Les plus anciens se souviennent du formalisme souvent pesant de la communication des responsables politiques du temps de l’O.R.T.F. jusque dans les années 1970. Les temps et les codes ont bien changé : le “clash” s’invite désormais fréquemment lors d’émissions de radio ou de télévision auxquelles des femmes et des hommes politiques sont invités. Nous revenons sur des passes d’armes intervenues récemment lors du journal du matin de France Inter et de l’émission Face à baba animée par Cyril Hanouna sur C8.
Exercice de repentance pour l’invitée du « 7h50 » sur France Inter
Le 26 octobre, Marion Maréchal était l’invitée du « 7h50 » sur France Inter animé par Léa Salamé. Après avoir posé des questions sur différents sujets d’actualité, la journaliste embraye sur ce qu’il faut désormais appeler l’affaire Lola:
« On vous a beaucoup entendu autour du terrible meurtre de la jeune Lola, avant même qu’elle ne soit enterrée, et contre l’avis de ses parents, vous avez organisé une manifestation où l’on voyait des photos de Lola, votre parti Reconquête a acheté des noms de domaine internet avec le nom de Lola, à tel point que les parents de Lola ont demandé que soit retiré toute utilisation du nom de Lola, l’image de leur enfant à des fins politiques. (…) Jean pierre Elkabbach avait posé cette question en 2015 à Marine Le Pen, je vous la repose Marion Maréchal, n’avez-vous pas honte ? ».
Sans se démonter, Marion Maréchal répond :
« Et vous, ne vous êtes-vous pas trompée de personne, ne devriez-vous pas poser cette question à Gérald Darmanin, parce que celui qui devrait avoir honte aujourd’hui, c’est le ministre de l’intérieur qui indirectement dans ce drame porte quand même une responsabilité, à savoir quand même que le droit français n’a pas été correctement respecté, et qu’une femme qui était illégalement sur le territoire français, frappée d’une obligation de quitter le territoire se trouvait au moment du drame sur le territoire français en toute illégalité et a pu commettre l’acte atroce que nous connaissons ».
Exercice de repentance
Léa Salamé interrompt Marion Marchal en insistant : « avant qu’elle soit enterrée, vous êtes mère de famille ? »
Marion Maréchal poursuit le fil de son raisonnement :
« et je suis d’autant plus choquée de Gérald Darmanin que non seulement il n’a pas honte, mais de surcroit il crache aux yeux de ceux dont je fais partie, qui ont tenté de mettre la lumière sur cette affaire, parce que s’il n’y avait pas eu des gens comme les membres de Reconquête et d’autres d’ailleurs, pour mettre une pression sur le gouvernement, faire parler de ce sujet en dépit de l’injonction au silence, eh bien, ça n’aurait été qu’une ligne de faits divers supplémentaire, dans la presse locale ou la presse nationale (…). En tant que citoyen et en tant que mère de famille de 2 petites filles, merci de me le rappeler, je n’ai pas envie que ce drame se reproduise et il est de mon devoir non seulement de mère mais aussi de responsable politique de dénoncer ce drame et de demander des réponses et de pointer des responsabilités, et aussi c’est vrai, parce que nous avions besoin face à cette émotion et cette colère de nous rassembler en tant que citoyens, nous l’avons fait à Paris en toute dignité, et pardon , et en toute discrétion comme l’ont fait des milliers de Français (..) ».
Marion Maréchal aborde ensuite l’achat d’un nom de domaine internet avec le nom de Lola :
« Moi j’ai trouvé que c’était maladroit, néanmoins cela participe d’une très bonne intention, que vous le vouliez ou nom, à savoir que tous les noms des rassemblements en France soient compilés sur une même page et permette aux Français de se mobiliser un maximum, je ne vois pas ce qu’il y a d’indécent à cela, je vous le dis franchement. Je ne crois pas qu’il y ait quoi que soit à regretter parce que cette pression politique a abouti à ce que le gouvernement et notamment Gérald Darmanin annoncent que dorénavant les personnes de nationalité étrangère qui commettent des crimes sur le territoire français soient expulsés ».
Quoi que l’on pense de l’achat de nom de domaine avec le prénom de Lola dans la période du deuil de la famille, ce qui n’est pas l’élément central du sujet, force est de constater que Léa Salamé a choisi d’aborder le meurtre de la jeune fille sous l’angle d’une supposée « récupération » politique, ce qui a été un leit motiv dans les rangs de la gauche pendant plusieurs jours. Lors de l’interview, le problème que pose la présence irrégulière sur le sol français de l’agresseur n’aura finalement été évoqué que par Marion Maréchal.
Voir aussi : Léa Salamé, portrait
La posture de Léa Salamé cherchant à faire reconnaitre à Marion Maréchal de la honte a été proche de celle du confesseur. Le registre lexical utilisé interpelle également : on n’est plus dans les affaires de la cité mais dans le domaine de la morale.
Il est vrai que Léa Salamé n’en est pas à sa première. Parmi les épisodes les plus mémorables, le 19 septembre 2015, elle interpellait Michel Onfray dans l’émission « On n’est pas couché » pour ne pas avoir dit clairement après la médiatisation de la mort du jeune Alan Kurdi sur une plage turque qu’« il faut accueillir les migrants ». Une nouvelle fois, tant ses paroles que sa gestuelle cachaient mal ses convictions personnelles. Pas question de récupération à l’époque…
Michel Onfray avait développé peu après de façon apaisée ses arguments sur le sujet dans une interview donnée au Figaro au titre explicite : « on criminalise la moindre interrogation sur les migrants ».
La récente controverse autour des propos du député Grégoire de Fournas au parlement semble en être une nouvelle confirmation.
Face à Baba, autre ambiance
Autre plateau, autre ambiance sur C8 lors de Face à Baba. A l’occasion de la présence le 21 octobre de Gérald Darmanin à l’émission que Cyril Hanouna anime, un échange entre la journaliste du Média Nadiya Lazzouni et le ministre de l’intérieur était organisé.
Nadiya Lazzouni prend appui sur une déclaration passée attribuée à Gérald Darmanin sur l’islam, qui serait « un problème » pour lui dire : « Moi ce que je pense c’est que c’est la conception violente de votre politique qui est un problème ».
Gérald Darmanin récuse la paternité de la citation qui lui est attribuée et menace : « si vous ne retirez pas ces propos je vous attaquerai en diffamation ».
Puis Gérald Darmanin critique la comparaison faite par Nadiya Lazzouni entre ce qui se passe en Iran et ce qui se passe en France : « La politique qui est menée ici en France, c’est exactement le pendant de l’Iran ». Nadiya Lazzouni s’explique : « je ne parle pas des actes, je parle du raisonnement. (…) ».
Puis réagissant aux critiques de Gérald Darmanin, : « je peux aussi peut-être vous attaquer pour diffamation. Vous travestissez mon propos Monsieur Darmanin ».
L’avenir dira si ce débat entre le ministre de l’intérieur et la journaliste du Média va finalement se terminer au tribunal. D’autres suites judiciaires pourraient suivre. En effet, des personnalités ont réagi sur Twitter aux échanges tendus lors de Face à baba, notamment Nadine Morano, l’imam Hassan Chalghoumi et Gilles Platret, un maire membre des LR.
Nadiya Lazzouni a assemblé leurs réactions dans un Tweet. Sur Instagram elle annonce :
« Je vous remercie d”avoir massivement dénoncé les insultes de personnes publiques qui, manifestement, se pensent au-dessus des lois. J’ai confié le soin à mon avocate @me_hassairy de déposer plainte contre Nadine Morano, Hassan Chalghoumi et Gilles Platret pour diffamation et injure publique, et Albert Nollet de Riposte laïque pour diffamation, injure publique, incitation à la haine raciale et à la discrimination. Ensemble, ils ont contribué à nourrir la vaste campagne raciste et de dénigrement qui a débuté il y a 10 jrs. L’adresse de mon domicile a de nouveau été publiée. Il faut croire que les soutiens de notre ministre de l’intérieur ont un sérieux problème avec la liberté d’expression et le débat contradictoire. Vous constaterez ainsi que l’ex Secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations approuve, par son ” like “, des propos constitutifs d’infraction pénale. (…)».
Ces deux joutes verbales sont un nouvel exemple du changement au fil des années de la communication des responsables politiques. Autrefois organisée dans la verticalité et limitée à des échanges avec les journalistes où chaque mot était pesé, cette communication se déploie dans des émissions d’infotainment, où sont organisés des échanges verbaux sur le vif, parfois dans un registre émotionnel. La course à l’audimat n’est jamais loin. Dans ce contexte, sur les plateaux, les studios ou sur les réseaux sociaux, la recherche de la phrase qui fait mouche est fréquente. Au point parfois de finir sur le bureau du procureur ou au tribunal. Signe également de la judiciarisation de la société, qu’avait en son temps déjà pressenti le défunt et regretté Philippe Muray. Ambiance, ambiance…