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Coopération Big Tech et médias allemands

16 juin 2021

Temps de lecture : 6 minutes
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Coopération Big Tech et médias allemands

Temps de lecture : 6 minutes

En pleine détresse financière, les grandes maisons de presse allemandes se mettent au service des géants américains. Après Google, Apple et Microsoft, Facebook possède désormais aussi sa plateforme journalistique en ligne. Beaucoup craignent que les entreprises américaines ne deviennent définitivement les gardiens du journalisme en ligne allemand. Par ailleurs, l’argent de la Silicon Valley risque de mettre la presse allemande sous sa dépendance car les conditions de la « coopération » sont dictées par les Américains.

Axel Springer cède à son tour

Face­book News a été lancé tout récem­ment, pro­posant à ses util­isa­teurs ses pro­pres con­tenus de presse. Plus d’une cen­taine d’édi­teurs alle­mands sont inclus — dont Axel Springer. Jusqu’au dernier moment, la mai­son de presse berli­noise avait don­né l’im­pres­sion qu’elle ne voulait pas faire par­tie du pro­jet. Prési­dent de l’Asso­ci­a­tion fédérale des édi­teurs de jour­naux (BDZV), le patron de Springer, Math­ias Döpfn­er, avait même dénon­cé la coopéra­tion. Ce revire­ment est la source d’un cer­tain agace­ment dans la pro­fes­sion, les con­frères se sen­tent trompés.

Les maisons de presse ont négo­cié indi­vidu­elle­ment et secrète­ment avec Face­book. Les obser­va­teurs sup­posent, cepen­dant, que Springer a fait la meilleure affaire. Cela n’est pas seule­ment étayé par le fait que le groupe de médias n’a rejoint l’en­tre­prise que le jour où Face­book News a été lancé ; bien plus, Springer a pu égale­ment, par l’in­ter­mé­di­aire de sa fil­iale “Upday”, se réserv­er la pos­si­b­lité de com­pil­er les con­tenus édi­to­ri­aux pour le réseau social.

Si l’ar­gent ren­tre dans les cof­fres de Springer, cer­tains soupçons pren­nent forme chez les autres édi­teurs. Com­ment ne pas penser que Face­book favoris­era Springer, se procu­rant exclu­sive­ment des arti­cles et des pho­tos auprès des jour­naux du groupe berli­nois ? Les Améri­cains réfu­tent que l’équipe de “Upday” est sous la super­vi­sion du géant des réseaux sociaux.

Une loi de protection des médias mort née

De même, d’autres géants améri­cains de la tech­nolo­gie, comme Apple, ont acheté les ser­vices de maisons de presse alle­man­des. Ces coopéra­tions se jouent dans le con­texte d’un pro­jet de loi de pro­tec­tion, sur le point d’être adop­té. Ce qui pour­rait forcer les entre­pris­es améri­caines à pay­er des licences impor­tantes en rai­son de la dis­tri­b­u­tion de con­tenus journalistiques.

Les experts sup­posent que Google, Apple et main­tenant Face­book ont exclu de tels paiements dans leurs con­trats, sapant ain­si d’avance la nou­velle loi. Cepen­dant, Springer aurait refusé de telles claus­es. Ce suc­cès ne devrait néan­moins pas ren­dre le groupe plus pop­u­laire auprès de ses collègues.

Le patron de Springer par­le d’une “étape stratégique pour notre entre­prise et l’ensem­ble de l’in­dus­trie” et d’une “rela­tion juste et prévis­i­ble entre les four­nisseurs de con­tenu et les plate­formes”. Ce qui s’ap­plique avant tout à son groupe puisque ce dernier béné­fi­cie égale­ment d’ac­cords spé­ci­fiques sur des développe­ments de pro­duits com­muns dans les secteurs vidéo et audio. Dans l’ensem­ble, Face­book verserait à Springer une somme de plusieurs mil­lions de dol­lars au cours des trois prochaines années.

Censures préventives de Facebook

Presque toute la presse grand pub­lic se trou­ve sur Face­book News. L’en­tre­prise de Mark Zucker­berg n’af­fiche les médias et ne les sou­tient finan­cière­ment que s’ils respectent cer­taines normes. Théories du com­plot et « fauss­es nou­velles » doivent être élim­inées. Face­book veut « met­tre plus de jour­nal­isme de qual­ité à la dis­po­si­tion des per­son­nes sur notre plate­forme et en même temps offrir aux édi­teurs plus de pos­si­bil­ités de financement ».

Ce, bien sûr, à la plus grande sat­is­fac­tion des groupes béné­fi­ci­aires. Selon leurs patrons, “des sources d’in­for­ma­tions fiables sont l’une des con­di­tions préal­ables les plus impor­tantes pour un dis­cours social con­struc­tif”. Ou bien, ils sont “très heureux de présen­ter égale­ment notre jour­nal­isme de qual­ité sur cette plate­forme”. Ou encore « la présence en ligne de l’heb­do­madaire peut non seule­ment faire gag­n­er de nou­veaux lecteurs mais aus­si de nou­veaux abonnés”.

Cette coopéra­tion, néan­moins, est remise en ques­tion par cer­tains. On peut enten­dre : “les maisons qui pour­raient être achetées à bas prix ou qui ont résisté aux ten­ta­tions de Mark Zucker­berg risquent de se retrou­ver le bec dans l’eau. Ou encore : « La stratégie du patron de Springer a « ce qu’il faut pour divis­er davan­tage une indus­trie qui l’est déjà souvent ».

Pour Face­book, par con­tre, aucun souci. Sheryl Sand­berg, mem­bre du con­seil d’ad­min­is­tra­tion, s’est félic­itée de l’ar­rivée du dernier « grand » alle­mand, Springer. La nou­velle recrue per­me­t­trait de pro­pos­er désor­mais une « sélec­tion encore plus large de con­tenus jour­nal­is­tiques fiables » dans l’of­fre d’in­for­ma­tion. De leur côté, les jour­naux et les mag­a­zines espèrent non seule­ment de nou­veaux revenus, mais aus­si une plus grande portée. À l’in­verse, les médias exclus sont sus­cep­ti­bles d’être repoussés à la périphérie d’Internet.

Google aussi

La coopéra­tion entre les médias alle­mands et Google avait com­mencé de la même manière en octo­bre 2020. Selon ses pro­pres ter­mes, l’en­tre­prise présente des « arti­cles jour­nal­is­tiques de haute qual­ité » sur la plate­forme « News Show­case ». Google paie des frais de licence afin de « soutenir l’avenir du jour­nal­isme ». En réal­ité, il s’a­gi­rait aus­si de con­tourn­er les lois de pro­tec­tion. Le groupe dis­tribuera un mil­liard de dol­lars améri­cains aux édi­teurs du monde entier pour ce ser­vice au cours des trois pre­mières années (une paille pour Google, ndt).

La presse est ain­si de plus en plus dépen­dante des nou­velles tech­nolo­gies. Google achète égale­ment du con­tenu que les médias pro­posent, eux, con­tre rémunéra­tion. Ces arti­cles sont alors offerts gra­tu­ite­ment par Google, prob­a­ble­ment le plus gros abonné.

Et Microsoft

Microsoft a suivi en févri­er dernier. L’édi­teur de logi­ciels, qui coopère désor­mais avec divers­es asso­ci­a­tions de presse européennes, dont le BDZV dirigé par le patron du groupe Springer, a annon­cé un sys­tème de paiement des con­tenus en ligne. L’ob­jec­tif est que les « gar­di­ens dom­i­nants du marché » finan­cent la presse pour l’u­til­i­sa­tion de leur con­tenu. De plus, selon Microsoft, l’ac­cès aux médias grand pub­lic est « essen­tiel au suc­cès de nos démocraties ».

Ingo Dachwitz, uni­ver­si­taire spé­cial­isé dans la com­mu­ni­ca­tion, voit dans cette coopéra­tion un grand dan­ger pour les édi­teurs alle­mands. Après avoir étudié les prob­lèmes causés par la col­lab­o­ra­tion avec Google, il voit une prob­lé­ma­tique sim­i­laire se pro­fil­er avec Face­book. Car les maisons de presse alle­man­des et les entre­pris­es améri­caines ne sont “pas des parte­naires sur un pied d’égalité”.

Ain­si, les négo­ci­a­tions ne se seraient pas déroulées sans heurts : « Ce sont les con­di­tions que dicte Face­book. » Il y a par exem­ple des « délais de préavis rel­a­tive­ment courts ». Dachwitz craint que les Améri­cains puis­sent “chang­er d’avis très rapi­de­ment”. Alors, les jour­nal­istes alle­mands « seront plan­tés là ».

Tra­duc­tion : AC. Source : Junge Frei­heit du 30/05/2021. Les inter­titres sont de notre rédaction.

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