En trois semaines, l’Observatoire du journalisme a vécu une censure non motivée de Facebook, un piratage, le rétablissement du site et le retour de l’article supprimé par Facebook sur le réseau social. Récit et enseignements à tirer.
Acte I Alain Duhamel
Qui ne connaît Alain Duhamel ? Pérorant depuis le XVIIIème siècle sur la quasi-totalité des médias écrits ou audio-visuels ? Vous trouverez son portrait ici. Fin juin 2019, il exprimait des propos lapidaires sur l’école de sciences politiques de Marion Maréchal sur les ondes de RTL. Propos plus que sévères consécutifs à l’invitation de l’intéressée puis sa désinvitation par le MEDEF. Un de nos lecteurs nous transmet une tribune libre de réponse que nous publions le 6 juillet, retraçant le parcours universitaire de Duhamel, ses ors et ses pompes. Un article polémique mais dans les limites du savoir vivre et de la politesse. Nous le publions également sur les réseaux sociaux.
Acte II Facebook censure
A notre grande surprise (nous avons gardé une bonne dose de naïveté sympathique), Facebook supprime tous les partages vers la tribune libre de notre lecteur le 22 juillet.
Depuis le 22 juillet 2019 au matin, tous les post du réseau social comportant un lien URL vers l’article (y compris celui de la page Facebook de l’Ojim) ont été discrètement supprimés, et la publication de ce contenu sur Facebook est désormais techniquement impossible. Nous relatons cette censure le même jour et la dénonçons.
Acte III le site devient inaccessible
Le dimanche 28 juillet dans l’après-midi, soit quelques jours après la censure de Facebook, le site devient inaccessible et notre hébergeur n’est pas opérationnel avant lundi matin. Après des échanges techniques que nous vous épargnons, le site est rétabli après 17 heures de déni d’accès. Une tentative de piratage portant sur l’administration du site mais aussi le compte client chez l’hébergeur a été stoppée net.
Acte IV solidarité
Un réseau de solidarité s’organise spontanément. Le Salon beige reprend notre article sur la censure, ainsi que le journal Présent (déjà l’objet des attentions guillotine de Facebook), Polémia, i‑Médias et d’autres. Boulevard Voltaire met en ligne un entretien avec Claude Chollet donnant les détails de l’affaire. Que tous ceux qui nous ont soutenus soient ici vivement remerciés. Merci aussi aux donateurs qui nous ont envoyé quelques subsides.
Acte V, marche arrière de Facebook ?
Pif, paf, pouf, sans crier gare le 30 juillet dans la matinée, Facebook rétablit les partages vers la lettre de lecteur habillant pour l’été notre ami Duhamel. Aucune explication du réseau social pour la suppression puis le rétablissement des contenus supprimés. Simple avertissement ? Pression des internautes ? Erreur d’un sous-fifre zélé réparée par un superviseur ?
Enseignements à retenir
Dans Retour sur le meilleur des mondes, publié en 1958, l’écrivain anglais Aldous Huxley constatait que « l’abolition du libre arbitre par le conditionnement méthodique » était à venir. Nous y sommes. La loi Avia – non encore en application – va inciter (sous peine d’amende) les réseaux sociaux à « supprimer les discours de haine et extrémistes » tout en encourageant les internautes à se livrer aux jeux délicieux de la dénonciation. Il y aura, il y a déjà, les discours autorisés et les autres.
Twitter a récemment suspendu par deux fois le compte de la député Emmanuelle Ménard Duverger pour un tweet humoristique sur la harpie suédoise Greta Thunberg. Les réseaux sociaux font déjà et feront encore plus du préventif de manière massive. Leurs « valeurs » sont d’abord financières et leur pseudo morale n’est pas éloignée de celle du monde libéral-libertaire mondialisé. Nous devons nous attendre donc à plus de tentatives de censure, encouragées par la loi Avia et alia.
Que faire ? Tout d’abord travailler sérieusement. Contrôler nos sources, reconnaître nos erreurs quand il y en a, produire du contenu de qualité. Ensuite réagir immédiatement en cas de censure. Si une censure se produit, protester publiquement. Les réseaux sociaux censurent mais n’aiment pas que cela se sache. En deux mots, soyons professionnels et solidaires.
Passez un bel été.
Claude Chollet
Président de l’Ojim