Fondé en 2007 par Rudy Reichstadt, Conspiracy Watch, ou Observatoire du conspirationnisme et des théories du complot, se donne pour objet d’analyser objectivement les théories du complot. Cependant la personnalité de son fondateur et ses méthodes laissent plutôt présager – comme pour le Decodex du monde – un outil pour dénoncer les opinions contraires et un bras armé du gauchisme politique.
Les théories du complot sont un ensemble attrape-tout qui vise les opinions divergentes de celles communément admises sur la mort d’Oussama Ben Laden, l’affaire DSK, le 11 septembre, l’affaire Merah ou encore la religion de Barack Obama. Selon une enquête de l’institut de sondage OpinionWay de 2013, entre 20 et 50% des Français seraient influencés par le « phénomène complotiste », d’autant plus dangereux pour les élites qu’il s’agit d’un refus d’adhésion à la pensée dominante. Bref, une sorte de marronnage des classes populaires qui participe au crépuscule de la bobocratie, selon le géographe Christophe Guilluy.
On peut déjà constater que l’objectif est loin d’être neutre : il s’agit, en dénonçant le complotisme réel ou supposé, de ramener ceux qui prêtent attention à ces idées dans le droit chemin.
Un fondateur ancré à gauche
La personnalité de Rudy Reichstadt ne permet pas d’accréditer la possibilité d’un positionnement neutre et objectif. Diplômé de l’institut d’études politiques d’Aix-en-Provence, il a été chef de bureau des affaires financières au sein de la sous-direction de l’administration générale et de l’équipement de la mairie de Paris jusqu’en 2017 – dix ans après la fondation de son Observatoire du conspirationnisme donc. En 2013 il affirmait en effet au sujet de Conspiracy Watch : « un site que j’ai fondé en 2007 de ma propre initiative, dont je suis le seul maître à bord et dont je ne retire aucune rétribution ».
Le Monde écrit en 2017 que « désormais rémunéré, il fonctionne maintenant en tandem avec Valérie Igounet », une historienne spécialiste dans la dénonciation de l’extrême-droite, qui a fait sa thèse de doctorat sur le négationnisme en France et a écrit dans le Monde Diplomatique. Elle est rattachée à l’Institut d’histoire du temps présent (IHTP) qui dépend du CNRS.
À titre personnel, Rudy Reichstadt est membre de l’Observatoire des radicalités politiques dirigé par Jean-Yves Camus au sein de la fondation Jean-Jaurès, réputée proche du PS, il a aussi été invité à deux reprises – en septembre 2012 et en juin 2013 – aux « séminaires » de La Règle du jeu de Bernard-Henri Levy.
Il a aussi écrit dans diverses revues de gauche, comme Rue89 ou encore Pro-Choix. Cette revue, fondée en 1997 par Fiammetta Venner et Caroline Fourest, avait d’abord comme objectif de défendre le « choix » de l’avortement. Elle se définit maintenant comme « revue d’investigation, de réflexion et d’analyse au service de la défense des libertés individuelles menacées par l’essentialisme, le racisme, l’intégrisme et toute idéologie totalitaire ou anti-choix ». Il a aussi écrit dans le trimestriel du Fonds social juif unifié, l’Arche.
Une émission où l’on retrouve Caroline Fourest et Fiammetta Verner dans l’équipe, sur France Inter, en août 2014, fait encore la promotion de « Rudy Reichstadt, gardien de l’information sur Internet » et « kamikaze du web ». Rien que ça.
Conspiracy Watch, principalement consacré à la dénonciation des critiques de la politique israélienne ?
Suite à la diffusion du reportage « Les obsédés du complot », réalisé par Caroline Fourest, Pascal Boniface dénonce la trop grande proximité de Conspiracy Watch avec Caroline Fourest – elle n’a pas précisé notamment qu’il était collaborateur de sa revue Pro-Choix – et affirme que le site « est principalement consacré à la dénonciation des critiques de la politique israélienne ».
Il dénonce aussi la faible audience sur France 5 malgré un important battage médiatique (1,9%) et la faible crédibilité du reportage (4,4%) pour les spectateurs. « La méthode de Caroline Fourest consiste à prendre un fait condamnable ou gênant et de lui donner une importance sans commune mesure avec sa réalité, en évitant toute mise en perspective et contextualisation. Elle grossit un danger et se pose en héroïne déterminée à le combattre », assène Pascal Boniface.
Il renvoie la charge du développement du complotisme à ceux qui manipulent l’information pour défendre leur pouvoir. Le complotisme est pour lui « la contrepartie des multiples manipulations de l’information de la part des gouvernements, des services, des officines. Cette guerre de propagande est bien plus grave pour l’information du public, vu les moyens dont ils disposent, que quelques complotistes égarés ».
Rudy Reichstadt dénonce le lendemain son jugement « faux et absurde » sur le site et sort le point Godwin en affirmant que Pascal Boniface confond « la défense de la politique de l’État d’Israël et la critique de fantasmes conspirationnistes aux remugles antisémites ».
Conspiracy Watch, un outil pour organiser la chasse aux sorcières contre les opposants au mainstream ?
En août 2016 une première passe d’armes oppose Olivier Berruyer (Les Crises) et Rudy Reichstadt lorsque celui-ci s’aperçoit que le premier est invité à une table ronde lors des journées d’été de « À gauche pour gagner », le courant des frondeurs du PS. Il se lance donc dans une campagne anti-Berruyer sur Twitter, rapidement dénoncée par ce dernier.
Rudy Reichstadt répond sur son site : « Les-Crises.fr occupe une place toute particulière dans la complosphère car il fait fonction de trait d’union entre des sites ouvertement complotistes et le web non-complotiste. Si Les-Crises.fr était un bateau, ce serait un chalutier qui pêche dans les eaux troubles de la complosphère pour faire remonter à la surface des pseudo-analyses à caractère conspirationniste en les mélangeant à toutes sortes d’autres contenus, de manière à donner le change ».
C’est surtout le positionnement pro-russe des Crises qui le dérange : « d’un côté, vous veillez à relayer des contenus provenant de sites d’information généralistes,“mainstream”, mais en les accompagnant de commentaires toujours très orientés (et, s’agissant des sujets concernant la Russie, dans un sens clairement pro-poutinien, comme si la Russie se limitait à Vladimir Poutine) ».
En août 2017, nouvelle passe d’armes, suite à une simple illustration relayée par le blog Les Crises sur les événements au Venezuela. Rudy Reichstadt attaque à nouveau le site en s’appuyant sur le Decodex du Monde qui le classe « peu fiable ». Cet outil, financé par Google, devait servir à démonter les sources concurrentes au mainstream médiatique, mais il s’est finalement retourné contre ses concepteurs au point de faire la pub des sites mis à l’index. Le motif de l’ire de Reichstadt ? La faux est décorée d’un drapeau israélien, très discret, car l’image originelle faisait référence au coup d’état du 3 juillet 2013 en Égypte. Olivier Berruyer modifie immédiatement l’image pour faire disparaître toute trace dudit drapeau, mais la chasse aux sorcières sur le web continue.
Parmi ceux qui l’attaquent, Romain Pigenel, responsable de la com’ du gouvernement Hollande après 2014 et inventeur du geste du ralliement des hollandistes en 2012 (le changement, c’est maintenant). Pour le changement, les français attendent toujours, quant à Hollande, qui n’a même pas osé se représenter, il a pu avoir une idée de l’efficacité de sa com’.
Conclusion d’Olivier Berruyer au sujet de Conspiracy Watch et de ses méthodes : « chacun jugera les méthodes de Rudy Reichstadt : aucune vérification auprès du site cible avant publication, amalgames “plus que border”, aucune information de ses lecteurs quand le dessin est corrigé (toujours rien 24 heures après malgré ma demande)… Cela illustre plus généralement la méthode qui se développe actuellement, de généralisation malhonnête » qui consiste à « faire passer une petite erreur non substantielle en une preuve de prétendue “non fiabilité” d’une personne ou d’un site ». Fermez le ban.