Le 21 mars 2024, à l’occasion de son audition devant la commission d’enquête sur l’attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la TNT, Rachida Dati est revenue sur les questions relatives à la concentration des médias.
Bolloré, encore et toujours
C’est encore dans une ambiance proche de l’inquisition que l’audition a commencé : attaquée de manière immédiate par le rapporteur Aurélien Saintoul quant au départ « précipité » de son prédécesseur Rima Abdul-Malak, le ministre a d’abord refusé de répondre à certaines de questions orientées du député LFI. Revenant sur les déclarations du ministre au JDD et sur CNews, ce dernier a demandé au ministre si elle supposait que l’audiovisuel public ne respectait pas la pluralité des opinions et la raison pour laquelle elle s’était rendue sur ces deux canaux du groupe Bolloré. « Ma première interview a été donnée à France Inter. […] Je crois que ce n’est pas interdit d’être sur les chaînes du groupe Bolloré. […] J’ai la tutelle des médias, […] la responsabilité du pluralisme pour l’ensemble de l’audiovisuel français. Je n’opposerai jamais l’audiovisuel public et privé », a répondu le ministre. Le député a continué en déclarant chercher s’il existait des affinités particulières entre le ministre et les chaînes du groupe Bolloré, laissant planer l’idée selon laquelle elle aurait pu être nommée après une rencontre entre Emmanuel Macron et Vincent Bolloré. Une suspicion qui a suscité l’agacement du ministre et mené le président de la commission, Quentin Bataillon, à couper court à la conversation.
ARCOM et pluralisme
Rappelant que « la production d’une information de qualité coûte cher », le ministre a indiqué : « il est vital que les médias soient soutenus par des groupes industriels capables de leur apporter les moyens de leur développement ». Soulignant que le mouvement de concentration ne pouvait « se faire sans garde-fou », elle a indiqué qu’il fallait « correctement évaluer les opérations de concentration ayant un impact sur le pluralisme, l’indépendance des médias. […] Notre mécanisme de contrôle des concentrations au regard de cet objectif du pluralisme et au regard d’un marché pertinent ». Pour autant, le ministre a appelé à se montrer prudents sur les condamnations rapides des chaînes, qui pourraient se retourner contre l’État.
Pour un audiovisuel public rassemblé
Évoquant l’indépendance du rôle de l’autorité de régulation, Rachida Dati a soutenu qu’il ne « serait pas aberrant de confier à l’Arcom un contrôle au cas par cas des concentrations au regard de l’objectif de pluralisme et au regard d’un marché pertinent ». Face à un « audiovisuel privé qui rassemble ses forces », le ministre a par ailleurs indiqué : « on ne peut pas avoir un modèle d’audiovisuel public complètement divisé […] Je pense qu’il faudra, à terme, aller à la fusion […] dans le cadre parlementaire ». La révision de la réglementation de la concentration serait pour le ministre, qui répondait à Philippe Ballard (RN), nécessaire pour faire face à la modernisation des canaux d’information et pour faire face à la perte de la souveraineté potentielle que cette modernisation induit.
Reprenant la parole en fin d’audition, le rapporteur Saintoul a suscité la colère de Rachida Dati qui a tempêté : « C’est une commission d’enquête contre Vincent Bolloré ! […] Vous êtes rapporteur d’une commission, vous n’êtes pas procureur ! »
Voir aussi : L’OJIM saisit l’ARCOM pour faire respecter le pluralisme politique à la radio et à la télévision