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Coronavirus : Didier Raoult dans la controverse médiatique

5 avril 2020

Temps de lecture : 6 minutes
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Coronavirus : Didier Raoult dans la controverse médiatique

Temps de lecture : 6 minutes

Peu connu du grand public il y a encore quelques semaines, Didier Raoult est rapidement devenu un personnage de premier plan dans la lutte contre le coronavirus. Alors que sa notoriété a explosé ces derniers jours, allant même jusqu’à faire la une de Paris Match le 20 mars dernier, le professeur marseillais est désormais au cœur d’une controverse médiatique de plus en plus affirmée, qui semble parfois aller jusqu’à une certaine forme de dénigrement.

Populisme médical ?

Si le directeur de l’Institut hos­pi­ta­lo-uni­ver­si­taire Méditer­ranée Infec­tion est con­nu pour avoir une per­son­nal­ité cli­vante liée à son fort tem­péra­ment, les nom­breuses attaques qu’il subit désor­mais sem­blent obéir à une logique plus politique.

En cause, la détes­ta­tion réciproque entre le milieu médi­cal parisien et Didi­er Raoult, épineux sujet auquel Mar­i­anne a con­sacré un arti­cle le 26 mars, deux jours après que le micro­bi­ol­o­giste ait décidé de se met­tre en retrait du con­seil sci­en­tifique d’Emmanuel Macron.
L’attitude rebelle de Didi­er Raoult envers cer­taines des plus hautes autorités médi­cales lui valent désor­mais d’être perçu comme une sorte d’agitateur qui agace jusqu’au som­met de l’État. Ain­si, Europe 1 nous apprend le 27 mars qu’il est qual­i­fié de « gilet jaune de la médecine » par un proche d’Emmanuel Macron, en analysant que la polémique autour du pro­fesseur révèle « une pro­fonde divi­sion au sein du monde médi­cal entre des sphères académiques, l’élite de la pro­fes­sion, réu­nis autour du Prési­dent, et les médecins de ter­rain, chefs de ser­vices dans les hôpi­taux, pour la plu­part très cri­tiques à l’égard du pou­voir dans sa ges­tion de l’épidémie ».

Un par­al­lèle avec les Gilets Jaunes, vus comme sym­bole con­tes­tataire par excel­lence, déjà employé par BFM le 26 mars dans l’émission BFM Sto­ry inti­t­ulée « Didi­er Raoult : le gilet jaune des blous­es blanch­es ? ». Par ailleurs, après avoir été qual­i­fié d’« égérie des com­plo­tistes », comme nous l’avons évo­qué dans un arti­cle sur ce sujet, le pro­fesseur Raoult est main­tenant vu comme incar­nant un « homme prov­i­den­tiel » selon l’historien Jean Gar­rigues inter­rogé par L’Express le 31 mars, qui prends soin de bien pré­cis­er qu’il faut à ce titre faire atten­tion à la « dérive pop­uliste » qui peut en découler…

Clivage Paris / province

Une « dérive pop­uliste » qui proviendrait du posi­tion­nement qu’incarne le sci­en­tifique, porte-parole d’une médecine ancrée dans le réel, opposée à une élite médi­cale tech­nocra­tique, comme l’explique CNews le 31 mars. Reprenant des pro­pos tenus par le pro­fesseur Raoult lui-même, qui dis­ait le 22 mars au Parisien « Ce n’est pas parce que l’on n’habite pas à l’in­térieur du périphérique parisien qu’on ne fait pas de sci­ence », l’article voit là une réac­ti­va­tion d’un « cli­vage que l’on pen­sait dépassé entre Paris d’un côté et la province de l’autre ». Il cite ensuite une analyse de Frédéric Dabi, le directeur-adjoint de l’IFOP, qui voit même ici un « cli­vage nord-sud », soulig­nant pour illus­tr­er son pro­pos que « l’in­fec­ti­o­logue est soutenu par de nom­breuses per­son­nal­ités poli­tiques de la région Sud (anci­en­nement PACA), en majorité de droite, comme le prési­dent LR de la région Renaud Muse­li­er, le maire LR de Nice Chris­t­ian Estrosi, ou la députée LR des Bouch­es du Rhône Valérie Boy­er ».

Personnalité « controversée »

Alors que la dis­pute sci­en­tifique a pour orig­ine la ques­tion du traite­ment pré­con­isé par le pro­fesseur Raoult (et notam­ment son encadrement médi­cal), on a pu not­er que ce sujet a dépassé le cadre des enjeux de san­té publique et a pris une dimen­sion désor­mais large­ment politique.

Nom­bre de médias de grand chemin ten­tent de dis­créditer le pro­fesseur Raoult avec plus ou moins de sub­til­ité, comme l’indique le champ lex­i­cal util­isé. Ain­si, La Croix par­lait le 28 mars du « con­tro­ver­sé Pro­fesseur Raoult », L’Opinion lui recon­nais­sait un « CV impres­sion­nant » mais reve­nait égale­ment sur sa « répu­ta­tion con­tro­ver­sée », La Voix du Nord titrait le 30 mars « Didi­er Raoult, ponte de la recherche et roi de la polémique » quand Le Télé­gramme le qual­i­fi­ait la veille de « prophète de la chloro­quine », lais­sant enten­dre que son traite­ment rel­e­vait peut-être d’avantage de la foi que de la sci­ence. Une expres­sion plus ou moins proche de ce qu’avait déjà sous-ten­du BFMTV le 27 mars, présen­tant Didi­er Raoult dans la descrip­tion du reportage lui étant con­sacré comme « sci­en­tifique génial pour les uns, char­la­tan pour les autres ». Un pro­pos éton­nant, au vu du par­cours et du CV de l’intéressé.

Un opposant politique ?

Cette remise en cause des qual­ités sci­en­tifiques du directeur de l’IHU de Mar­seille tient sans doute au posi­tion­nement qu’il occupe désor­mais dans la sphère médi­cale comme poli­tique, catalysant à la fois les espoirs d’une large par­tie de la pop­u­la­tion et la con­tes­ta­tion envers un pou­voir à qui l’on reproche une ges­tion cat­a­strophique de la crise. En cela, le pro­fesseur Raoult, même s’il se garde bien de faire de la poli­tique, est devenu peut-être mal­gré lui une sorte d’opposant à tout un sys­tème de san­té publique de plus en plus décrié.

Cela lui vaut désor­mais d’être attaqué au-delà de la sphère pure­ment médi­cale. L’exemple le plus emblé­ma­tique provient de Daniel Cohn-Ben­dit qui, invité à s’exprimer sur LCI a déclaré au sujet du micro­bi­ol­o­giste : « Qu’il ferme sa gueule et qu’il soit médecin ! Qu’il arrête de dire partout : je suis un génie. Il y en a marre de ce genre de mec ». Était égale­ment présent l’ancien min­istre Luc Fer­ry (qui avait appelé à tir­er à balles réelles sur les Gilets Jaunes) que l’on voit abon­der dans le sens de Cohn-Ben­dit en affir­mant être d’accord avec lui, et pointant la per­son­nal­ité de Raoult comme un « prob­lème ». Le posi­tion­nement qu’il occupe sem­ble déranger cer­taines fig­ures poli­tiques bien con­nues et proches du pou­voir. Une hys­térie anti-Raoult qui « relève de toute évi­dence de l’idéologie » comme l’analyse Anne-Sophie Chaz­a­ud dans sa tri­bune du 30 mars pour le Figarovox.

Mal­gré tout, le pro­fesseur peut compter sur quelques sou­tiens de poids, venus d’horizons poli­tiques les plus divers. Par­mi eux, l’urgentiste Patrick Pel­loux, ancien col­lab­o­ra­teur de Char­lie Heb­do, a pris sa défense le 1er avril dans Les Grandes Gueules sur RMC en déclarant « Je m’in­surge con­tre ceux qui dis­ent que c’est un escroc, un fou. Non, c’est quelqu’un qui a un raison­nement sci­en­tifique, qui a une des bases de recherche les plus impor­tantes sur les mal­adies infec­tieuses en France. Donc ce n’est pas le per­dreau de l’année ». Loin de ça, en effet, le pro­fesseur Raoult n’a d’ailleurs pas hésité à pub­li­er une vidéo prise par ses soins, le 31 mars, afin de présen­ter son équipe, défendre sa méth­ode et con­tr­er ain­si par lui-même les attaques dont il a pu faire l’objet de manière récur­rente au cours de ces derniers jours.

S’il adve­nait que le Pro­fesseur Raoult avait rai­son mal­gré toutes les objec­tions exprimées, il sera par­ti­c­ulière­ment intéres­sant de voir com­ment cette infor­ma­tion sera traitée par l’ensemble des grands médias y com­pris les médias dom­i­nants, un dossier que nous suiv­rons avec attention.

Pho­to : cap­ture d’écran vidéo IHU Méditerranée-Infection

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