Depuis quelques semaines, la rumeur enfle : un nouveau confinement serait prochainement imposé aux Français. Dans la stratégie du gouvernement pour préparer le terrain à cette décision radicale, les médias de grand chemin sont de précieux alliés.
La nécessaire fabrication du consentement
Pour un gouvernement, décider de « confiner » la population est une décision difficile à prendre. L’activité économique et sociale de la société est lourdement affectée par un confinement de la population et les conséquences immédiates et différées sont nombreuses. Le principe même du confinement ne fait pas l’unanimité. Certains pays ne l’on pas appliqué alors que d’autres ont pratiqué un confinement laissant une assez grande autonomie aux citoyens. Tel n’a pas été le choix du gouvernement français en mars et novembre 2020 qui a assigné partiellement à résidence les 66 millions de Français, hormis pour les activité essentielles.
Mais alors que les enjeux de tous ordres sont très importants, le confinement que le gouvernement pourrait imposer pour la troisième fois en un an fait peu débat en France. Il est vrai que les médias de grand chemin sont de précieux alliés dans la stratégie « sanitaire » du gouvernement. Illustration.
Les préliminaires
Les chaines d’information en continu donnent fréquemment la parole à des professionnels de santé. Parmi ceux qui s’expriment au micro des journalistes ou lors des débats télévisés, nombreux sont ceux qui militent pour que le gouvernement organise un nouveau confinement en ce début d’année 2021.
Pour ne citer qu’un des médias bien placés parmi ceux-ci, BFMTV est en pole position.
Dès le 26 décembre, la chaine d’information en continue relaie l’information selon laquelle « un médecin réanimateur appelle à un reconfinement strict dès le 26 décembre ». Le médecin réanimateur, c’est le professeur Djillali Annane, qui se répand sur les plateaux de télévision pour exprimer ses convictions en faveur du confinement.
Le 11 janvier, BFMTV mentionne « une tribune (dans laquelle) des médecins estiment qu’un reconfinement mi-janvier est “à craindre” ».
On semble pris dans un entonnoir qui nous conduit vers une unique issue. Le 13 janvier, il ne s’agit plus que de répondre positivement à l’angoissante question : « Pourrons-nous échapper au troisième confinement ? ».
Le 22 janvier, la chaine enfonce le clou. Quand elle pose la question de savoir si « un 3e confinement est inévitable. Ce qu’en pensent les médecins », on connait déjà la réponse, déjà contenue dans la question et compte tenu du panel de professionnels de santé retenu.
Pour résumer la situation, Anonyme citoyen publie sur Twitter quelques articles de médias qui illustrent son propos :
https://twitter.com/AnonymeCitoyen/status/1353280381391413248
Les petites phrases
Dans leur stratégie de communication, les membres du gouvernement préparent également le terrain en lâchant des « petites phrases » auprès des journalistes. Il s’agit d’accoutumer l’opinion publique à une décision difficile à accepter.
Le ministre de la santé n’en est pas avare. Le 22 janvier, au journal de TF1, il indique ne pas exclure un reconfinement, nous apprend Medscape, un site de formation médicale continue. Une information qu’il avait laissé fuiter dès le 27 décembres selon Capital.
Le premier ministre n’est pas en reste : « Jean Castex n’écarte pas l’hypothèse d’un troisième confinement », nous apprend Le Point le 12 janvier. On pourrait multiplier les exemples.
Les opposants au confinement tournés en dérision
Mais la stratégie ne serait pas complète si elle laissait prise à des arguments opposés au confinement. Par conformisme ou par conviction, certains médias de grand chemin rivalisent d’énergie pour tourner en dérision les opposants au confinement.
Florian Philippot, l’ancien numéro 2 des Rassemblement national parti aux Patriotes, est très en pointe dans l’opposition au confinement. Il organise des manifestation à Paris et en province tous les samedi contre la « coronafolie ». Il est assez fréquemment invité sur le plateau de C New. Pour qualifier un échange houleux avec la porte-parole de LREM, GQ Magazine estime le 20 décembre que Florian Philippot se serait fait « atomiser ». Les arguments auraient donc la même valeur définitive que l’arme atomique. Singulière présentation du débat d’idées proche de l’anéantissement.
Le journal de Bernard Arnault, le très Macron-compatible Le Parisien rivalise d’ingéniosité dans cet exercice. Le 23 janvier, c’est dès la question posée en titre d’un article que le sort de certains opposants au COVID ‑19 est réglé : « Comment les souverainistes profitent du Covid pour se faire entendre ».
On aura compris que les politiques qui critiquent la stratégie du gouvernement le font par calcul électoral. S’ils sont sincères, ce sont des huluberlus. La preuve ? François Asselineau préconise du miel pour traiter le Covid, apprend-on en conclusion de l’article. Un résumé un peu (carrément) lapidaire pour qui se donne la peine de regarder les nombreuses vidéos que l’homme politique a consacré au sujet sur sa chaine YouTube, avec parfois une audience considérable.
La révolte populaire passée sous silence
Un autre aspect de l’omerta médiatique est le black-out quasi-total sur la révolte et l’opposition populaire à un nouveau confinement et aux restrictions d’activité.
Avez-vous entendu parler du refus de l’ancien président de Sud radio, Didier Maisto de se plier à un nouveau confinement, une position qu’il a présentée au micro de Jean-Marc Morandini, mais qui a été fort peu relayée ?
Avez-vous entendu parler des actions juridiques contre les restrictions de liberté initiées par le leader de Via, Jean-Frédéric Poisson ? Ou par le cercle des juristes Droit et liberté ?
Avez-vous entendu parler du Hashtag #JeNeMeReconfineraiPas, pourtant très populaire sur Twitter le dimanche 24 janvier ?
Avez-vous entendu parler dans les médias de grand chemin et à une heure de grande écoute du mouvement de restaurateurs, qui annoncent ouvrir leur restaurent le 1er février ?
Avez-vous entendu parler des théâtres qui annoncent ouvrir leurs salles pendant 1 heure le 30 janvier, pour protester contre leur fermeture ?
Avez-vous entendu parler, hormis sur les médias alternatifs, comme TV Libertés, Le média pour tous ou Place gre’net, des manifestations contre le confinement et les restrictions de liberté ? Peut-être un peu, peut-être pas du tout au vu du peu de retentissement qu’ont eu ces initiatives.
Des questions sans réponses
Les mesures imposées par le gouvernement seraient sans doute plus acceptées si les médias menaient un véritable travail d’investigation sur les différents aspects de la stratégie sanitaire pour lutter contre le coronavirus.
Les urgences sur le point de saturer ? Quel média a fait un point précis sur le nombre de lits supprimés depuis le début de la pandémie malgré les engagements de ministre de la santé d’y sursoir ? Le Canard enchainé a fait une ébauche de ce travail. On aimerait le voir complétée.
Quid de la stratégie sanitaire menée dans certains pays asiatiques (le Japon, etc.) qui a permis d’avoir un nombre réduit de décès dus au coronavirus ?
Quel média fera enfin une présentation détaillée des autres modes de confinement dans le monde, qui risquerait de mettre en avant son caractère profondément liberticide en France ?
Etc.
Dans cette surabondance d’informations et dans ce manque cruel d’informations pertinentes, signalons la louable initiative de Nice-Matin qui a publié le 16 janvier une analyse sur la surestimation par Santé publique France du nombre de malades du COVID, par rapport aux données des hôpitaux publics du département des Alpes maritimes. N’oublions pas que le nombre de patients aux urgences est le seul indicateur qui sert à mettre la société à l’arrêt. On croit rêver.
Un véritable travail d’investigation qui peut susciter le débat public. Un débat qui semble jusqu’à maintenant confisqué en dépit de la surabondance de joutes verbales sur les plateaux de télévision…