C’est à la reprise des travaux des États généraux de l’information que Roch-Olivier Maistre, président de l’ARCOM a réaffirmé sa volonté de ne pas faire de l’ARCOM un juge de l’équilibre entre éditorialistes et journalistes.
Noël et la Saint-Sylvestre ont passé, laissant derrière eux les critiques vives menées à l’encontre des États généraux de l’information. Conspués pour le manque de transparence de ses débats et vilipendés par des tentatives parallèles, à l’image des États généraux de la presse indépendante, les travaux de la mission lancée par Emmanuel Macron ont repris leur cours en auditionnant Roch-Olivier Maistre, président de l’ARCOM.
Un paysage médiatique « moins concentré qu’au début des années 80 »
Énarque, ancien conseiller du ministère de la culture (Léotard), ancien conseiller à la Cour des comptes, Roch-Olivier Maistre était le premier auditionné de l’année 2024. À l’instar de l’ancien ministre de la Culture Rima Abdul Malak, le président de l’ARCOM a souligné que « notre paysage audiovisuel actuel est beaucoup moins concentré qu’au début des années 80, au sortir du monopole de l’État ». Une position assumée par Maistre, qui rappelait récemment que « l’Arcom n’intervient jamais a priori sur les programmes », n’étant pas « une autorité de censure » imposant « une police de la pensée ». Face à la multiplication des chaînes de radio (plus de mille stations), chaînes TNT (plus de trente), de télévision locale (environ quarante) et diffusées par des canaux tiers (plus de deux cent)…, Maistre a rappelé la nécessité de « garder des règles sectorielles spécifiques » de manière à tenter de faire demeurer l’équilibre sur ce paysage médiatique.
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Mise en œuvre de l’indépendance des médias : une mission impossible ?
Parce qu’elle est difficile à prouver, l’indépendance des médias est singulièrement difficile à mettre en œuvre, si l’on en croit le président de l’ARCOM. Soulignant le rôle du législateur dans l’établissement de règles claires quant à cette indépendance de l’information, à l’instar de la loi n°2016–1524 du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias, il semble néanmoins s’être réjoui de l’aval donné par le Conseil d’État à l’ARCOM dans le jugement de l’absence d’indépendance de certains médias étrangers. Si cette mission apparaît donc malaisée aux yeux du président de l’ARCOM, l’autorité de régulation y parvient pour certains cas spécifiques, ayant par exemple mis en demeure des chaînes russes pour « de nombreux manquements à l’honnêteté de l’information » (voir le cas du blocage des chaînes russes via EUTELSAT). Pour autant, le président de l’ancien CSA semble trouver délicat de faire peser sur son organisme le jugement de l’équilibre entre médias d’informations et médias d’opinion, à l’heure où de nombreux journalistes semblent souvent ne plus faire la distinction. « Je trouverais extraordinairement dangereux, a ainsi souligné Roch-Olivier Maistre que l’on demande à une autorité administrative de contrôler l’équilibre entre journalistes et éditorialistes ».
Lacunes et propositions pour un phénomène « consubstantiel » au « processus démocratique »
« Nous considérons que, dans le cadre juridique applicable, nous n’avons pas vocation à contrôler les interventions des éditorialistes », a poursuivi le président de l’ARCOM, qui juge la liberté éditoriale consubstantielle au « processus » démocratique. Estimant que l’organe dont il est à la tête devrait pouvoir appréhender plus largement le paysage médiatique pour des groupes qui possèdent désormais différents supports (presse, télévision, radio), Maistre a souligné la difficulté pour le régulateur de contrôler l’ensemble des protagonistes médiatiques numériques. Il a par ailleurs indiqué les difficultés inhérentes à l’absence de jurisprudence au Conseil d’État concernant l’existence de chaînes de télévision d’opinion – à l’inverse de la radio. Parmi les solutions soulevées pour faire face à ces différentes difficultés, Maistre a indiqué qu’il serait intéressant de réviser les conditions de nomination des membres des comités à l’honnêteté, à l’indépendance et au pluralisme de l’information des programmes (dits CHIPIP), actuellement désignés par les entreprises. Ainsi, le président de l’ARCOM, faisant suite aux propositions soulevées par la commission d’enquête sur la concentration des médias, s’est interrogé sur la légitimité de faire nommer ces membres après avis du régulateur ou… par le régulateur lui-même. Après tout, on n’est jamais mieux servi que par soi-même !