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Condamnation de CNews pour les propos d’Éric Zemmour

22 mars 2021

Temps de lecture : 9 minutes
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Condamnation de CNews pour les propos d’Éric Zemmour

Temps de lecture : 9 minutes

Condamnation de CNews pour les propos d’Éric Zemmour sur les mineurs étrangers délinquants, l’impossible confrontation des idées pour le CSA : le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel a condamné le 17 mars 2021 la chaine CNews à une lourde sanction pécuniaire — 200 000 euros  — pour des propos sur les mineurs étrangers délinquants tenus par Éric Zemmour lors de l’émission Face à l’info du 29 septembre 2020. Cette sanction, très rare, est un modèle en matière de politiquement correct, étouffant tout débat non conforme. Alors que les premiers propos très généraux d’Éric Zemmour sur les mineurs non accompagnés, « tous délinquants », ont été vite rectifiés par Christine Kelly et par le journaliste lui-même, le CSA n’en a pas tenu compte. Au travers de la condamnation de CNews, n’est-ce pas la liberté de débattre sur l’immigration qui est visée par le CSA ?

Les vertus du débat pour passer des opinions aux faits

Dans le paysage médi­a­tique, l’émission Face à l’info est l’un des rares endroits où l’on peut assis­ter à de véri­ta­bles con­fronta­tions d’opinions opposées. La lib­erté d’« opin­er » était pour Spin­oza un droit fon­da­men­tal dans une démoc­ra­tie. Il con­sid­érait que l’opinion était le plus bas degré de la con­nais­sance. Mais la con­fronta­tion des idées doit selon Pla­ton per­me­t­tre aux inter­locu­teurs de s’interroger sur leurs opin­ions et de s’engager dans la recherche de la vérité.

Si le débat qui a eu lieu le 29 sep­tem­bre 2020 sur le plateau de CNews illus­tre l’utilité de la con­fronta­tion d’opinions opposées, la suite qui y a été don­née par le CSA est un sérieux coup de canif à la lib­erté d’expression.

L’éditorial d’Éric Zemmour sur « les mineurs isolés : une naïveté française »

Le 29 sep­tem­bre 2020, Éric Zem­mour a con­sacré son édi­to­r­i­al quo­ti­di­en aux « mineurs isolés ». D’une durée de 13 min­utes, son inter­ven­tion est dense. Le jour­nal­iste y abor­de tour à tour de nom­breux aspects de l’afflux de jeunes extra-Européens aux guichets de l’Aide Sociale à l’Enfance des départe­ments français : leur nom­bre, tou­jours plus impor­tant, leur coût, faramineux pour le con­tribuable français, les fil­ières d’immigration clan­des­tine, une aubaine pour les passeurs, l’aberration qui con­siste à ne pas ren­voy­er les jeunes étrangers dans leurs pays auprès de leurs par­ents, le droit au ser­vice de l’immigration, qu’il est urgent de chang­er, etc.

Tous ces élé­ments pure­ment factuels n’intéressent pas le CSA, qui n’a retenu que le bref pas­sage sor­ti de son con­texte où les pro­pos d’Éric Zem­mour ont été exces­sifs. Il est utile de les repren­dre en détail.

L’objet de la controverse

Les pro­pos incrim­inés vien­nent à l’issue d’un long développe­ment d’Éric Zem­mour sur les mineurs isolés, que nous invi­tons nos lecteurs à voir ou revoir. Les argu­ments du jour­nal­iste sont loin de la car­i­ca­ture qui en est faite fréquemment.

Éric Zem­mour : il faut ren­voy­er ces jeunes, ils n’ont rien à faire ici, ils sont voleurs, ils sont assas­sins, il ne faut même pas qu’ils vien­nent. Et pour cela il faut sor­tir de la con­ven­tion européenne des droits de l’homme, qui je vous le rap­pelle, est l’origine du mal. La con­ven­tion européenne des droits de l’homme et la con­ven­tion inter­na­tionale des droits de l’enfant nous oblig­ent à n’expulser per­son­ne. Il fau­dra sor­tir de la con­ven­tion européenne des droits de l’homme.
Chris­tine Kel­ly : ceux qui sont violeurs
Éric Zem­mour : non, il ne faut pas don­ner le choix, il ne faut laiss­er entr­er per­son­ne. Vous savez Chris­tine, vous pensez à ces enfants qui sont en souf­france. Moi je pense aux femmes qui sont vio­lées par ces gens-là, aux gens qui sont assas­s­inés par ces gens-là, aux Français qui sont bru­tal­isés et trau­ma­tisés par ces gamins-là. Il faut penser aux Français avant les autres, il faut recon­naitre que la France et les nations en général ont le droit de défendre leur identité.
Chris­tine Kel­ly : et c’est votre droit, et on vous laisse la respon­s­abil­ité de vos propos.
Éric Zem­mour : j’espère bien, je prends tou­jours la respon­s­abil­ité de mes pro­pos, et ça me coûte par­fois cher.
Chris­tine Kel­ly : tous les mineurs ne sont pas des voleurs.
Éric Zem­mour : vous avez rai­son, tous les mineurs isolés ne sont pas des voleurs et des vio­leurs, mais la respon­s­abil­ité de la France, c’est de ne pas pren­dre le risque. Et tant qu’il y en aura un, il ne faut pas les laiss­er ren­tr­er, parce que ça veut dire un voleur, un vio­leur, un assas­sin qui per­sé­cute les Français.
Chris­tine Kel­ly : potentiel !
Éric Zem­mour : poten­tiel, mais sta­tis­tique­ment c’est la vérité.
Chris­tine Kel­ly : ces pro­pos vous appar­ti­en­nent, ce n’est pas CNews
Éric Zem­mour : la respon­s­abil­ité ce n’est pas l’humanisme pour les étrangers, c’est la pro­tec­tion des Français. Et tous les mineurs isolés ne sont pas des voleurs, des vio­leurs et des assas­sins. Mais dans le doute, il ne faut laiss­er ren­tr­er personne.
C’est donc à deux repris­es qu’Éric Zem­mour est revenu sur la général­i­sa­tion sur les mineurs isolés « tous voleurs et vio­leurs ». Mais dans sa déci­sion totale­ment à charge, le CSA n’en a pas tenu compte…Comme si le débat con­tra­dic­toire n’avait pas fait évoluer la posi­tion du journaliste.

La décision de sanction à l’encontre de CNews

Le CSA a mis en ligne la déci­sion de sanc­tion prise à l’encontre de CNews le 17 mars. Comme toute déci­sion admin­is­tra­tive, les visas lis­tent sa base juridique et les élé­ments de l’enquête (doc­u­ments, audi­tions, etc.). Vien­nent ensuite les développe­ments juridiques ayant abouti à la déci­sion de sanction.

Les griefs retenus con­tre la Société d’Exploitation d’un Ser­vice d’Information (pro­prié­taire de CNews) sont de deux ordres :

Le non-respect de l’obligation de ne pas inciter à la haine et d’encourager des comportements discriminatoires

« Le car­ac­tère vio­lent et répété du vocab­u­laire employé par le chroniqueur, stig­ma­ti­sant les mineurs étrangers isolés, en insis­tant sur les dan­gers qu’ils représen­teraient en ter­mes d’actes crim­inels, traduit l’expression d’un vif rejet à leur égard. (…) Ces pro­pos véhicu­lent de nom­breux stéréo­types par­ti­c­ulière­ment infamants (…) de nature à encour­ager des com­porte­ments dis­crim­i­na­toires à leur égard ».

On remar­quera que les argu­ments retenus par les con­seillers du CSA sont unique­ment à charge. Tout ce qui pou­vait les affaib­lir est évac­ué, en par­ti­c­uli­er le fait qu’Éric Zem­mour ait indiqué à deux repris­es que tous les mineurs isolés ne sont pas des voleurs et des vio­leurs, qu’ils devaient être remis sous la pro­tec­tion de leurs par­ents, dans leurs pays d’origine.

Les cir­con­stances de l’emportement d’Éric Zem­mour sont égale­ment totale­ment passées sous silence. Le fait que l’émotion ait pu momen­tané­ment altér­er le juge­ment du jour­nal­iste n’est évidem­ment pas évo­qué. Or, que venait-il de se pass­er quelques jours avant l’émission ?

Le 25 sep­tem­bre, un jeune Pak­istanais, entré en France par la fil­ière des mineurs isolés étrangers, bles­sait griève­ment deux per­son­nes au hachoir près des anciens locaux de Char­lie Heb­do, en repré­sailles à une cou­ver­ture du jour­nal représen­tant une nou­velle fois le prophète de l’islam.

On aura com­pris qu’il faut garder la tête froide en toutes cir­con­stances. Et les atten­tats sanglants com­mis par des extra-Européens ont con­tin­ué après celui près des locaux de Char­lie heb­do : décap­i­ta­tion de Samuel Paty par un jeune Tchétchène, égorge­ment de trois per­son­nes dans une basilique à Nice par un Tunisien en sit­u­a­tion irrégulière, etc. Si l’actualité nous mon­tre que des étrangers délin­quants en sit­u­a­tion irrégulière ne sont sou­vent pas expul­sés, aucun débor­de­ment ver­bal à ce sujet ne sera accepté…On trace la ligne rouge que l’on veut…

Le non-respect de l’obligation de maîtrise d’antenne

Les con­seillers du CSA bal­aient d’un revers de main les inter­ven­tions répétées de Chris­tine Kel­ley face à l’exagération de cer­tains pro­pos d’Éric Zem­mour. Pour­tant, ces inter­ven­tions ont amené le jour­nal­iste à mod­ér­er ses affir­ma­tions. Que nen­ni : la réac­tion n’a « pas été suff­isam­ment mar­quée » ! Le CSA pointe l’absence de coupures à l’émission ini­tiale, en dépit de sa dif­fu­sion avec un léger dif­féré. On y vient : CNews devait donc cen­sur­er préven­tive­ment l’éditorial Éric Zemmour.

C’est au final une sanc­tion très lourde qui a été prise par le CSA à l’encontre de CNews, une sanc­tion qui écarte tant les cir­con­stances post atten­tats des pro­pos d’Éric Zem­mour que celles de la mon­tée de la délin­quance de jeunes africains qui se pré­ten­dent mineurs.

La délinquance des mineurs étrangers, un phénomène exponentiel

Par un curieux hasard du cal­en­dri­er, quelques jours avant la déci­sion du CSA, deux par­lemen­taires rendaient pub­lic le 10 mars 2021 un rap­port soulig­nant « la mul­ti­pli­ca­tion et (de) l’aggravation des faits de délin­quance com­mis par cer­tains mineurs non accom­pa­g­nés ».

Les rap­por­teurs y déplorent le manque de suivi sta­tis­tique de ce phénomène au niveau nation­al et don­nent – enfin — une éval­u­a­tion de la pro­por­tion des délin­quants par­mi les MNA, 10%, ce qui n’est pas négligeable.

Et les con­stats ne sont pas joyeux. Morceaux choisis :

Le nom­bre de MNA déférés au par­quet de Paris est passé de 1 557 en 2015 à 2 958 en 2019, soit une pro­gres­sion de +87 %.

Ce phénomène se développe dans les aggloméra­tions, « prin­ci­pale­ment les grandes villes comme Paris et la couronne parisi­enne, Bor­deaux, Rennes, Mont­pel­li­er, Nantes, Toulouse, etc. ».

La direc­tion cen­trale de la sécu­rité publique observe que « les MNA qui com­met­tent [les vols avec vio­lence] sont « par­ti­c­ulière­ment belliqueux [et] recourent aisé­ment à la vio­lence lors de leurs méfaits, sans aucune con­sid­éra­tion de la faib­lesse des vic­times. Des per­son­nes âgées ont notam­ment été attaquées sous la men­ace d’une hache. Ils sont sou­vent por­teurs d’armes blanch­es, voire d’armes de poing ».

Dans un arti­cle paru en sep­tem­bre 2020 sur le site Polémia, il était souligné que « le gou­verne­ment se mon­tre inca­pable de chang­er son logi­ciel obsolète » pour pren­dre à bras le corps le phénomène des mineurs étrangers délin­quants. La réponse pré­con­isée par les rap­por­teurs sem­ble du même acabit.

Au-delà des pro­pos incrim­inés, Éric Zem­mour a au cours du débat com­mis une entorse au poli­tique­ment cor­rect, en invo­quant la néces­sité de sor­tir du cadre juridique actuel pour arrêter cette forme d’immigration hors de contrôle.

À la lec­ture du rap­port par­lemen­taire, cer­tains de ses pro­pos lors de Face à l’info sem­blent pour­tant trou­ver tout leur sens : « vous avez rai­son, tous les mineurs isolés ne sont pas des voleurs et des vio­leurs, mais la respon­s­abil­ité de la France, c’est de ne pas pren­dre le risque ».

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