Franceinfo défend officiellement et régulièrement la liberté de la presse, faisant état de phénomènes de censure, rapportant le nombre de journalistes menacés dans le monde ou encore participant aux diverses journées de « la liberté de la presse ». Cette défense ne semble pas s’étendre à qui ne pense pas comme Franceinfo et les médias de grand-chemin. Illustration.
Le 13 janvier 2021, à l’aide d’une dépêche de l’AFP, Franceinfo diffuse une analyse sous le titre : « YouTube, Facebook, Twitter… Retour en six actes sur la semaine où les réseaux sociaux ont dit non à Donald Trump ».
L’accroche :
« La plateforme YouTube a annoncé suspendre la chaîne du président américain mardi. Facebook, Instagram, Twitter avaient été les premiers réseaux sociaux à réagir après le coup de force des militants pro-Trump au Capitole, le 6 janvier. »
La présentation pose d’emblée plusieurs problèmes si l’on considère que Franceinfo est l’un des médias radio d’un pays s’affirmant comme étant une démocratie libérale, défendant officiellement la liberté de la presse et les principales libertés individuelles, celles qui font théoriquement cette même démocratie libérale, dont la liberté d’expression dans le cadre du respect de la loi :
La post vérité de FranceInfo
- Franceinfo ne signale pas un point pourtant nodal : les réseaux sociaux qui ont « dit non à Donald Trump » n’ont pas dit non à un individu lambda mais à celui qui était toujours le président des États-Unis d’Amérique, l’une des premières puissances mondiales, parangon de la démocratie libérale et considéré comme pays, justement des libertés individuelles.
- Franceinfo évoque une réaction « après le coup de force des militants pro-Trump au capitole, le 6 janvier ». Ceci appelle deux remarques. Premièrement, réécouter le discours du président Trump, supposé avoir conduit ses soutiens venus à Washington, à aller vers le capitole, indique que le président n’en appelle pas à la force. Tout au contraire, il conclut son discours par ces mots : « Je vous invite à aller manifester votre désaccord pacifiquement et patriotiquement ». Une liberté fondamentale dans toute démocratie, n’en déplaise semble-t-il à Franceinfo, celle d’exprimer une opinion. Deuxièmement, Franceinfo ne s’étend pas sur l’information véritablement surprenante : quelques centaines d’individus (et non une masse, les images montrant des groupes clairsemés marchant en direction du capitole) se dirigent vers le cœur du pouvoir politique de l’une des premières puissances mondiales, dans la capitale, un jour considéré comme « tendu » par les autorités et les médias du monde entier, et les forces de l’ordre seraient incapables d’empêcher l’intrusion dans le capitole ? Difficile à croire.
- Franceinfo accrédite ainsi une version officielle, ce que l’on appelle la « post-vérité », quand une « vérité officialisée » remplace les faits : le président des États-Unis aurait tenté un coup de force, autrement dit un coup d’État.
Le reste en découle :
- Que YouTube, Facebook, Instagram et Twitter suppriment les comptes du président des États-Unis n’étonne pas Franceinfo, chaine de radio qui trouve cela normal (qui ne dit mot consent) : aux yeux de ses journalistes, et donc de l’AFP, ces réseaux sociaux contribueraient à la défense de la démocratie. Par la censure d’un chef d’État ? La question n’est évidemment pas posée.
- Franceinfo peut donc décider, sans s’apercevoir du côté extraordinaire de cette démarche, de revenir « en six actes sur ces journées ou le 45e président des États-Unis a perdu ses canaux de communication favoris ». Une jolie formule (« perdu ses canaux de communication favoris ») pour dire qu’il a été censuré et que des entreprises privées, n’ayant rien à voir avec la démocratie institutionnelle, lui ont retiré ces libertés individuelles que sont la liberté d’opinion et d’expression.
Silence, on vous débranche
Sur ces bases, Franceinfo déroule les six journées ou « actes » comme s’il s’agissait de faits normaux :
- Les comptes de Trump « sont suspendus de manière temporaire le 6 janvier ». Franceinfo est soulagée car les réseaux sociaux avaient « souvent été critiqués pour leur laxisme ». Là, ils ont réagi à « l’invasion » du capitole. Le mot se passe de commentaires. Un véritable danger est évité pour la démocratie car Donald Trump possédait « 35,3 millions d’abonnés sur Facebook et 24,6 millions sur Instagram ». En même temps, le compte Twitter de Trump et ses 88 millions d’abonnés est bloqué puis supprimé un peu plus tard, suite d’un long processus de censure.
Aucune remarque quant au côté profondément anti-démocratique de ces décisions autoritaires prises en dehors de toute légalité.
- « Facebook et Instagram prolongent la suspension pour une durée indéterminée ». L’annonce est faite par le PDG de Facebook : c’est donc le PDG d’une entreprise privée qui décide de ce que doit être la liberté d’expression aux États-Unis mais cela n’émeut pas un média comme Franceinfo. Le même jour Snapchat et Twitch bloquent aussi le président des États-Unis.
Toujours aucun étonnement de la part de Franceinfo.
- Mais le danger Trump revient ! Il « utilise le compte de la présidence américaine pour répondre à twitter. »
Un fait évidemment particulièrement choquant : le président des États-Unis d’Amérique utilise les réseaux de communication du président des États-Unis… Franceinfo ne le comprend pas ainsi. Pour la radio, c’est un coup d’État numérique : Trump « s’empare du compte officiel de la présidence américaine ».
- Twitter suspend définitivement le compte personnel de Trump et…. supprime des tweets du président des États-Unis sur le compte officiel de la Maison Blanche.
Ainsi, c’est un réseau social qui décide de ce qui peut ou non être dit depuis le principal centre du pouvoir des États-Unis.
- Comme cela ne suffit pas, étant donné que Trump bénéficie de nombreux soutiens dans la population américaine, la coalition des GAFA contre Trump s’élargit : « Apple, Android et Amazon expulsent le réseau Parler». Un réseau auquel il est reproché d’être « ultra-conservateur », ce qui n’émeut pas non plus une Franceinfo peu étonnée qu’un réseau social soit empêché d’exister sous prétexte qu’il défend des opinions légales dans la plus grande démocratie libérale du monde. Sans doute que si Franceinfo était expulsée des principaux espaces numériques mondiaux pour cause de progressisme, ses journalistes considéreraient-ils cela comme un crime de lèse-démocratie. Le réseau Parler est de même retiré de Google. Les soutiens de Trump ainsi que ce dernier sont mondialement réduits au silence sans que cela semble inquiéter la principale radio française d’information en continu, en termes de démocratie.
- « YouTube suspend la chaîne de Donald Trump ». Première précision de Franceinfo : « Elle est la dernière plateforme à dégainer l’arme ultime ». Deuxième précision qui devrait pour le coup sembler un tantinet étonnante à n’importe quel média normalement constitué : YouTube a « modifié ses conditions d’utilisation» pour empêcher toute « remise en question de l’élection américaine ». Silence radio du côté de Franceinfo : les règles du média YouTube changent au gré des personnes à censurer, ici celui qui était toujours président des États-Unis, mais cela ne semble pas nécessiter l’exercice d’un minimum d’esprit critique.
Un article tout à fait révélateur de la manière dont Franceinfo encadre les consciences. Le déroulé des faits décrits par les journalistes de la radio est une défense en actes de la politique de censure menée par les GAFA à l’encontre de celui qui était encore président des États-Unis, un blanc-seing offert à la privatisation des libertés individuelles par les entreprises mondialisées du numérique. Officiellement média, théoriquement attaché à la liberté d’expression et à la démocratie, Franceinfo prend ici le parti de la censure préventive, suivant l’exemple américain.