Pour de nombreux médias, la manière de mesurer le succès des partis politiques dits populistes (opposés aux institutions européennes et à la politique migratoire actuelle) consiste à comparer le score obtenu aux élections avec les sondages électoraux. Une méthode qui a l’avantage de faire passer la progression de ces partis… pour des défaites, ainsi que l’OJIM l’a montré récemment. Petite revue de presse.
Pays Bas
Les élections législatives aux Pays Bas en mars 2017 ont vu le parti de Geert Wilders (le PVV) progresser de 5 sièges. Un autre parti dit populiste, le Forum pour la démocratie, est entré au parlement en obtenant 2 sièges.
Le résultat du parti de Geert Wilders est une « défaite morale » pour Ouest-France. Le quotidien interroge Peter Giesen, un journaliste néerlandais. « Il était en tête des sondages, et bien en tête, depuis la crise migratoire dans l’Union européenne, en 2015. Il en a joué, il en a abusé».
Slate consacre un article à « la troisième défaite des populistes européens », « Le Parti pour la liberté de Geert Wilders était donné vainqueur dans tous les sondages. Il a été devancé par la formation du Premier ministre et a dû se contenter de la deuxième place qui l’éloigne du pouvoir ». Le journaliste convient néanmoins : « Ces déconvenues doivent cependant être relativisées. Le nombre de voix obtenu par les candidats ou les partis populistes de droite dans toutes ces élections montrent que ces mouvements trouvent un écho grandissant, à défaut d’être partout majoritaire, dans de nombreux pays ».
Allemagne
En Allemagne, pour Valeurs actuelles, « l’AFD marque le pas ». « Les récentes élections régionales en Sarre et au Schleswig-Holstein montrent en tout cas que le mouvement, apparu comme un diable sortant de la boîte en 2013, connaît un sérieux coup d’arrêt ». Le journaliste compare les scores obtenus à ces élections par l’AfD aux scores obtenus aux élections régionales précédentes dans d’autre länder.
Pour Libération dans un article du 24 mars, « le scrutin de la Sarre est décevant pour l’AfD. Le parti obtient 6% des voix et siège désormais dans 11 des 16 Parlements régionaux allemands ». En mai, Libération commentait le résultat des élections dans l’Etat régional du Schleswig-Holstein : « une forte baisse du parti nationaliste Alternative pour l’Allemagne, l’AfD». On en oublierait presque que lors de ces deux élections, l’AfD a fait son entrée aux Parlements de Sarre et du Schleswig-Holstein ! L’influence de l’appartenance ou non des Lander à l’ancienne Allemagne de l’Est n’est pas évoquée, les scores sont analysés dans l’absolu. Pour La Croix, l’analyse est la même : « En Allemagne, les populistes marquent le pas ».
La France
En France, le premier tour des élections présidentielles voit un nombre inédit de voix portées à Marine Le Pen (7,6 millions), largement supérieur à celui obtenu en 2012 et par son père en 2002.
Une fois les résultats connus, L’Express donne la parole à Martin Schulz, l’ancien président du Parlement européen : « Après Geert Wilders aux Pays-Bas, Marine le Pen, une ennemie de l’Europe et une raciste, a encaissé une sérieuse défaite ». Le politologue Jean-Yves Camus explique : « Si le score de Marine Le Pen s’est légèrement tassé, c’est en raison d’une campagne en demi-teinte ».
On aura compris que le score de Marine Le Pen s’est tassé…par rapport aux prévisions de votes faites par sondages. Ce qui amène le journaliste à titrer son article sur « un revers de façade pour le populisme européen ». Selon le site d’information autrichien Kurier,« Marine Le Pen est fauchée dans son élan ».
Le deuxième tour de l’élection présidentielle voit la victoire du candidat d’En marche, Emmanuel Macron. Le nombre de voix portées à la candidate Marine Le Pen, 10,6 millions, est inédit. Mais selon Libération le 8 mai dans un article intitulé « Après sa défaite, le FN en pleine crise de croissance », c’est « un résultat décevant pour la candidate de l’autoproclamé “premier parti de France”». Pour qualifier ce résultat d’échec, le journaliste estime qu’« il suffit, au fond, de la [Marine Le Pen] prendre au mot ces dernières années, elle et ses proches n’ont eu de cesse de présenter leur mouvement comme le “premier parti de France”».
Plus globalement, la progression des partis « populistes » aux élections n’empêche pas France Inter de parler le 15 mai du « recul des partis nationalistes europhobes » en Europe de l’ouest.
RTL consacre l’émission « On refait le Monde » du 16 mars aux « Législatives aux Pays-Bas : vers un recul des partis populistes en Europe ? ». Certaines interventions permettent heureusement de ne pas sombrer la caricature. Le Point estime le 8 mai que « l’extrême droite européenne (est) freinée dans les urnes, pas dans les têtes ». À lire l’article et surtout les graphiques d’évolution des votes en faveur des partis « d’extrême droite » (terme plus disqualifiant que « populiste »), on se demande si le journaliste n’a pas confondu le frein et l’accélérateur…