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CJF Paris : bienvenue à « l’ENA des journalistes » !

12 août 2023

Temps de lecture : 5 minutes
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CJF Paris : bienvenue à « l’ENA des journalistes » !

Temps de lecture : 5 minutes

Pre­mière dif­fu­sion le 19 avril 2023

Le Centre de formation des journalistes (CFJ) a été fondé en 1946 par deux membres du mouvement de résistance « Défense de la France », Philippe Viannay (qui fut un temps proche de l’Action française) et Jacques Richet, en réaction à « l’effondrement moral de beaucoup de journalistes passés au service de la collaboration ». Voulant asseoir « les valeurs de la résistance » dans la presse et promouvoir « l’indépendance d’esprit et la culture nécessaires à ceux dont le métier est d’informer », l’école se donne pour vocation de former une « élite de volontaires de la liberté ». De nobles intentions qui se déliteront progressivement sous le poids du conformisme idéologique et de la soumission rigoureuse à tous les dogmes du temps.

Étab­lisse­ment d’en­seigne­ment supérieur privé d’in­térêt général depuis 2020, le CFJ est rat­taché à l’u­ni­ver­sité Paris-Pan­théon-Assas après la sig­na­ture d’un con­trat pluri­an­nuel avec l’É­tat fix­ant « les objec­tifs stratégiques de l’étab­lisse­ment pour répon­dre aux pri­or­ités nationales de l’en­seigne­ment supérieur et de la recherche ».

Nom­bre de ses anciens élèves sont devenus des jour­nal­istes de tout pre­mier plan (Bernard Piv­ot, David Pujadas, Flo­rence Aube­nas, Pierre Les­cure…) même si cer­tains con­nais­sent une fin de car­rière plus déli­cate, tel Patrick Poivre d’Ar­vor, passé du Col­isée médi­a­tique à la Roche Tarpéi­enne #Metoo.

Chaque année, env­i­ron un mil­li­er de can­di­dats espèrent imiter ces grands anciens, pour une pro­mo­tion annuelle d’une cinquan­taine de places.

Crises et difficultés financières

Recon­nue par l’État au titre d’établissement d’enseignement tech­nique supérieur le 25 jan­vi­er 1962, l’école assoit pro­gres­sive­ment sa notoriété mais ren­con­tre néan­moins des dif­fi­cultés finan­cières qui aboutis­sent à une crise grave en 1998. À cette date, l’école doit procéder à une impor­tante restruc­tura­tion, à l’ini­tia­tive d’anciens élèves qui créent alors l’association « CFJ-Demain » pour trou­ver des solu­tions de finance­ment afin de per­me­t­tre à l’école d’échap­per à la liq­ui­da­tion. Mal­gré une con­séquente aug­men­ta­tion des droits d’in­scrip­tion, la sit­u­a­tion demeure déli­cate et, en 2002, le groupe CFJ est à nou­veau en dépôt de bilan. Repris par le groupe de for­ma­tion EFE, devenu Abil­ways1, le CFJ est ensuite géré par l’association à but non lucratif « École CFJ » avant d’intégrer l’université Pan­théon Assas. Aujourd’hui dirigée par Stéphanie Lebrun – cofon­da­trice de Babel Press/Babel Doc -, l’école est instal­lée au 210, rue du Faubourg-Saint Antoine dans le 12e arrondisse­ment de Paris. Son diplôme est visé par le min­istère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche depuis 1985 et recon­nu au niveau bac + 5.

Une « Chance » pour la diversité dans les médias

Comme l’intégralité de ses con­sœurs recon­nues par l’État et la « pro­fes­sion », le CJF se veut en pointe sur les ques­tions de pro­mo­tion de la « diver­sité », du moins appar­ente, et de lutte con­tre les « discriminations ».

C’est pourquoi elle sou­tient notam­ment active­ment, depuis sa créa­tion en 2007, la classe pré­para­toire aux con­cours des écoles de jour­nal­isme gra­tu­ite réservée aux bour­siers : « La Chance – Pour la diver­sité dans les médias ». Il s’agit d’un pro­gramme offrant des cours de cul­ture générale, d’anglais, de pré­pa­ra­tion aux oraux à des can­di­dats tit­u­laires d’une bourse gérée par le CROUS. Depuis 2020, les frais d’inscriptions des can­di­dats inscrits aux class­es pré­para­toires « La Chance » sont inté­grale­ment pris en charge par le CFJ et ces class­es préparatoires.

Par ailleurs l’école a mis en place une « mis­sion pour l’égalité femmes – hommes » qui a pour but « l’intégration de ces ques­tions dans la vie de l’école et dans les pro­grammes péd­a­gogiques » ain­si que « la préven­tion du har­cèle­ment sex­uel dans le cadre sco­laire et celui des stages ».

La direc­tion de l’établissement a égale­ment forte­ment (et trop) réa­gi au psy­chodrame de la « ligue du lol », par la mise en place d’une « vig­i­lance de tous les instants », l’ancienne direc­trice, Julie Joly, se mon­trant par­ti­c­ulière­ment vir­u­lente envers cette « meute de cyber-délin­quants » et regret­tant le fait que l’on « demande aux étu­di­ants en jour­nal­isme et en com­mu­ni­ca­tion d’être sans arrêt sur les réseaux soci­aux, créant une hyper­sol­lic­i­ta­tion pour com­mu­ni­quer en petits groupes, où les échanges sont bien plus vir­u­lents que dans la réal­ité » ce qui aboutit, selon elle, à une « délin­quance faisant un usage détourné de nos pro­pres armes que sont ces réseaux. »

La fin des épreuves écrites d’admissibilité

Pour aller encore plus loin dans sa volon­té d’inclusivité et de « recherche de pro­fils atyp­iques », en mars 2018, l’école annonce la dis­pari­tion des épreuves écrites d’admissibilité pour son con­cours d’entrée. Com­posées large­ment de ques­tion­naires à choix mul­ti­ples (QCM) d’actualité et de cul­ture générale, elles sont jugées trop « sociale­ment dis­crim­i­nantes » et favorisant exces­sive­ment le « bachotage » au détri­ment de la « pas­sion » et de « l’engagement civique ». Ces épreuves odieuse­ment rétro­grades sont donc rem­placées par un dossier d’admissibilité, que les can­di­dats doivent rem­plir chez eux, com­posé de vingt-deux ques­tions et divisé en trois par­ties : leur per­son­nal­ité, leur con­nais­sance du méti­er de jour­nal­iste et leur créa­tiv­ité et cul­ture en lien avec l’actualité. Dans cette nou­velle mou­ture de l’admissibilité, jugée large­ment « sub­jec­tive » pour ne pas dire « dém­a­gogique » par cer­tains obser­va­teurs, on trou­ve des ques­tions assez décon­cer­tantes comme celle deman­dant de « décrire un endroit extra­or­di­naire situé à moins de 10 kilo­mètres de chez vous » ou de « laiss­er libre-cours à sa créa­tiv­ité en imag­i­nant l’interview de ses rêves ». On se situe en effet ici non loin des fameuses « rédac­tions à sujet libre » des écoles pri­maires d’antan.

Aux cri­tiques rap­pelant que, avec cette forme de dossier, les can­di­dats peu­vent se faire assis­ter, cor­riger et aider par des tiers, les pro­mo­teurs de cette inno­va­tion répon­dent que «se faire relire, deman­der l’avis des autres, se ren­seign­er auprès d’autrui, mul­ti­pli­er les con­seils, est le principe même de notre méti­er ». La tricherie, base du jour­nal­isme ? On n’ose y croire…

Notes

1Le groupe Abil­ways est une société française inter­venant dans le domaine de la for­ma­tion pro­fes­sion­nelle con­tin­ue qui appar­tient à la famille Mul­liez à tra­vers sa société d’in­vestisse­ment Creadev.

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