Alors qu’Altice, maison-mère de SFR, est plongée dans la tourmente boursière depuis cet automne après avoir été prise au piège de l’endettement, les têtes continuent à tomber et les chaises de valser. C’est maintenant Libération qui change de patron avec la nomination de Clément Delpirou comme directeur général des activités presse de SFR et co-gérant de Libération.
C’est le sixième directeur général en deux ans pour le journal dont la diffusion continue de s’éroder – encore ‑1,66% sur la période 2016–2017 pour la diffusion France payée, à 75 824 exemplaires de moyenne, dont 20 361 numéros vendus à l’unité. Pour rappel, elle était de 101 616 exemplaires en moyenne en 2013 – un quart de la diffusion s’est donc effacé en quatre ans.
Jusqu’alors Clément Delpirou dirigeait le groupe de presse professionnelle Infopro Digital, présent dans onze pays (360 millions d’€ de chiffre d’affaires en 2017, 67 millions d’euros de bénéfice net, 1800 salariés dont 1300 à Antony) et connu en France pour l’Usine nouvelle, LSA, La Gazette des communes ou encore Le moniteur des travaux publics. Cependant, du point de vue social – un aspect important pour Libération – la redistribution des bénéfices n’a guère profité aux salariés, qui ont même fait grève en juin dernier, à l’instigation de la CGT, pour espérer toucher un peu plus de primes d’intéressement et de participation.
Diplômé d’HEC, Clément Delpirou a commencé sa carrière chez Rotschild en 1997 et travaillé presque toute sa vie professionnelle dans le digital – d’abord en lançant sur le web la Fnac ou encore l’Oréal, puis d’autres sites de e‑commerce. En 1999 il entre chez Nurun France, une agence digitale où il est successivement directeur conseil, responsable du développement et directeur grands comptes et dont il devient le directeur général France en 2004. Il passe chez Infopro en 2007 et lance l’Usine digitale en 2013 – un site lié au titre l’Usine nouvelle. Nommé Chief Digital Officer en 2015 il a pour mission de chapeauter les activités digitales du groupe et d’en accompagner la croissance.
« Il nous a été présenté par Laurent Joffrin comme celui qui a su faire passer L’Usine Nouvelle du print au numérique. Le débat portait aussi sur la question de ne pas avoir un simple gestionnaire », a précisé un salarié de Libération à Challenges. En même temps, pour faire passer la pilule aux salariés, 6 CDD ont été titularisés en CDI et quatre autres postes en CDI créés – des largesses qui calmeront peut-être le climat interne tendu mais qui ne sont guère compatibles avec la situation économique peu reluisante du journal et sa diffusion en baisse.
Cependant la tâche va être rude pour Clément Delpirou, qui change complètement de monde en passant de la presse professionnelle à un journal de gauche caviar – parmi les plus subventionnés de France – qui se croit encore en Mai 68 et dont les équipes refusent mordicus d’évoluer. Il aura pour mission de recruter des abonnés numériques alors que les revenus – qui s’étiolent – dépendent toujours du papier et se retrouvera face à des blocages syndicaux et humains autrement plus forts qu’au sein du groupe InfoPro.
Altice reprend des couleurs en Bourse
Pendant ce temps Altice tente de remonter la pente en Bourse. Le minimum a été atteint le 8 décembre à 7,32 € par action. Le cours est maintenant à 9,62 (5 janvier) avec un pic à 9,69 € le 3 janvier. Un accord de diffusion a été annoncé au tout début de l’année 2018 ; il a été passé avec M6 qui devrait en retirer près de 23,5 millions d’euros sur l’année, sur la base de 0,60 euro par abonné et par mois, avec une marge un peu moindre car elle produira à ses frais des contenus exclusifs. Au passage, Altice a annulé 417 millions d’actions auto-détenues, mis fin au plan fibre de SFR et fait traîner un peu plus encore la fin de son plan social – de quoi se créer des tracas judiciaires mais aussi en basculer le coût sur 2018.
Crédit photo : capture d’écran vidéo EBG Paris. DR.