Le pure player Mediapart.fr, dirigé par l’ancien trotskyste, Edwy Plenel, est en train de devenir l’un des supports les plus rentables de la presse française. Le site devrait ainsi réaliser près de neuf millions d’euros (8,8 millions) de chiffre d’affaires et 1,5 million de résultat net. Mediapart.fr, malgré la crise qui frappe tout particulièrement le secteur des médias, compte bien maintenir ce cap à l’horizon de trois ans. Tout en consolidant les fondamentaux de son écosystème –investigation-communauté‑, le site mise en 2015 sur la production audiovisuelle et la vidéo pour se développer.
Les fondamentaux en premier lieu. Avec une équipe réduite d’une trentaine de journalistes aguerris (10 fois moins que Le Monde !), Mediapart a fait du scoop et des affaires son ADN journalistique. En six années d’existence, il en a sorti une bonne centaine, concernant les ventes d’armes (Karachi) et la politique (Cahuzac) notamment. Ce terrain de chasse, Mediapart le revendique au point de damer le pion au Canard enchainé. Pour la première fois depuis 32 ans, l’hebdomadaire satirique a perdu 16% de ses ventes, qui restent tout de même imposantes (450 000 exemplaires en 2013). Les coups journalistiques de Mediapart, au même titre que la phobie numérique du volatile, explique en partie de recul historique. De son côté, le pure player de Plenel a franchi fin septembre la barre des 100 000 abonnés. Il escompte atteindre le chiffre de 120 000 en 2015. L’émergence d’une communauté, valeur chère à la gauche de la gauche qui inspire Mediapart, est l’autre facette de son écosystème. Afin de la fidéliser, l’espace Club sera complètement reformaté d’ici fin 2014., tant au niveau du graphisme que des fonctionnalités techniques. L’objectif est de faire fonctionner le Club comme un mini réseau social.
Mais la vraie étape suivante du développement de Mediapart passe par la vidéo. Le pure player produit déjà plusieurs émissions (la boîte à idée) et de chroniques (Didier Porte, La Parisienne libérée). Il organise une fois par mois un “live” de six heures dans ses locaux. Mediapart souhaite dès la fin de l’année enrichir cette programmation avec une nouvelle émission de débats toutes les semaines. Grâce au nouveau studio, dont il achève la construction, le pure player se donne des airs de chaîne de télévision. Cette production renforcée se verra proposée aux internautes dans un espace multimédia bien identifié qui tranchera avec le côté fourre-tout actuel. Mediapart aura investi 200 000 euros dans le nouvel équipement et les ressources humaines qui y sont attachée. L’équipe technique, en partie sous-traitée, passera de quatre à huit personnes au printemps 2015.
Seul ombre au tableau pour Mediapart, un redressement fiscal de 4,2 millions d’euros prononcé en octobre pour non-paiement de la TVA de 19,6%. Le site s’est auto-appliqué depuis 2008 le taux minoré de 2,10% réservé à la presse écrite. Si son extension aux pure players a finalement été acquise auprès des pouvoirs publics (mais pas de la Commission européenne) en 2013, la rétroactivité de cette mesure est loin d’être acquise. Mediapart doit en principe au fisc le différentiel sur cinq ans. Au-delà du droit, Mediapart dénonce une vengeance de Bercy suite à la mise en cause de l’ex ministre des finances Jérôme Cahuzac. Passer pour une victime, et faire montre d’une médiatisation habile, est l’un des autres “points forts” d’Edwy Plenel.