Le 18 juillet 2024, l’ARCOM rendrait publique sa délibération relative au respect du principe de pluralisme des courants de pensée et d’opinion. C’est désormais grâce à un « faisceau d’indices » que le régulateur pourra « apprécier l’existence éventuelle d’un déséquilibre manifeste et durable dans l’expression des courants de pensée et d’opinion ».
L’injonction du Conseil d’État à l’ARCOM publiée le 13 février 2024 encourage le régulateur de l’audiovisuel à « prendre en compte la diversité des courants de pensée et d’opinions représentés par l’ensemble des participants aux programmes diffusés, y compris les chroniqueurs, animateurs et invités, et pas uniquement le temps d’intervention des personnalités politiques ».
Pas de « classement » ou de « qualification » des intervenants
Pour l’ARCOM, la délibération n’aurait pas pour objectif de procéder au fichage des intervenants ; « les dispositions de la présente délibération ne sauraient être considérées comme conduisant à la qualification ou au classement de l’ensemble des intervenants à l’antenne au regard des courants de pensée ou des différentes sensibilités », explique ainsi le régulateur. « Il n’est pas question pour le régulateur ni de cataloguer, ni de ficher, ni d’étiqueter les intervenants – animateurs, journalistes, invités », a appuyé le président de l’autorité indépendante, Roch-Olivier Maistre, devant la presse. Assurant qu’elle continuera à « veiller à l’expression des différents points de vue dans la présentation des questions prêtant à controverse », cette institution s’appuiera sur un « faisceau d’indices » pour s’assurer qu’il n’existe pas de « déséquilibre manifeste et durable » dans l’expression du pluralisme.
Des critères… toujours aussi flous mais dirigés contre CNews
C’est à l’aune de trois critères que l’ARCOM évaluera les futures saisines : dans son article 2, la délibération du régulateur spécifie qu’il tiendra compte de « la variété des sujets ou thématiques abordés à l’antenne », « de la diversité des intervenants dans les programmes » ou « de l’expression d’une pluralité de points de vue dans l’évocation des sujets abordés à l’antenne ». La priorité de tels examens ira « en particulier [aux] programmes d’information et les programmes concourant à l’information. »
Si la variété des sujets discutés à l’antenne peut être aisément vérifiée, la « diversité des intervenants dans les programmes » peut être plus difficile à appréhender. La « diversité » exprimée est-elle une diversité numérale (variété de personnalités invitées) ou la nature diverse tient-elle à la multiplicité des opinions exprimées sur le plateau ? Dans les deux cas, deux problèmes demeurent : pour des chaînes comme CNews ou C8, le refus systématique de certaines personnalités à gauche de participer aux débats sur leurs plateaux engendre des difficultés pour ces chaînes de se mettre en conformité avec cette exigence tant numérale que plurielle. De même, « l’expression » d’une pluralité de points de vue dans les sujets abordés à l’antenne est dépendant de l’acceptation effective des invités hostiles à la ligne d’une chaîne. Il résulte quoiqu’il en soit de cette délibération une iniquité de traitement entre les chaînes bénéficiant d’invités multiples et celles faisant face à des refus militants.
Une réception mitigée, RSF pour plus de contrôle
Si l’ONG Reporters sans frontières, dont la saisine du Conseil d’État était à l’origine de la décision de l’autorité, s’est félicité de l’installation de ces mesures, son directeur général de l’association a regretté que « La régulation progresse, mais elle [qu’elle n’aille] pas aussi vite que la tricherie augmente ». Pour Thibault Bruttin, la délibération est arrivée trop tard sur la table, notamment en regard du « contexte électoral » et aux « auditions des canaux TNT ».
Car si les chaînes dans le viseur de Reporters sans frontières, en l’occurrence CNews et C8, voyaient leur accès à la TNT renouvelé, les reproches formulés à l’encontre de ces deux chaînes par voie de décision du Conseil d’État seraient soupçonnés de facto moins légitimes qu’en cas de refus pur et simple. Du côté du politique, certains soulignent l’approximation de ces mesures : « L’ARCOM a utilisé toutes les subtilités de la langue française pour se défaire de ce mistigri ridicule, a déploré le sénateur apparenté LR Jean-Raymond Hugonet. Je souhaite bon courage à ceux qui vont devoir juger s’il y a eu un manquement ou non ». « C’est flou. On ne voit pas comment les obligations des éditeurs vont être contrôlées », a également déploré François Jost, sémiologue et professeur en sciences de l’information auprès de Public Sénat.
Voir aussi : L’OJIM saisit l’ARCOM pour faire respecter le pluralisme politique à la radio et à la télévision