euros : 3,2 en 2014 et 4 en 2015.
L’explication de ce manque à gagner ? C’est Vincent Bolloré, propriétaire de Havas, qui a décidé de boycotter le quotidien après deux enquêtes qui l’ont pris à rebrousse-poil, l’une parue dans le supplément M le Magazine en octobre 2013 (« Vincent Bolloré, un prédateur si bien élevé »), l’autre dans le journal en septembre 2014 (« le monopole de Bolloré sur le port d’Abidjan est de plus en plus contesté »). De quoi rappeler que la publicité est aussi une laisse.
Aux Échos en revanche, on tient absolument à s’épargner ce genre de péripéties. C’est certainement pour cela que le 28 mai est paru un papier très soigné sur les 20 premiers sponsors de la conférence climat de Paris (COP 21) dont le gouvernement français attend beaucoup, même si elle s’annonce d’ores et déjà comme un énième raout des grands de ce monde débouchant sur des engagements pompeusement creux. Le papier était si élogieux qu’il en était presque complaisant : les sociétés en question — Air France, Renault, EDF, GDF-Suez etc. étaient qualifiées d’« amies du climat » à « haut niveau d’exigence environnementale »…
Petit problème : certaines ONG comme Réseau Action Climat ou Attac critiquaient dans l’article la présence de gros pollueurs parmi ces sponsors. Mais, selon Le Canard Enchaîné (02/06/2015) qui se rit doucement de l’aventure (lui qui, rappelons-le, a toujours vécu sans pub), le passage qui leur donnait la parole a été effacé par la direction la veille au soir de la parution, sous prétexte que ces ONG n’étaient « pas crédibles ». Et sans doute pas parce que ce même 28 mai, EDF avait acheté six pages de pub dans Les Échos pour vanter son sponsoring de la COP 21 !