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Contrôle du « pluralisme » : l’ARCOM met en application la décision du Conseil d’État

25 juillet 2024

Temps de lecture : 4 minutes
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Contrôle du « pluralisme » : l’ARCOM met en application la décision du Conseil d’État

Temps de lecture : 4 minutes

Le 18 juillet 2024, l’ARCOM rendrait publique sa délibération relative au respect du principe de pluralisme des courants de pensée et d’opinion. C’est désormais grâce à un « faisceau d’indices » que le régulateur pourra « apprécier l’existence éventuelle d’un déséquilibre manifeste et durable dans l’expression des courants de pensée et d’opinion ».

L’injonction du Con­seil d’État à l’ARCOM pub­liée le 13 févri­er 2024 encour­age le régu­la­teur de l’audiovisuel à « pren­dre en compte la diver­sité des courants de pen­sée et d’opinions représen­tés par l’ensemble des par­tic­i­pants aux pro­grammes dif­fusés, y com­pris les chroniqueurs, ani­ma­teurs et invités, et pas unique­ment le temps d’intervention des per­son­nal­ités poli­tiques ».

Pas de « classement » ou de « qualification » des intervenants

Pour l’ARCOM, la délibéra­tion n’aurait pas pour objec­tif de procéder au fichage des inter­venants ; « les dis­po­si­tions de la présente délibéra­tion ne sauraient être con­sid­érées comme con­duisant à la qual­i­fi­ca­tion ou au classe­ment de l’ensem­ble des inter­venants à l’an­tenne au regard des courants de pen­sée ou des dif­férentes sen­si­bil­ités », explique ain­si le régu­la­teur. « Il n’est pas ques­tion pour le régu­la­teur ni de cat­a­loguer, ni de fich­er, ni d’étiqueter les inter­venants – ani­ma­teurs, jour­nal­istes, invités », a appuyé le prési­dent de l’autorité indépen­dante, Roch-Olivi­er Maistre, devant la presse. Assur­ant qu’elle con­tin­uera à « veiller à l’expression des dif­férents points de vue dans la présen­ta­tion des ques­tions prê­tant à con­tro­verse », cette insti­tu­tion s’appuiera sur un « fais­ceau d’indices » pour s’assurer qu’il n’existe pas de « déséquili­bre man­i­feste et durable » dans l’expression du pluralisme.

Des critères… toujours aussi flous mais dirigés contre CNews

C’est à l’aune de trois critères que l’ARCOM éval­uera les futures saisines : dans son arti­cle 2, la délibéra­tion du régu­la­teur spé­ci­fie qu’il tien­dra compte de « la var­iété des sujets ou thé­ma­tiques abor­dés à l’an­tenne », « de la diver­sité des inter­venants dans les pro­grammes » ou « de l’ex­pres­sion d’une plu­ral­ité de points de vue dans l’évo­ca­tion des sujets abor­dés à l’an­tenne ». La pri­or­ité de tels exa­m­ens ira « en par­ti­c­uli­er [aux] pro­grammes d’in­for­ma­tion et les pro­grammes con­cour­ant à l’in­for­ma­tion. »

Si la var­iété des sujets dis­cutés à l’antenne peut être aisé­ment véri­fiée, la « diver­sité des inter­venants dans les pro­grammes » peut être plus dif­fi­cile à appréhen­der. La « diver­sité » exprimée est-elle une diver­sité numérale (var­iété de per­son­nal­ités invitées) ou la nature diverse tient-elle à la mul­ti­plic­ité des opin­ions exprimées sur le plateau ? Dans les deux cas, deux prob­lèmes demeurent : pour des chaînes comme CNews ou C8, le refus sys­té­ma­tique de cer­taines per­son­nal­ités à gauche de par­ticiper aux débats sur leurs plateaux engen­dre des dif­fi­cultés pour ces chaînes de se met­tre en con­for­mité avec cette exi­gence tant numérale que plurielle. De même, « l’expression » d’une plu­ral­ité de points de vue dans les sujets abor­dés à l’antenne est dépen­dant de l’acceptation effec­tive des invités hos­tiles à la ligne d’une chaîne. Il résulte quoiqu’il en soit de cette délibéra­tion une iniq­ui­té de traite­ment entre les chaînes béné­fi­ciant d’invités mul­ti­ples et celles faisant face à des refus militants.

Une réception mitigée, RSF pour plus de contrôle

Si l’ONG Reporters sans fron­tières, dont la sai­sine du Con­seil d’État était à l’origine de la déci­sion de l’autorité, s’est félic­ité de l’installation de ces mesures, son directeur général de l’association a regret­té que « La régu­la­tion pro­gresse, mais elle [qu’elle n’aille] pas aus­si vite que la tricherie aug­mente ». Pour Thibault Brut­tin, la délibéra­tion est arrivée trop tard sur la table, notam­ment en regard du « con­texte élec­toral » et aux « audi­tions des canaux TNT ».

Car si les chaînes dans le viseur de Reporters sans fron­tières, en l’occurrence CNews et C8, voy­aient leur accès à la TNT renou­velé, les reproches for­mulés à l’encontre de ces deux chaînes par voie de déci­sion du Con­seil d’État seraient soupçon­nés de fac­to moins légitimes qu’en cas de refus pur et sim­ple. Du côté du poli­tique, cer­tains soulig­nent l’approximation de ces mesures : « L’ARCOM a util­isé toutes les sub­til­ités de la langue française pour se défaire de ce mist­i­gri ridicule, a déploré le séna­teur appar­en­té LR Jean-Ray­mond Hugonet. Je souhaite bon courage à ceux qui vont devoir juger s’il y a eu un man­que­ment ou non ». « C’est flou. On ne voit pas com­ment les oblig­a­tions des édi­teurs vont être con­trôlées », a égale­ment déploré François Jost, sémi­o­logue et pro­fesseur en sci­ences de l’information auprès de Pub­lic Sénat.

Voir aus­si : L’OJIM saisit l’ARCOM pour faire respecter le plu­ral­isme poli­tique à la radio et à la télévision