Il existe d’excellents journalistes observateurs de l’actualité des médias. Si toute la presse parle des élections de mi-mandat de novembre 2018 (dont nous ne connaissons pas les résultats à l’heure où cet article est écrit), peu s’intéressent à l’écosystème des médias aux États-Unis. Un remarquable article de Chloé Woitier du Figaro du 5 novembre s’y consacre, nous en extrayons quelques passages particulièrement intéressants.
Qualité éditoriale en berne
La journaliste prend l’exemple d’un certain nombre de titres du groupe de presse Gannett. Gannett propriétaire du premier quotidien national USA Today, possède une centaine de journaux régionaux aux États-Unis. Le groupe est également présent en Angleterre et en Écosse. Les lecteurs de la presse régionale américaine contrôlée par Gannett qui ouvriront leur journal le mercredi 7 novembre 2018 au matin ne trouveront que très partiellement les résultats des élections de la veille. Ainsi les lecteurs des Reno Gazette-Journal, Arizona Republic, Indianapolis Star et bien d’autres seront privés d’information. Pourquoi ? Le groupe Gannett a annoncé à l’ensemble de ses rédactions que « Le dernier article pourra être envoyé au maximum 45 minutes après la clôture du scrutin », bien trop tôt pour des commentaires réfléchis et dans certains cas trop tôt pour annoncer les noms des élus locaux.
La raison de cette célérité ? Officiellement pousser les lecteur âgés à consulter le résultats sur le site internet de leur journal, gratuit pour l’occasion. En réalité boucler le journal après minuit et augmenter la pagination représentent un surcoût que Gannett ne veut pas supporter. D’autant que la société est également propriétaire d’une bonne vingtaine de chaines locales de télévision qui peuvent voir augmenter leur audience.
Déserts médiatiques et journaux fantômes
Une étude récente (octobre 2018) de l’université de Caroline du Nord nous apprend que « Sur les 3143 comtés des États-Unis, près de 200 n’ont pas de journal local, quelle que soit sa périodicité. 1500 comtés n’ont qu’un seul titre, bien souvent un hebdomadaire. Et plus de 2000 n’ont aucun quotidien local…Ces déserts médiatiques touchent les citoyens les plus vulnérables. Ils sont souvent plus pauvres, plus âgés et moins éduqués que l’Américain moyen.» Sont ainsi concernées les lointaines banlieues (1.300 fermetures de journaux depuis 2004) mais aussi les zones rurales (500 fermetures) » (cité par l’auteur de l’article ).
Presque pire, l’étude « dévoile aussi le phénomène des «journaux fantômes», ces publications locales qui, au fil des années, sont devenues des carcasses vidées de leur substance journalistique. Ces médias, qui ont dû licencier en masse ces quinze dernières années, ont été transformés en d’inoffensives publications lifestyle ou en de simples supports publicitaires. » Une grande partie des américains vont ainsi voter sans disposer dans leur journal local d’informations sur les véritables enjeux de la consultation électorale. Sans que l’on sache vraiment à quel camp cette lacune peut profiter.