Livre Noir a publié le 16 octobre 2023 un entretien avec Claude Chollet, Président de l’Observatoire du journalisme (OJIM). Nous en publions des extraits, l’entretien complet se trouve en lien à la fin.
Pouvez-vous nous présenter l’Observatoire du journalisme ?
La mission de l’Observatoire du journalisme (Ojim), créé en 2012, est de « vous informer sur ceux qui vous informent. » L’information n’est pas un produit brut, c’est un produit transformé par des artisans (qui sont parfois des artistes, dans le bon comme dans le mauvais sens), les journalistes. Il est impossible de rendre compte de la totalité du réel, le journaliste doit donc sélectionner, hiérarchiser, mettre en scène.
Dans ce domaine l’objectivité n’existe pas, les journalistes comme tout un chacun ont une histoire, une culture, des convictions, ils ne peuvent être « objectifs » comme le serait une caméra ou un robot, ce qu’on doit leur demander c’est l’honnêteté et là il y a du travail, beaucoup de travail. À cet égard, le prisme libéral libertaire (des Échos à Libération en passant par toutes les nuances, sur TF1 comme sur France Télévisions) domine le monde du journalisme. Partial et partiel, il rend de moins en moins compte du réel, il occulte, il censure, il trompe à des degrés divers, pas toujours à 100% (ce serait trop visible) mais de manière constante. Il recrée un réel à son prisme idéologique…
… Rima Abdul-Malak, ministre de la culture, avait déclenché une onde de choc dans la sphère médiatique en menaçant CNews et C8 concernant le renouvellement des fréquences. Pouvons-nous qualifier cette sortie, après coup, de crise de l’État de droit ?
Je ne suis pas qualifié pour juger si cette sortie manifeste une crise de l’État de droit. Par contre il est facile de voir une manœuvre politique d’envergure derrière ces déclarations qui vont dans le même sens que celles d’Aymeric Caron. Xavier Niel, actionnaire partiel ou propriétaire du Monde, L’Obs, Télérama, Nice-Matin, France-Antilles etc, s’était manifesté pour la reprise de la fréquence de M6 en 2023. Insuffisamment préparé, il a échoué et M6 a gardé sa fréquence. Mais son véritable objectif c’est 2025 où les fréquences de Vivendi, C8 et CNews, sont à renouveler. 2025 + 2 = 2027, l’année de l’élection présidentielle ; Xavier Niel (et son beau-père Bernard Arnault, LVMH, Les Échos, Le Parisien) savent compter. Les successeurs d’Emmanuel Macron sur la même ligne aussi. Les grandes manœuvres ont commencé et tous les coups sont permis pour affaiblir Bolloré qui joue moins le jeu libéral libertaire que les autres…
…Quels sont les principaux dangers pesant sur la liberté de la presse française selon vos analyses ?
Ce ne sont pas des dangers futurs, ce sont des réalités immédiates et concrètes. Les lois dites anti-racistes et mémorielles (Pleven, Gayssot, Taubira etc) ont été votées par la droite ou la gauche et renforcées par la gauche et la droite. C’est Nicolas Sarkozy qui a créé la Dilcrah, la néfaste Délégation interministérielle contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti LGBT dont le rôle essentiel est de pousser à la censure. Les réseaux sociaux ont permis de souffler pendant dix ans, en gros entre 2006 et 2016. Depuis cette année un peu spéciale (élection de Trump, Brexit, montée de Salvini en Italie), les pseudo fact checkers, type Desintox du Monde ou Conspiracy Watch de Rudy Reichstadt sont là pour cacher le réel, créer des filtres et justifier les censures.
Voir aussi : Le journalisme de délation progresse chaque jour
Sans compter le journalisme de délation contre les mouvements où contre les personnes, spécialités de Check-news de Libération et de Mediapart. Je ne parle pas des Sleeping giants venus des États-Unis qui veulent taper au portefeuille tout média conservateur. Mais le pire c’est le consensus mou qui va du Figaro (ne pas oublier que le syndicat des journalistes du quotidien a demandé l’éviction d’Éric Zemmour alors qu’il était simple journaliste et non candidat) à France 2 en passant par la presse quotidienne régionale et L’Express ou Le Point. Chacun surveille chacun, engendrant la pire des censures, la plus silencieuse, l’autocensure.
Pour renverser la table et mettre fin à ce système oligarchique et de monopole idéologique, nous proposons une solution simple et radicale. Supprimer les subventions aux médias qui ne profitent qu’aux plus riches et rétablir la redevance audiovisuelle mais en permettant à chaque foyer d’attribuer le montant de cette redevance au média de son choix. De toutes façons, vous payez à travers l’impôt, car l’ancien produit de la redevance a été pris sur les recettes de la TVA. Donc, vous payerez 135€ comme avant mais vous pourrez les donner à qui vous semble bon, à TF1 ou à Livre Noir, au Monde ou à l’Ojim, à Mediapart ou à Éléments etc.
En l’absence de choix exprimé, cet argent irait au service public. Cela assurerait l’indépendance des médias qui conserveraient les revenus de leur diffusion et de la publicité, et on verrait fleurir un peu plus de pluralisme en France. Si Livre noir peut faire suivre cette proposition au monde politique, merci d’avance !
L’entretien complet est à retrouver sur livrenoir.fr