Quand une théorie « complotiste des médias d’extrême droite » devient une hypothèse du Président de la République : il y a encore quelques jours, début avril 2020, émettre d’autres hypothèses que la transmission du coronavirus d’un pangolin à l’homme relevait du complotisme. Depuis que le Président Macron a récemment fait part de ses doutes à ce sujet au Financial Times, de nombreux médias, comme un banc de poissons disciplinés, ne considèrent plus cette hypothèse comme farfelue.
Peu après le début de la propagation du coronavirus, diverses hypothèses sur son origine ont circulé. Pour quelle raison une explication a‑t-elle pris l’ascendant sur d’autres ? Nul ne le sait.
La transmission initiale du coronavirus à l’homme n’a pas bénéficié de la traçabilité de la chaine de contamination qui est progressivement mise en place. On ne peut donc a priori écarter aucune hypothèse. Pourtant, dès le début de la pandémie, remettre en cause la théorie de la transmission du coronavirus à l’homme par un pangolin ou une chauve-souris été considéré comme farfelu, voire relevant du complotisme.
Les médias : « l’extrême droite en embuscade »
La lecture de certains articles des médias de grand chemin parus à ce sujet il y a seulement quelques semaines est riche d’enseignement :
- « L’étrange obsession d’un quart des français pour la thèse du virus créé en laboratoire », titraient les Décodeurs du Monde le 31 mars. Le quotidien vespéral se lançait dans de longues et graves considérations sur l’égarement d’une partie des Français, sans doute en proie à un choc émotionnel intense affectant leur lucidité.
- Le 27 février, le quotidien régional La Dépêche consacrait un article aux « huit fake news sur le coronavirus ». Parmi celles-ci, bien évidemment, la thèse de la fabrication du virus dans l’institut de virologie de Wuhan venant notamment d’un « média d’extrême droite américain Zero hedge ».
- Bille en tête, la rubrique « Œil sur le front » de Libération tentait de répondre dans un article du 30 mars à la question : « Pourquoi les électeurs du RN croient que le coronavirus a été inventé en laboratoire ». Étude de la fondation Jean Jaurès à l’appui, le quotidien fondé par Jean-Paul Sartre expliquait « comment l’extrême droite flatte les réflexes conspirationnistes de ses sympathisants ».
Aucun doute ne pouvait être émis face à une version des faits quasiment présentée comme officielle.
Une autre hypothèse n’est citée que dans de rares médias
La transmission du coronavirus d’un pangolin à l’homme a très vite été adoptée par les médias de grand chemin comme l’hypothèse unique de l’origine de la pandémie. Les voix discordantes ont été rares.
On peut une nouvelle fois saluer notamment André Bercoff sur Sud Radio qui assez tôt dans son émission quotidienne n’a pas tourné en dérision l’hypothèse de l’origine de la propagation du virus d’un laboratoire chinois.
Valeurs Actuelles illustrait le 9 mars la plus grande liberté éditoriale de le presse anglo-saxonne, dont assez tôt certains titres, dont le Daily Mail, n’écartaient pas une fuite du virus du laboratoire P4 de Wuhan en Chine. L’hebdomadaire cite également une tribune dans le Washington Post accréditant la thèse de la fuite accidentelle du laboratoire écrite par un « journaliste réputé et très introduit auprès des renseignements américains ».
Après avoir concerné quasi uniquement des médias alternatifs (« d’extrême droite »), ce sont donc ensuite des médias plus conventionnels qui se sont emparés de l’hypothèse, parmi d’autres, de la fuite du virus d’un laboratoire chinois.
Les gouvernements anglais et américain en renfort, le banc de poissons des médias de grand chemin à l’unisson
Comme le souligne France Info le 17 avril, les gouvernements anglais et américains ont récemment demandé au gouvernement chinois de s’expliquer sur l’origine de l’apparition du virus. N’écoutant que son courage ou plus sûrement pour ne pas rester à la traine, le Président de la République française déclarait le 16 avril au Financial Times à propos de la Chine : « clairement des choses se sont produites que nous ne savons pas ». Il poursuivait en critiquant l’absence de liberté d’expression en Chine.
Alors que de nombreux médias n’avaient pas de mots assez durs pour dénoncer la théorie « complotiste » d’un virus venant d’un laboratoire, la déclaration du Président de la République le 16 avril semble avoir donné une autorisation tacite pour explorer d’autres pistes que la transmission animal-homme. C’est alors un véritable festival :
- Le Point titre le 18 avril sur « l’infection d’un employé de laboratoire de Wuhan est plus probable » et donne la parole à un microbiologiste qui développe cette thèse.
- « Ce laboratoire P4 de Wuhan est au cœur des accusations américaines contre la Chine » titre le Huffpost le 17 avril.
- Pour ne pas opérer un virage à 90°, Libération affirme que « rumeurs et polémiques enflent autour de l’origine du virus ». Le journaliste n’emploie pas le mot de « complot » mais évoque des « spéculations ». Il précise que ni Yahoo News ni Fox News n’évoquent une fabrication du virus dans un laboratoire de Wuhan, mais plutôt la possibilité d’une fuite accidentelle.
- Le Figaro s’interroge le 17 avril sur « les mystères du laboratoire de Wuhan ».
- La Charente libre consacre un article au « labo P4 de Wuhan, (qui) travaille sur des sources dangereuses ».
Les exemples d’articles sont nombreux à illustrer la prise en considération de l’hypothèse, parmi d’autres, d’une origine du coronavirus d’un laboratoire de Wuhan en Chine.
Il aura donc fallu que des chefs d’État donnent du crédit à cette hypothèse pour qu’elle ne soit plus taxée de conspirationniste. Un nouvel exemple du conformisme de nombreux médias qui n’explorent des pistes d’investigation qu’une fois un certificat d’honorabilité délivré. Nous suggérons à certains honorables journalistes de tirer profit du confinement pour relire les écrits de George Orwell à propos du Ministère de la vérité. Un vaste sujet de réflexion…