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Changements à venir à Libération et La Provence

18 mai 2020

Temps de lecture : 6 minutes
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Changements à venir à Libération et La Provence

Temps de lecture : 6 minutes

Les remous de Presstalis, la crise sanitaire, les procédures de justice accélèrent la transformation vers plus de numérique des quotidiens, tant nationaux que provinciaux, et vont entraîner des modifications capitalistiques dont certains pourraient profiter. Par exemple à Libération et à La Provence.

Libération : Patrick Drahi jette l’éponge

Trop c’est trop. Patrick Drahi avait racheté le jour­nal en 2014 pour se faire une vir­ginité poli­tique lors du rachat de SFR. Tancé par le min­istre de l’économie de l’époque, citoyen fran­co-israélien qui avait essayé de renon­cer à sa nation­al­ité française, rési­dent fis­cal suisse, il fal­lait faire un geste de bonne volon­té : ce fut le rachat du titre en décon­fi­ture à Édouard de Roth­schild qui ne voulait plus remet­tre au pot.

Après bien des psy­chodrames, des grèves, des crises de nerf, le bateau Libéra­tion n’était tou­jours pas à flot. Certes sa ligne libérale lib­er­taire n’était pas en cause, mais plus sim­ple­ment la désaf­fec­tion des lecteurs. L’accent fût mis avec un cer­tain suc­cès sur le dig­i­tal, mais avec des résul­tats tou­jours insuff­isants pour par­venir à l’équilibre, d’autant que le coro­n­avirus et Presstal­is s’y sont mis à deux pour com­pli­quer les choses. Alors, com­ment met­tre fin à l’hémorragie ? On met le bébé à l’orphelinat, sous forme d’une fondation.

Une fondation sous influence d’Altice

Dans un cour­riel interne con­sulté par l’AFP le 14 mai 2020, le groupe de Patrick Drahi pré­cise : « Cette nou­velle struc­ture garan­tit à Libéra­tion sa totale indépen­dance édi­to­ri­ale, économique et finan­cière » et ajoute « Les droits actuels de la rédac­tion seront inté­grale­ment main­tenus et garan­tis ». Une trans­for­ma­tion qui déclenche automa­tique­ment l’ouverture d’une clause de ces­sion, un dis­posi­tif qui per­met des départs volon­taires de jour­nal­istes dans des con­di­tions économiques favor­ables… et un dégrais­sage des effectifs.

Les dettes seraient apurées et la société pro­prié­taire du titre serait trans­férée à une « fon­da­tion », société à but non lucratif. Altice s’est engagé à « dot­er sub­stantielle­ment ce fonds de dota­tion pour per­me­t­tre à Libéra­tion de rem­bours­er l’intégralité de ses dettes mais aus­si de lui don­ner, pro­gres­sive­ment, les moyens néces­saires au finance­ment de son exploita­tion future et ain­si garan­tir son indépen­dance à long terme ».

Coup double pour Drahi et opportunité pour d’autres

Les dettes de Libéra­tion sont estimées à 45/50M€ ce qui n’est pas rien. Mais les per­spec­tives sont som­bres, la dette ne peut que s’alourdir, autant s’en débar­rass­er une fois pour toutes, don­ner une avance pour sur­vivre quelque temps et ne plus avoir ce poids pour un groupe très large­ment endet­té. Après s’être débar­rassé de L’Express, Drahi fait coup dou­ble : il s’enlève un deux­ième poids mort et fait risette aux ana­lystes financiers qui obser­vent ses dettes avec inquié­tude. Avan­tage poli­tique sup­plé­men­taire, le groupe — qui reste pro­prié­taire de l’ensemble BFM/RMC — se drape dans une posi­tion de grand seigneur, garant de l’indépendance de la presse, tout en met­tant ses pio­ns dans le con­seil d’administration. Une fon­da­tion « indépen­dante » est dirigée par un con­seil d’administration et ce sont des hommes et des femmes bien réels qui y siè­gent, avec leurs pro­pres orientations.

Ce sont eux qui nom­ment le directeur de la rédac­tion, et choi­sis­sent les prin­ci­paux jour­nal­istes ou a min­i­ma met­tent un veto. Le départ de Lau­rent Jof­frin en tant que directeur de la rédac­tion (qui con­serverait son édi­to­r­i­al) est déjà annon­cé pour la fin de l’année 2020 et celui du co-gérant Clé­ment Delpirou est acté encore plus tôt, dès la mi-juin. L’année 2020, c’est avant 2021, cette dernière avant 2022 aurait dit Mon­sieur de La Pal­ice, une année élec­torale fort incer­taine. Libéra­tion ne représente plus grand-chose sur le plan des ventes, mais le titre garde une influ­ence réelle sur une par­tie du monde bobo des grandes villes, un act­if élec­toral. La com­po­si­tion du con­seil d’administration et la per­son­nal­ité de son prési­dent seront donc à suiv­re de près.

Comme le dit gen­ti­ment le com­mu­niqué : Patrick Drahi « con­tin­uera, per­son­nelle­ment, d’accompagner l’avenir de Libéra­tion », et les pre­miers admin­is­tra­teurs de la future fon­da­tion sem­blent aller dans ce sens. Out­re Lau­rent Jof­frin, on y trou­vera déjà Arthur Drey­fuss (le directeur général d’Altice Média) et Lau­rent Hal­i­mi (directeur des fusions acqui­si­tions d’Altice Europe), les autres seront nom­més plus tard. Nul doute qu’Emmanuel Macron et son entourage suiv­ront d’un œil atten­tif la nom­i­na­tion des futurs administrateurs.

La Provence dans l’incertitude

Après le juge­ment du tri­bunal de com­merce de Bobigny prononçant la liq­ui­da­tion des sociétés de Bernard Tapie l’incertitude règne au quo­ti­di­en mar­seil­lais dont vous pour­rez trou­ver l’histoire ici.

400 millions d’euros à rembourser

Dans l’interminable feuil­leton qui l’a opposé au Crédit Lyon­nais, Tapie avait obtenu en 2008 plus de 400M€ qu’il faut main­tenant rem­bours­er, mais avec quels act­ifs ? Par­mi ceux-ci les 89% de parts que détient l’homme d’affaires dans le groupe de presse du sud. Le PDG de la société éditrice, Jean-Christophe Ser­fati fait le fier à bras (on est sur la Canebière) en affir­mant ne pas avoir d’inquiétudes, pou­voir assur­er les salaires, repren­dre ses dix édi­tions réduites pro­vi­soire­ment à qua­tre et atten­dre sere­ine­ment les aides de l’État suite au coronavirus.

La mariée est plutôt jolie, Xavier Niel comme fiancé ?

Dans une ville où à la fois le Rassem­ble­ment nation­al et la France insoumise font de bons scores, dis­pos­er d’une influ­ence sur un quo­ti­di­en dif­fu­sant chaque jour une cen­taine de mil­liers d’exemplaires par jour peut aigu­is­er des appétits. Un liq­ui­da­teur judi­ci­aire n’a pas encore été nom­mé pour les sociétés de Tapie et son appel (non sus­pen­sif) va ralen­tir un peu le proces­sus, met­tons un an pour y voir clair, vers l’été 2021.

Et qui, hors Tapie détient les 11% du cap­i­tal de la société éditrice ? Notre ami Xavier Niel (son info­gra­phie). Déjà action­naire de référence du groupe Le Monde et déjà pro­prié­taire à 100 %, depuis févri­er 2020, du groupe Nice-Matin (Nice-Matin, Var-Matin, Mona­co-Matin). Faisons les addi­tions : les deux groupes réu­nis (Nice-Matin plus La Provence) domin­eraient tout le quart sud-est de la France, une belle prise de guerre pour l’élection prési­den­tielle de 2022 où l’on a du mal à imag­in­er Xavier Niel (gen­dre de Bernard Arnault qui con­trôle Les Échos et Le Parisien Aujourd’hui en France) vot­er Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon…

Voir notre vidéo sur les appétits de Xavier Niel dans la presse quotidienne régionale

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