Depuis septembre 2019, l’Italie a un gouvernement de gauche, celui de Giuseppe Conte, formé par le Parti démocrate (PD), de centre-gauche, et le Mouvement 5 étoiles (M5S), qui se disait anti-système, mais qui est aussi partiellement de gauche au sens social et sociétal.
Cela se ressent dans la critique des fautes graves commises par ce gouvernement dans la gestion de l’épidémie de coronavirus qui lui vaut d’être le plus touché d’Europe, désormais à égalité avec l’Espagne, même si ces deux pays sont talonnés par la France dont le gouvernement a lui aussi tardé à réagir.
Propagation Nord/Sud
En Italie, après la fermeture des écoles au niveau national à partir du 4 mars et avant le confinement de la population dans tout le pays à partir du 10 mars, les régions du nord affectées avaient été déclarées zone rouge, mais rien n’a été fait pour empêcher la fuite de la population depuis ces zones rouges vers le reste de l’Italie, ce qui a grandement favorisé la propagation du virus SARS-CoV‑2 dans tout le pays.
« Ils ferment toute la Lombardie. Assaut à la station de Milan », titrait le journal italien de droite Il Giornale dès le 8 mars : « Guichets pris d’assaut », « C’est l’image d’un pays pris de panique, cédant à la psychose générée autant par l’explosion d’une éventuelle pandémie que par le suspens d’une communication tardive du gouvernement sur les nouvelles mesures concernant les déplacements des personnes sur les territoires attaqués par le virus. »
Il Giornale décrivait encore le 8 mars « l’effet boomerang produit par le projet de décret » qui a fuité dans les médias mais a ensuite tardé à être signé par le premier ministre et publié au journal officiel :
« C’est seulement après des heures d’attente désespérée, en effet, que dans la nuit du dimanche 8 mars Conte a annoncé l’approbation des mesures ».
Mais c’est trop tard, écrivait le journal, « des centaines de personnes sont déjà parties de Milan vers le sud du pays, avec le risque de diffusion de l’épidémie que cela entraîne. » Tout ce qui comptait, c’était « fuir les terres du virus avant l’arrivée d’une interdiction officielle de la libre circulation des personnes dans les provinces hors des frontières de la Vénétie, du Piémont, de la Lombardie et d’Émilie-Romagne. » Ceci dans un contexte de « vaste chaos de mesures non confirmées et de silences ministériels ». Un chroniqueur du journal a même raconté sa propre fuite de Milan en train dans un article publié le 9 mars sur le site du journal.
Contrôles tardifs
Il Giornale a depuis publié d’autres articles pour revenir sur les réactions trop tardives du gouvernement de Giuseppe Conte à l’origine de la catastrophe sanitaire, comme celui intitulé « Virus, les 20 jours de retards : voici comment le gouvernement est resté immobile », publié le 24 mars. Un article qui décrit comment le gouvernement italien n’a pas fait grand-chose pour se préparer entre l’intervention du premier ministre le 27 janvier à la télévision pour assurer que l’Italie était prête pour affronter le virus, avec des mesures préventives et la suspension des vols depuis la Chine (mais sans contrôles aux frontières terrestres, ce qui fait qu’il était toujours possible de venir de Chine en atterrissant dans un autre pays européen) et la déclaration de l’état d’urgence pour six mois dès le 31 janvier, jusqu’au 25 février, soit six jours après l’admission du « patient 1 » à l’hôpital de Codogno, dans la province de Lodi, en Lombardie. « Coronavirus, du calme à l’alarmisme : comment Conte s’est trompé », titrait déjà Il Giornale le 10 mars, décrivant le passage « De ‘situation sous contrôle’ à ‘toute l’Italie zone protégée, parce qu’il n’y a plus une minute à perdre’ », quand « en quelques jours Giuseppe Conte, et le gouvernement avec lui, est passé d’un extrême à l’autre ».
La Repubblica bien discrète
L’on pourrait citer d’autres articles d’Il Giornale décrivant les erreurs commises par le gouvernement Conte dans la gestion de la pandémie, tandis qu’une recherche du même type sur le site du journal de gauche de référence, La Repubblica, ne donne quasiment aucun résultat.
À vrai dire, pour trouver une critique des retards pris, et encore de manière indirecte, il faut remonter au 10 mars, avec la reprise des propos d’un épidémiologiste appelant à confiner la population « à quelques heures de l’extension à toute l’Italie des mesures déjà adoptées dans le nord ». Ainsi, si comme le dit l’épidémiologiste en question, « cela n’a aucun sens de fermer les écoles et de laisser tout le reste ouvert », la publication de cet article de La Repubblica arrivait six jours en retard : les écoles avaient été fermées le 4 mars et le décret sur le confinement à partir du 10 mars avait été adopté le 8 mars au soir. Il s’agit donc finalement pas tant d’une critique des erreurs passées du gouvernement Conte que d’un soutien aux décisions venant d’être adoptées. Dans cet article publié sous le titre : « Italie zone protégée, les experts favorables à un resserrement : les fermetures à moitié sont inutiles », le journal précise tout de même, toujours en citant l’épidémiologiste, que « ces derniers jours, nombre de scientifiques ont signalé les risques que l’on courrait dans l’Italie hors de la zone orange, entre apéritifs bondés, manifestations pleines de gens, déplacements nocturnes en train vers les régions du centre et du sud (…). Cela n’a aucun sens de prendre le risque de se retrouver ailleurs dans une situation similaire à celle de la Lombardie ». Dans le même article, publié, rappelons-le, le 10 mars, alors qu’en France le président Macron donnait l’exemple de la conduite à suivre en se rendant au théâtre avec son épouse (le 7 mars) et le gouvernement Philippe refusait de fermer les frontières au prétexte, avancé par le ministre de la santé Olivier Véran sur BFMTV (le 9 mars), qu’« un virus ne s’arrête pas aux frontières », Walter Ricciardi, représentant de l’Italie à l’OMS, prévenait que « l’Italie se trouvait hier dans une situation analogue à celle de Wuhan avant la fermeture de la ville ».
Sauf que le gouvernement chinois ne s’est pas contenté d’isoler Wuhan pour arrêter l’épidémie, il a aussi instauré une frontière hermétique tout autour de la province du Hubei, qui abrite 59 millions d’habitants (soit presque autant que l’Italie), ce qui lui a permis de limiter fortement l’étendue de l’épidémie dans les autres régions de Chine.