Pierre-Antoine Plaquevent est connu de nos lecteurs pour avoir écrit le seul livre disponible en français consacré à George Soros, Soros et la société ouverte, métapolitique du globalisme, (Le Retour aux sources éd, 2018, 366p, 25€) dont nous avions publié les bonnes feuilles au moment de sa parution. C’est en tant que fondateur de Strategika que nous l’avons rencontré.
Pierre-Antoine Plaquevent, pouvez-vous nous présenter Strategika ?
Strategika (strategika.fr) est à la fois un groupe de recherche (think tank), un cabinet de conseil en géopolitique et un projet éditorial qui publie les recherches d’analystes et de politologues indépendants. Notre action et notre réseau se développent au sein d’un écosystème international aux côtés d’initiatives telles que le forum non-aligné de Chișinău en Moldavie. Strategika se propose de tracer une voie d’indépendance et de coopération internationale face aux narrations géostratégiques imposées par l’unipolarité déclinante. En tant que think tank, Strategika se donne pour but d’orienter les acteurs politiques et stratégiques dans le contexte des reconfigurations des équilibres en cours dans le domaine des relations internationales.
Dans le cadre de mes activités auprès de Strategika, je suis chargé de piloter notre programme de veille stratégique des ONG et des acteurs clefs du globalisme intitulé Soros Watch. Cette veille de l’activité des réseaux globalistes nous permet de procurer à nos lecteurs et à nos partenaires toutes les informations disponibles sur les activités des ONG et des acteurs du globalisme en temps réel.
Vous consacrez une veille à George Soros et son influence, n’est-ce pas de l’acharnement ?
Je ne crois pas, il faut toujours garder en tête les moyens dont disposent les réseaux Soros pour comprendre l’intérêt d’examiner en détail leurs activités. Pour 2020 le budget officiel de l’OSF (Open Society Foundations) de George Soros est de 1.2 milliards de dollars. Les dépenses totales de l’OSF depuis sa création sont estimées quant à elles à plus de 15 milliards de dollars pour ses trois décennies d’activité. Cela donne une idée de l’ampleur des moyens dont dispose le réseau Open Society Foundations. George Soros a fait don à l’OSF depuis 1984 d’au moins 32 milliards de dollars sur sa fortune personnelle si on inclut les derniers 18 milliards de dollars qu’il a légués en 2017. Une manne financière qui permet d’influencer directement les politiques des États.
Je rappelle à titre d’exemple le rôle que jouent les ONG liées à l’Open Society dans la gestion catastrophique de la question migratoire par l’Union européenne depuis des années. Le budget que l’Open Society consacrait à la seule question migratoire en 2018 était de 63,3 millions de dollars. En septembre 2016, George Soros promettait d’investir 500 millions de dollars de placements en actions dans des investissements qui bénéficient aux migrants. Mais Soros ne s’est pas contenté de soutenir les ONG qui militent pour la réinstallation des migrants du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord en Europe, il a aussi contribué personnellement à l’élaboration du « Plan Merkel », un plan conçu par l’ESI (European Stability Initiative), dont le président, Gerald Knaus, est membre de l’OSF. Selon ce plan, l’Allemagne accordera l’asile à 500 000 réfugiés syriens. Gerald Knaus est aussi membre de l’ECFR — European Council on Foreign Relations — auquel je consacre l’un des dossiers que j’ai réalisés pour Strategika.
En illustration de la manière dont les réseaux Soros manipulent cyniquement l’immigration clandestine on pourrait rappeler ceci : en 2015, sur l’île grecque de Lesbos, un reporter de Sky News avait mis la main sur un véritable mini-guide de voyage du réfugié. Un fascicule qui contenait des cartes, des numéros de téléphone et des adresses d’organisations susceptibles d’aider les réfugiés. Plusieurs parcours européens y étaient détaillés ainsi que les démarches à suivre pour arriver à destination. Les centres de filtrage des migrants y étaient également indiqués. L’illustration de la brochure montrait un homme regardant vers la mer. Ces manuels, rédigés en arabe, avaient été remis aux réfugiés avant leur traversée de la Méditerranée par un groupe appelé w2eu (Welcome To Europe), un réseau directement financé par l’Open Society et lié aux réseaux européens des militants « no borders ».
Au moment où j’écris ces lignes, les ONG globalistes sont toujours actives pour aider les migrants en provenance de Turquie et les aider à forcer les frontières de l’UE. Comme je l’écrivais dans mon livre Soros et la société ouverte, un vaste réseau transnational permet ainsi aux ONG globalistes de s’ingérer à tous les niveaux de la crise migratoire. À la source, par exemple en Syrie avec les accusations de crime contre l’humanité que l’association Human Rights Watch porte régulièrement contre l’État syrien depuis le début de la guerre. Puis tout au long de la route des migrants par un maillage d’ONG « humanitaires » qui viennent assister les migrants à chaque étape de leur trajet et enfin en Europe même par les aides juridiques qu’apportent les ONG aux migrants. Mais aussi par les pressions médiatiques et politiques visant à faire accepter les transferts massifs de populations allogènes aux populations natives-européennes. Cela au travers de réseaux et d’associations chargées d’encadrer le discours médiatique sur la question migratoire et de faire pression sur la société civile et les gouvernements.
Une initiative comme Soros Watch est donc plus que jamais nécessaire.
L’hebdomadaire Valeurs Actuelles a consacré un dossier à l’infiltration des réseaux Soros à la CEDH, la Cour Européenne des Droits de l’Homme, en quoi ce noyautage est-il inquiétant ?
Le rapport réalisé par Gregor Puppinck, président du European Centre for Law and Justice (ECLJ), a révélé au grand jour quelque chose qui est bien connu des milieux politiques européistes, à savoir la collusion idéologique entre la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et certaines ONG dont particulièrement l’Open Society Foundations de Georges Soros. L’excellent travail de Gregor Puppinck montre qu’un nombre important de personnes issues de l’Open society sont devenues juges à la CEDH. Ce noyautage est typique des relations incestueuses qu’entretiennent certaines fondations et ONG globalistes influentes avec les institutions internationales. Au-delà de la seule CEDH, c’est sur l’ensemble des institutions européennes que s’exerce l’influence des réseaux Soros. Ceci au travers de différents organes de pression dont l’un des plus importants est l’ECFR – European Council on Foreign Relations, un groupe de réflexion et d’influence européiste de haut niveau fondé sous l’impulsion de George Soros et financé avec l’aide de l’Open Society Foundations. L’ECFR est la version européenne du célèbre Council on Foreign Relations (CFR) créé par les banquiers Rockefeller et JP Morgan en 1919 dont fait aussi partie George Soros et qui peut être considéré comme l’une des instances les plus influentes de la puissance impériale américaine depuis un siècle. L’ECFR rassemble quant à lui des membres influents de la politique, des affaires, des médias et du monde militaire européen. Parmi ceux-ci on retrouve George Soros et son fils Alexander Soros ainsi qu’un panel impressionnant de personnalités politiques européennes. Pour la France on peut citer entre autres l’ancien ministre des affaires étrangères Bernard Kouchner, le Ministre de l’Économie Bruno Le Maire ou encore le précédent commissaire européen aux affaires économiques, Pierre Moscovici.
Au sein de l’ECFR on retrouve aussi Shahin Vallée, personnage peu connu du grand public auquel je consacre un dossier sur Strategika. Shahin Vallée fût auparavant conseiller économique d’Herman Van Rompuy puis celui d’Emmanuel Macron quand celui-ci était Ministre de l’économie ; depuis 2015 il travaille pour le Soros Fund Management. Comme George Soros avant lui, il est issu de la London School of Economics, cette pouponnière de l’élite de l’anglosphère qui fût fondée en 1895 par plusieurs membres de la célèbre Société fabienne (Fabian Society). Shahin Vallée fût celui par qui le contact entre LREM et le Mouvement 5 étoiles continuait de se maintenir lors des tractations entre la Lega de Matteo Salvini et le M5s en 2018. Le but était alors de ne pas se couper des éléments européistes et globalistes du M5s. Cette stratégie s’avérera payante puisque le M5s bloquera systématiquement les actions de Salvini poussant ce dernier à faire exploser la coalition alors au pouvoir afin d’obtenir des élections en août dernier. Action qui s’est soldée par l’échec du pari de Salvini et par la constitution d’un gouvernement Parti Démocrate / Mouvement 5 Etoiles.
Se pencher sur les actions de ce type d’hommes d’influences peu connu du public s’avère fondamental pour comprendre les rouages de la politique réelle, derrière la scène de la politique spectacle.
Comment peut-on trouver Strategika, y a‑t-il une formule d’abonnement ?
Une partie de nos articles est en libre accès et certains de nos dossiers et e‑books sont payants. La vente de nos e‑books et de nos enquêtes ainsi que les dons de nos lecteurs sont les deux ressources principales de Strategika. Notre structure ayant pour spécificité d’être entièrement indépendante et auto-financée, ce qui est assez rare dans le domaine des groupes de recherche en géopolitique et relations internationales. Dans la continuité de mon livre, j’ai rédigé les deux premiers dossiers du programme de veille Soros Watch qui portent respectivement sur l’ECFR – European Council on Foreign Relations ainsi que sur Shahin Vallée.
Vos projets pour l’année 2020
Continuer de développer Strategika à tous les niveaux : analyse et prospective, recherche de partenariats aptes à permettre notre développement, promotion de nos auteurs etc. Nous souhaitons aussi développer notre activité de conseil stratégique en mettant en relation nos chercheurs avec les décideurs intéressés au national et à l’international. En ce sens samedi 29 février 2020 a eu lieu le lancement de l’édition roumaine du livre Soros et la société ouverte à Chișinău. Une présentation qui fût aussi l’occasion de dessiner les contours d’un front populaire international anti-Soros avec la participation de Vladimir Voronin – ex-président de Moldavie et Narek Malian, président du mouvement arménien anti-Soros “Veto“. Une conférence qui coïncidait avec le lancement de la version italienne du livre ce mois-ci. Actuellement je travaille aussi à une nouvelle édition de mon livre en français (actuellement épuisé) ainsi qu’à la rédaction d’une série d’articles de géopolitique et de philosophie politique pour Strategika. Articles qui auront notamment pour thème l’affrontement entre les tendances lourdes qui traversent le système des relations internationales ainsi que la géopolitique des religions et des idéologies. Domaine auquel Strategika a déjà consacré un e‑book que j’ai co-écrit.
Sur le dossier de Valeurs Actuelle consacré au noyautage de la CEDH par les réseaux Soros, voir notre article ici.