Le premier amendement américain sur la liberté d’expression – une valeur rappelée avec force par Vance lors de son discours de Munich du 14 février 2025 — peut avoir du bon. C’est ce qui permet au New York Times, mieux inspiré que d’habitude, de publier une bombe dans son édition du 29 mars 2025 : la sujétion complète de l’armée ukrainienne à celle des États-Unis. Les valeureux et malheureux soldats ukrainiens servaient de chair à canon, les stratèges et le matériel étaient américains.
Un enquêteur chevronné
L’enquête est menée par un journaliste chevronné, spécialiste du renseignement, Adam Entous. Ce dernier a déjà une longue carrière derrière lui, Wall Street Journal, Reuters, Washington Post, New Yorker et enfin au NYT. Sa devise : ”The truth, no matter how bad, is never as dangerous as a lie.” La vérité, même très déplaisante, n’est jamais aussi dangereuse qu’un mensonge. Au cours de son enquête Entous a interrogé plus de 300 témoins de la guerre, tant américains qu’ukrainiens.
Un « partenariat » déséquilibré
Le quartier général se trouve en Allemagne à Wiesbaden sur la caserne Clay, une base américaine, sous la coordination de deux généraux, Chris Donahue du côté américain, Mikhaïlo Zabrodskiy du côté ukrainien. Chris Donahue, général 4 étoiles, vient des forces aériennes et commande la totalité du dispositif des forces américaines en Afrique et en Europe. Sous le nom de « task force Dragon », des agents de la CIA, de la NSA et du DIA (Defense Intelligence Agency) les assistent et forment les ukrainiens.
Dans un premier temps le renseignement américain détermine les cibles, les analyse, transmet les coordonnées aux ukrainiens qui mettent en œuvre (parfois avec des « techniciens » américains) l’ouverture du feu par missiles, canons longue portée, lance-roquettes ou par drones. Les donneurs d’ordre sont américains et les exécutants ukrainiens. Les américains posent d’ailleurs des limites : ils ne communiquent pas les coordonnées du commandement russe au sommet à leurs subordonnés.
Perte de confiance progressive
Tout n’est pas rose dans la relation, les ukrainiens gardent une certaine autonomie sur le terrain au sol (ce sont leurs soldats qui se font courageusement tuer) et n’appliquent pas toujours à la lettre les plans américains. Ce sera le cas dans la contre-offensive ukrainienne avortée de l’été 2023, chaque partie imputant à l’autre son échec. L’entrée de l’armée ukrainienne dans Koursk sera une initiative ukrainienne qui se soldera par un désastre et un véritable massacre pour l’infanterie ukrainienne. L’enquête très longue s’arrête avec l’investiture de Trump et il est impossible de savoir si la « task force Dragon » existe encore. Une chose paraît certaine : la guerre par procuration de l’OTAN contre la Russie ne peut durer sans soutien américain, un espoir pour la paix ?
Claude Lenormand