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Coup de tonnerre sur le PAF, BFMTV en vente

15 septembre 2023

Temps de lecture : 5 minutes
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Coup de tonnerre sur le PAF, BFMTV en vente

Temps de lecture : 5 minutes

Les ennuis, ça vole en escadrille disait Jacques Chirac (il employait un terme plus sonore que ennuis). Pour Patrick Drahi, entre les Drahileaks, fuite de documents par des hackers, de gros soucis avec le fisc de Genève, plus la trahison de son associé portugais Armando Pereira qui aurait (procès en cours) largement piqué dans la caisse, ça commence à faire beaucoup et il va falloir vendre quelques bijoux de famille.

Déjà en 2015

Voici ce que nous écriv­ions en 2015 :

En moins de deux ans, Drahi a réus­si à bâtir un empire de télé­coms, de câbles et de médias. Entière­ment à crédit. Il est mon­té grâce aux ban­ques, mais risque à présent d’être per­du par elles, qui s’inquiètent de la fragilité struc­turelle et de l’endettement énorme de son groupe. Celui-ci, qui a gon­flé comme une bulle, peut en effet finir par éclater. Au risque d’embarquer pour l’enfer les médias qu’il a récem­ment achetés…

L’homme d’affaires fran­co-israélien com­mence à petite échelle, en 2001, en créant son fonds d’investissement, Altice. Il a pour objec­tif de racheter les petits opéra­teurs du câble et y arrive en moins de qua­tre ans, cro­quant Est vidéo­com­mu­ni­ca­tion, Numéri­ca­ble, Noos, France Tele­com Câble, TDF Câble et UPC France. Il intè­gre le tout autour de Numéri­ca­ble et con­tin­ue ses acqui­si­tions, sans rechign­er à pay­er le prix fort s’il le faut : Com­ple­tel en 2007, Mar­tinique TV Cable, World Satel­lite Guade­loupe et Valvi­sio – ces 3 derniers pour 22 mil­lions d’€ à la barbe de Canal Plus en 2009. La même année, il rachète en Israël les deux opéra­teurs télé­com Hot et Mirs, regroupés sous le nom du premier.

Mais c’est à par­tir de 2014 et de l’entrée en Bourse d’Altice que sa frénésie d’achats explose : il acquiert suc­ces­sive­ment 20% de parts sup­plé­men­taires de Numéri­ca­ble, sauve Libéra­tion en avril 2014, souf­fle au même moment SFR à Bouygues pour 17,4 mil­liards d’€, croque Por­tu­gal Tele­com en décem­bre 2014 pour 7,4 mil­liards d’€, reprend en jan­vi­er 2015 les titres français du groupe Roular­ta (dont L’Express et l’Expansion) pour moins de 10 mil­lions d’€, reprend qua­tre mois plus tard l’opérateur améri­cain Sud­den­link pour 8 mil­liards de dol­lars et un autre opéra­teur améri­cain, Cable­vi­sion, pour 17,7 mil­liards d’€ à l’automne 2015.

Comme en 2018

C’était l’histoire de la veuve de Car­pen­tras que nous racon­tions à notre façon par une fable.

La veuve de Car­pen­tras, fig­ure emblé­ma­tique des petits por­teurs, n’aurait pas dû inve­stir l’assurance-décès de son veu­vage dans Altice en juin 2015. À l’époque, elle avait acheté l’action 32 € et son con­seiller financier de La Poste lui avait assuré : « une affaire sûre, un homme d’affaires d’envergure inter­na­tionale, un secteur en pleine restruc­tura­tion, vous pou­vez y aller en confiance ».

Certes elle s’était un peu inquiétée quand l’action avait per­du la moitié de sa valeur un an plus tard, aux envi­rons de 16 €. Mais l’audition à la même époque (juin 2016) de Patrick Drahi devant le Sénat l’avait ras­surée. Le PDG avait souri devant les séna­teurs un peu ébahis en leur déclarant : « Je dors beau­coup plus facile­ment avec mes 50 mil­liards d’euros de dettes qu’avec mes pre­miers 50 000 francs français de dettes quand j’ai créé mon entre­prise ». Con­fir­mant l’adage « Tu dois dix mille euros à ton ban­quier tu ne dors plus, tu lui dois dix mil­lions d’euros c’est lui qui ne dort plus ».

Et puis ça remon­tait, à coups de paille de fer, de licen­ciements et de pres­sion sur les salaires, l’action dépas­sait les 24 € en juin 2017. Le con­seiller de La Poste plas­tron­nait « Vous voyez comme j’avais rai­son, nous allons dépass­er le cours d’acquisition dans l’année, croyez-moi ! ». C’était un peu avant octo­bre 2017 où — en moins de deux mois — l’action tombait à 8 €. Le con­seiller était devenu injoignable. Au mois d’août 2018 elle réus­sit à obtenir un ren­dez-vous à La Poste, c’était un nou­veau con­seiller qui ne put que déplor­er avec elle une chute de 93% de l’action tombée à 2,36 €, en trois ans. Puis Altice obtient de nou­veaux crédits et l’action remonte un peu.

2023, la confiance des banques s’évapore

Drahi est con­nu pour ses capac­ités d’ingénierie finan­cière. Autrement dit, il sait ou savait com­ment lever de la dette et obtenir des reports de rem­bourse­ment de ses ban­quiers en cas de dif­fi­cultés. Il avait réus­si jusqu’ici, mais la trahi­son d’Armando Pereira a instal­lé le doute chez les créanciers. Quelle sera l’étendue du préju­dice ? Surtout, peut-on encore faire con­fi­ance à la gou­ver­nance du groupe Altice ?

Début sep­tem­bre 2023 après maints démen­tis, un cadre du groupe lâchait le morceau lors d’une con­férence de presse d’un des créanciers, Gold­man Sachs, par­lant d’un « parte­naire pour SFR », de vente des data cen­ters et « d’autres act­ifs de grande valeur comme les médias… si nous avions un bon prix ». Autrement dit, accepter un minori­taire chez SFR et ven­dre les médias au plus offrant.

Des actifs financiers et politiques

La dette est d’environ 60 mil­liards d’euros (une mon­tagne). Altice attendrait 2 mil­liards de la vente de ses médias (BFMTV, RMC). Une somme exces­sive par rap­port au résul­tat financier estimé, mais qui pour­rait se com­pren­dre si on inclut l’actif poli­tique en ter­mes d’influence. BFMTV demeure en tête des chaînes d’information en con­tinu avec plus de 3% de part d’audience. De leur côté, Libéra­tion est dans un fonds pour l’indépendance de la presse où Drahi garde une influ­ence (mais le loup Křetín­ský est dans la place) et L’Express sera bien­tôt à 100% dans les mains d’Alain Weill.

Les requins rôdent déjà autour des dépouilles. À com­mencer par Rodolphe Saadé qui se con­stru­it un empire médi­a­tique (La Provence, La Tri­bune, des par­tic­i­pa­tions dans Brut et M6). Mais aus­si Xavier Niel qui a échoué à racheter M6. Sans oubli­er deux oli­gar­ques aux poches pro­fondes, Daniel Křetín­ský et Bernard Arnault. Les enchères vont bien­tôt com­mencer. Bon appétit, Messieurs.

Voir aus­si : Patrick Drahi, infographie

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