Trois semaines avant d’être tragiquement abattu le 7 janvier par les islamistes Saïd et Cherif Kouachi, le directeur de Charlie Hebdo, Stéphane Charbonnier, alias Charb, avait lancé un appel aux dons tant le titre satirique était sur le fil. Le manque de succès de l’opération tranche avec l’extraordinaire élan de solidarité déclenché envers l’Hebdo. Ce dernier se soldera par l’entrée de plusieurs millions d’euros dans les caisses exsangues de la SARL de presse les Éditions rotatives, qui publient le titre.
30 000 petits euros. Les premiers résultats de la souscription lancée mi-novembre pour renflouer les caisses n’étaient pas à la hauteur des espérances des dirigeants de Charlie Hebdo. En novembre 2011, lors de l’incendie des locaux par les fous d’Allah, ils avaient récupéré dix fois plus. Cette manne leur avaient permis de déménager et de s’installer dans de meilleures conditions, plus sécuritaires en principe. En perte de 100 000 euros en 2014 pour un chiffre d’affaires de cinq millions d’euros, Charlie Hebdo avait fini par lasser ses lecteurs, contraints d’assurer ses fins de mois. En cause, un modèle économique déclinant et encore largement marqué par le print. Faute de capacité d’investissement, mais aussi d’appétence pour le numérique, l’hebdomadaire satirique accusait un retard important sur les nouveaux médias.
Désormais, le titre pourra largement se développer grâce aux millions d’euros qu’il va récolter. D’une part, les dons récoltés auprès des lecteurs par le biais de l’association Presse & pluralisme s’élevaient au 14 janvier à un million d’euros. Ils dépasseront largement ce chiffre dans quelques semaines, tant les dons continuent à affluer. D’autre part, le numéro 1178, sorti ce même 14 janvier, a été tiré à plus de cinq millions d’exemplaires. Le produit de la vente sera entièrement reversé à Charlie Hebdo, sans aucune commission perçue de la part des Messageries lyonnaises de presse et des kiosquiers. 110 000 abonnements ont par ailleurs été souscrits en une semaine. Charlie Hebdo, qui vivotait à 30 000 exemplaires au total en moyenne, est devenu un poids lourd de la presse !
Ce changement d’ère n’est pas seulement économique. Le titre dispose aussi à présent d’un capital de sympathie exceptionnel. Ce n’était pas le cas il y a encore quelques mois. Si le lectorat était confidentiel, les politiques, de droite comme de gauche, n’aimaient guère Charlie Hebdo non plus. Trop provocateur. Ainsi, en 2006, Jacques Chirac avait condamné la parution de douze dessins sur Mahomet dans l’Hebdomadaire. François Hollande n’appréciait pas non plus ce titre, générateur de troubles potentiels auprès des musulmans de France. Tous sont à présent au coude à coude après avoir peu soutenu, voire critiqué, en son temps Charlie Hebdo.
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— Claude Chollet (@ClaudeChollet) 16 Janvier 2015